De l'eau salée dans les veines
Samantha Davies a grandi sur l'eau. Issue d'une famille de marin, la voile n'est pourtant à la base, qu'une histoire de loisir. Le sport elle le pratique par le biais natation. C'est en 1998, sur le Trophée Jules Verne, qu'elle se lance dans la voile de compétition. Elle a alors 24 ans.
Après plusieurs Vendée Globe, un tour du monde en équipage avec escale 100 % féminin – la Volvo Ocean Race en 2015 – et plusieurs navigations sur divers bateaux avec des skippers de renom, elle retente sa chance sur le Vendée Globe une 3e fois. Et la navigatrice britannique figure parmi les favorites des prétendants au podium. 20 ans après Ellen Mc Arthur, sera-t-elle la prochaine femme à réaliser cet exploit ?
Encore plus forte 8 ans plus tard
"Je voulais revenir, n'ayant pas terminé sur mon 2e Vendée Globe en 2012-2013. Et je le fais 8 ans plus tard. J'avais imaginé retenter le coup en 2016, mais j'ai eu une super opportunité avec la Volvo Ocean Race. Mais c'est encore mieux, car je profite de l'expérience acquise sur la Volvo. Je me sens encore plus forte que si j'avais retenté ma chance directement. Je suis ravie d'être là, encore plus avec ce projet Initiatives-Cœur que Tanguy (NDLR De Lamotte, ancien skipper pour Initiatives-Cœur qui lui a laissé la barre en 2017). En plus de faire de la course et d'être compétitrice, je défends une cause. C'est un projet vraiment complet."
Une aventure humaine
Le Vendée Globe ce n'est pas seulement une course, comme l'explique la navigatrice, mais une aventure humaine, dont le départ est donné tous les 4 ans. Et à chaque fois c'est peut-être la seule opportunité d'y participer.
"Le Vendée Globe, c'est la course la plus dure, la plus longue. C'est notre Everest, à nous les marins. Je peux faire encore mieux que ce que j'ai fait avant. Je suis sûre que c'est un avantage d'y avoir déjà participé. Je connais l'expérience, tous les effets, les conditions, la route. J'ai déjà vécu les galères, les drames, les supers moments. Je pense qu'il ne faut pas imaginer que ça va être comme la dernière fois. Ça peut être un piège, et ce n'est pas du tout ça."
Le cap Horn, un moment mythique
Son plus beau souvenir de la course restera le passage du mythique Cap Horn, sur sa première édition en 2008/2009.
"C'est la première fois que je passais le Cap Horn toute seule. C'était un moment symbolique. C'est la porte de sortie des mers du Sud. J'étais bien placée. Je n'avais jamais été aussi loin sur ce tour du monde parce que sur le précédent, j'avais démâté dans le Pacifique. C'est un super souvenir."
Un projet qui a un sens
Depuis 2017 donc, Samantha a repris les rênes du projet Initiatives-Cœur. Le bateau a changé – puisqu'il s'agit de l'ancien Maître Coq avec lequel Jérémie Beyou a terminé 3e du Vendée Globe 2016.
"J'ai un super bateau et une super équipe. Je le connais bien et je suis mieux armée que jamais au niveau de la performance. Avec mon expérience du dernier Vendée Globe et de la Volvo Ocean Race, j'ai hâte d'aller découvrir tout ce qui va nous arriver. Je ne pouvais rêver à mieux. J'ai un projet qui a un sens. À chaque fois que je navigue, je sauve des enfants. C'est une cause solidaire, avec un public, des mécènes. C'est super beau de faire cette course en soutenant un tel projet. Je change la vie des gens à chaque mille que je parcoure."
Un bateau de 2010 avec des foils de dernière génération
Inititiatives-Cœur est un bateau qui a 10 ans et qui a entièrement été pensé pour le Vendée Globe et pour sa skipper.
"Il a déjà fait 2 Vendée Globe et a terminé à la 2e et la 3e place. Il aime bien être sur le podium. On a eu du temps pour le modifier et l'optimiser. Il a été upgradé avec des foils de dernière génération pour améliorer la performance. Je suis capable de rattraper les bateaux neufs, même si je ne suis pas aussi rapide."
En contrepartie, il a fallu rendre le bateau plus solide pour compenser cette augmentation de vitesse et de performance. Pour gérer la vitesse supplémentaire.
"J'ai un plan de voilure différent des autres bateaux, adapté à manière dont je navigue. Le mât est neuf grâce à la règle d'antériorité des bateaux anciens. Les mâts ont souvent des problèmes de faiblesse sur nos bateaux. Tanguy avait d'ailleurs eu un problème avec son mât et moi aussi, et nous avions dû abandonner."
Ses partenaires ne voulant pas partir avec un mât âgé ont pu bénéficier de la règle d'antériorité – limitant le poids minimum du bateau - qui permet de ne pas conformer les bateaux anciens aux bateaux conçus à partir de 2016.
"Mon mât est plus court que les autres, ce qui réduit le fardage. La différence de taille est compensée par la solidité. Mon bateau est équipé de très gros foils et les capteurs ont révélé que l'on avait tendance à trop charger le gréement et qu'il fallait réduire la toile. Du coup c'est un des avantages qui compense l'âge de mon bateau."
Ce bateau, elle le connait vraiment bien, et son équipe a beaucoup travaillé pour l'adapter à la main de Sam.
"Je le connais super bien. Tout est facile. C'est moi qui décide, pas mon bateau. Avec des foils trop puissants sur des bateaux qui vont vite, on peut vite se faire dépasser par les éléments. Mais je suis bien le maitre."
Malgré de beaux résultats sur les courses et entrainements d'avant Vendée Globe, Samantha a du mal à se fixer un objectif.
Battre le record d'Armel le Cléac'h et sauver un maximum d'enfants
"Je ne veux pas m'emballer, car mon bateau n'est pas aussi rapide que les bateaux neufs. C'est dur de se fixer des objectifs quand on sait que tout dépend de ce qui arrive à la flotte. J'ai terminé 4e en 2008 sur un vieux bateau."
Son objectif, c'est le temps ! C'est déjà de battre le record d'Armel le Cléac'h, dernier vainqueur du Vendée Globe 2016 en 74 jours. Et surtout de sauver un maximum d'enfants.
"Il faut 12 000 € pour sauver un enfant. Mon objectif c'est de sauver 60 enfants. Je suis une compétitrice, donc je suis à fond dans le classement. Mais j'ai aussi besoin de clics (NDLR A chaque nouveau "J'aime" sur la page Facebook ou abonné sur Instagram d'Initiatives-Cœur, les partenaires de Samantha s'engagent à verser 1 € à la fondation Mécénat Chirurgie Cardiaque, qui opère du cœur les enfants démunis qui n'ont pas la possibilité de l'être). Je suis très motivé pour faire le mieux pour l'association."
Sereine pour le départ
Si la saison ne lui a pas permis – comme tous les autres marins - de participer aux deux transats de prévues, Samantha est prête à prendre le départ sereinement.
"J'ai de la chance d'avoir mon bateau depuis 2017. J'ai participé à beaucoup de courses à son bord. Cette année, on l'avait prévu comme une année de fiabilisation. Les optimisations ont été faites les années précédentes. J'étais donc prête à partir au début de cette année.
J'ai profité du confinement pour passer du temps en famille, ce que l'on ne pourra pas faire sur le Vendée Globe. Avec mon équipe, on s'est posé des questions pendant cette période. C'est génial d'avoir non seulement le côté sportif, mais aussi la partie solidaire du projet. On a gardé notre motivation, même si on avait des doutes sur les courses. Sur ce Vendée Globe, j'espère faire le mieux pour Mécénat Chirurgie cardiaque. Ça n'a pas changé. Les associations ont souffert plus que jamais. Elles ont reçu moins d'argent, les enfants opérés étaient coincés en France et ne pouvaient pas retourner dans leur pays. Les enfants malades ne pouvaient pas venir pour être opérés.
Nous on s'adapte. Il y a beaucoup plus de monde qui des problèmes plus graves que nos courses. Notre ligne de conduite, c'est de faire le mieux pour le projet. Ça nous a fédérés et motivés pour cette période compliquée."
Permettre au public de s'évader
Finalement, ce départ de Vendée Globe et la course en elle-même ne changera pas le quotidien des marins qui ont vécu comme tous les terriens le confinement.
"C'est une chance pour nous et le public pourra nous suivre sur Internet, sur les réseaux. L'hiver va être difficile pour tout le monde. Il y a de nombreuses restrictions et si on peut animer, faire rêver les gens, je suis encore plus motivé pour partager ma course du mieux possible. On va essayer de faire évader un peu les gens. Surtout que plus je partage, plus j'obtiens de clics, et donc je sauve d'enfants. Je suis encore plus motivée que jamais."
Son pronostic du Vendée Globe ?
Je mettrais sur un même pied d'égalité, Apivia (Charlie Dalin), Charal (Jérémie Béyou) et Hugo Boss (Alex Thomson).