Interview / Damien Seguin : "J'ai envie d'écrire mon histoire personnelle sur le Vendée Globe"

© Jean-Marie LIOT

Damien Seguin a débuté la course au large il y a 5 ans, mais pratique la voile de compétition depuis l'âge de 10 ans. Champion paralympique, il s'apprête à prendre le départ de son premier Vendée Globe. C'est un nouveau défi que s'apprête à vivre ce grand compétiteur, qui porte des valeurs fortes d'intégration.

Un parcours classique dans la voile de compétition

Pratiquant la voile depuis l'âge de 10 ans et la course au large depuis 5 ans, Damien Seguin prendra le départ de son premier Vendée Globe le 8 novembre 2020. S'il est né sans main gauche, ça ne l'a nullement empêché de gravir les échelons de la planète voile.

"J'ai suivi si on peut dire la filière classique, classe Figaro et Class40. Après plusieurs années, j'ai eu envie de continuer sur des bateaux plus grands et plus rapides. J'ai intégré la classe IMOCA en 2018, or sur ces bateaux, l'objectif est quand même le Vendée Globe. Ça a été une progression linéaire, et pas forcément un projet auquel je rêvais quand j'ai débuté la course au large. Ça s'est imposé de lui-même."

De nombreuses découvertes

Deux ans après son arrivée en IMOCA, il va donc partir pour son premier tour du monde, le point d'orgue de ces bateaux de 60 pieds.

"C'est une course vraiment à part dans le monde de la course au large. On a l'habitude de dire que c'est l'Everest des marins, c'est la course la plus difficile et la plus longue à laquelle on peut participer. On va aller se confronter à des mers auxquelles on n'est pas habitué quand on navigue en France. La durée est aussi exceptionnelle ! C'est une course mythique, auxquels tous les grands marins ont participé. J'ai aussi envie de me frotter à l'histoire de la course en large en écrivant mon histoire personnelle."

Comme tous les bizuths de la course, ce sera la première fois pour Damien Seguin de rester aussi longtemps en solitaire sur un bateau.

"Il faut une première. Je m'attends à beaucoup de découvertes. Il y a aura des moments supers et d'autres compliqués. Je m'attends à vivre une aventure avec un grand A, comme peu de sports proposent une aventure. J'espère bien le vivre et le faire vivre à d'autres personnes. C'est aussi une compétition sportive et j'espère livrer bataille avec des concurrents sur l'eau. C'est très important pour moi, je ne participerai pas au Vendée Globe uniquement pour l'aventure."

Damien Seguin  © Jean-Louis CARLI
Damien Seguin © Jean-Louis CARLI

Apicil, un bateau qui connait la route

Il sera à la barre d'Apicil, un bateau au vécu particulier puisqu'il a été utilisé pour le tournage du film "En Solitaire" avec François Cluset.

"C'est un bateau construit en 2008 pour Marc Thiercelin. Il a été vendu à Gaumont puis racheté ensuite par Éric Bellion pour la dernière édition du Vendée Globe. Il s'appelait alors Comme Un Seul Homme. Je l'ai racheté en 2018. On a beaucoup travaillé dessus, notamment pour améliorer les performances. À bord, il y a une seule chose adaptée à mon handicap. La colonne de winch est équipée d'un manchon avec une prothèse pour utiliser mon bras gauche."

Son bateau a déjà fait le tour du monde et c'est forcément une force pour "ce dur au mal". Il a complètement confiance dans son bateau pour son premier tour du monde, et dans sa capacité à se sortir de situations compliquées. Une expérience acquise tout au long de ses 15 dernières années, et sur sa dernière Route du Rhum 2018, où les conditions avaient été compliquées.

"Il est solide, les performances ont été améliorées, on l'a remis au goût du jour, il est fiable. Je le connais parfaitement puisque je navigue dessus depuis 3 ans. Il offre de bonnes performances sportives et maximise mes chances d'être à l'arrivée."

 Si la saison a débuté tardivement pour tous les marins, Damien Seguin est bien préparé pour ce départ.

"J'ai beaucoup navigué avec le bateau. En solitaire ou en équipage et je suis relativement serein. Je l'ai depuis 2018, contrairement à des projets démarrés cette dernière année. J'avais déjà ma qualification, et l'essentiel du boulot était fait avant."

L'IMOCA Apicil  © Jean-Marie LIOT
L'IMOCA Apicil © Jean-Marie LIOT

L'aventure oui, mais la compétition avant tout

Outre participer et terminer, le skipper d'Apicil reste un compétiteur et espère figurer aux avant-postes de la "régate off des bateaux sans foils." Et même remporter dans sa catégorie.

"On a bien amélioré le bateau. Il y aura des beaux bateaux que j'espère challenger. En termes de jours, Apicil avait bouclé le tour du monde en 99 jours, je vise autour des 80 jours. C'est un objectif assez ambitieux pour un bateau à dérives, mais il en est capable et moi aussi. C'est un challenge sympa !"

Porter des valeurs d'inclusion

Avec un parcours atypique dans le monde de la voile en raison de son handicap, Damien Seguin porte des valeurs fortes. "La communication c'est quelque chose d'important. Mon handicap interroge beaucoup de gens. J'ai envie de communiquer sur des valeurs d'inclusion, d'intégration. Je le fais volontiers. À l'intérieur de nos bateaux, autour du monde, on a des caméras, des téléphones satellites pour partager l'aventure.

C'est quelque chose d'inspirant, surtout en ces temps de Covid, de confinement. J'ai envie que les gens vivent par procuration, de les faire vibrer. On va dans des endroits inconnus du grand public. On est des reporters du large c'est sûr.

Damien Seguin  © Jean-Louis CARLI
Damien Seguin © Jean-Louis CARLI

Son pronostic du podium du Vendée Globe ?

Hugo Boss (Alex Thomson), Charal (Jérémie Beyou), et Initiatives-Cœur (Samantha Davies), qui a bien mené son projet.

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