Interview / Jérémie Beyou : "J'ai l'expérience et le bateau pour prétendre à la victoire du Vendée Globe"

© Gauthier Lebec / Charal

Jérémie Beyou prendra le 8 novembre 2020 le départ de son 4e Vendée Globe, sur Charal, le premier foiler de dernière génération. Avec une mise à l'eau en 2018, le skipper connait bien son bateau qu'il a fait évoluer et mis à sa main depuis deux ans et se présente comme un sérieux prétendant à la victoire.

Un long chemin avant la victoire

Jérémie Beyou est baigné dans la voile de compétition depuis son plus jeune âge. Triple vainqueur de la Solitaire du Figaro – ils sont peu à avoir cet honneur – il navigue en IMOCA depuis maintenant 17 ans et participe en 2020 à son 4e Vendée Globe.

"C'est une course sur laquelle j'ai découvert que j'étais à l'aise. Ce n'était pas forcément évident au début, mais au bout de la 3e édition, j'ai réussi à finir. Tu vois que tu es capable de faire le tour, de t'en sortir dans des conditions difficiles. J'ai vu qu'il y avait encore pas mal de travail avant la victoire. En 2016, j'étais un peu loin d'Armel et Alex. Sur cette édition, j'ai envie de bien faire, de faire mieux."

Pour sa 3e participation au tour du monde en solitaire réservé aux IMOCA, il avait terminé sur la 3e marche du podium, bouclant son tour du monde en 78 jours.

"Sur mon premier Vendée Globe, les deux premières semaines de course s'étaient bien passées. J'étais à l'aise et j'ai passé de bons moments, notamment au large du Cap Vert, entre les îles, au portant, c'était assez chouette. Sur le dernier, on a eu en termes de météo, des conditions assez exceptionnelles dans l'Atlantique Sud à la descente. La mer était plate, on était à 120° du vent, avec des bateaux qui accéléraient fort, on avait de petits foils, les conditions étaient magiques ! L'arrivée l'était tout autant, avec de superbes conditions météo, une mer plate, un vent de nord et la sensation d'être bien tout seul en mer."

Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal
Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal

Charal, un bateau fiable qu'il connait par cœur

Premier skipper à avoir son mis son foiler de dernière génération à l'eau – c'était en 2018 - il connait aujourd'hui sa machine par cœur et part confiant sur ce nouveau départ.

"J'ai confiance dans mon bateau. J'ai la capacité d'être réactif sur les réglages, dans toutes les conditions, de bien savoir régler le bateau. J'ai parcouru énormément de milles dessus. Ça rend serein. Ce sont des bateaux assez violents, ça rend la navigation assez intense.

Je pense arriver à être décontracté pour réussir à aller me reposer de temps en temps. La première année, j'étais incapable de me poser et d'aller dans une bannette. J'étais trop stressé et il y avait de quoi. Ce sont des bateaux qui vont vite, qui ne sont pas faciles, qui sont à la limite de rupture de partout.

J'ai dû apprendre où étaient les limites, où mettre le curseur pour que ça ne casse pas. Aujourd'hui, je suis capable de mener le bateau à une allure correcte tout en étant capable de me reposer. Et ce sont uniquement les heures de nav' qui t'apportent ça.

On l'a aussi fait évoluer, en identifiant les casses potentielles, le degré de maintenance et d'usure des différentes pièces. C'est un avantage d'avoir mis à l'eau de bonne heure ce bateau."

L'IMOCA Charal Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal
L'IMOCA Charal Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal

Si Jérémie navigue à bord de Charal depuis maintenant deux ans, ce n'est pas le cas de certains skippers, dont les bateaux ont été mis à l'eau il y a peu. Une différence de timing qui n'inquiète pas le marin d'un point de vue évolution technologique.

"Les bateaux restent assez proches les uns des autres. Selon la géométrie de carène et de foils, il y a des bateaux qui restent plus à l'aise dans certaines conditions. Après, il n'y a pas un bateau qui est plus rapide dans certaines conditions.

On a beaucoup vu certains foilers et d'autres moins, donc on n'a pas vu tous les bateaux pour pouvoir comparer. On a aussi fait des courses, notamment cette année, des courses faciles et courtes. Ça ne permet pas de savoir comment chacun va se débrouiller avec son bateau sur la durée, avec des conditions difficiles.

Ce n'est pas la performance pure qui détient la réponse. Il y a aussi la capacité du solitaire à être devant. Il y aura peut-être des surprises.

Charal a beaucoup évolué depuis sa mise à l'eau. On l'a équipé avec une 3e version de foils, on a travaillé sur les voiles, la répartition des masses. On s'est marqué au niveau des bateaux des plus récents."

Avec des bateaux volants et de plus en plus performants, tout va être une question de maitrise de sa machine en fonction des conditions météo.

"Stratégiquement, il va falloir être capable de trouver les conditions pour tirer un maximum du bateau. Une des clés, c'est de ne pas subir la météo, de trouver les conditions pour faire avancer ton bateau, le faire voler et enquiller des milles comme ça. Il va falloir être bon et assez fin. J'espère que je serais au niveau sur ce sujet."

Jérémie Beyou Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal
Jérémie Beyou Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal

Gros chantier de printemps et des foils version 3

Pour ce Vendée Globe, Charal sera équipé d'une nouvelle version de foils. Le team a également réalisé un gros travail jusqu'à la remise à l'eau au mois d'août pour adapter le bateau aux conditions rencontrées sur ce tour du monde.

"On a refait les étraves, travaillé sur les volumes de ballast, opté pour un jeu de voiles neuf et ajouté des options sur l'électronique de bord et le pilote. C'était énormément de travail. On a également équipé le bateau avec une version 3 de foils. On laissait un peu de performances sur la V2 au reaching, même si le bateau était plus constant qu'avec la V1. Avec cette nouvelle version, on récupère la perf au reaching et la stabilité au portant. C'est une version hybride entre les deux précédentes, et je suis plus à l'aise avec ceux-là. Ça se joue finalement à pas grand-chose, mais on a fait un choix.

On retrouve sur l'eau ce que l'on avait imaginé en théorie. Ils ont pas mal été éprouvés, puisqu'ils reprennent la base des foils V1. Je n'ai pas trop d'inquiétudes, j'ai pas mal de repères puisque le fonctionnement est assez proche"

L'IMOCA Charal Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal
L'IMOCA Charal Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal

Un binôme compétitif

Depuis deux ans, Jérémie a eu le temps de mettre son bateau à sa main, tout en tenant compte des contraintes imposées par une telle machine.

"Le bateau est capable d'aller vite dans le médium assez rapidement. Il est assez polyvalent, ultra léger, et surtout, à ma main. Après, il y a toujours des compromis. Le skipper doit s'adapter à son bateau. Notamment en termes de contraintes de structure, car on ne fait pas toujours ce que l'on souhaite. J'ai fait un peu de chemin sur ce bateau, je suis ultra à l'aise et en confiance. Je sais quand faire les choses, installer les bonnes voiles, mener le bateau tout en tenant compte des limites de charges. On forme un binôme plutôt compétitif."

Aujourd'hui, il figure parmi les favoris pour prétendre à la victoire. Pourtant, le marin reste très modeste quant à ses prétentions.

"Je n'ai jamais été un favori sur le papier. Sur mes 3 précédentes éditions, je n'avais ni le bateau, ni l'expérience pour gagner. Je sais que je ne naviguais pas pour gagner.

Cette fois-ci j'ai expérience et le bateau pour prétendre à la victoire. C'est quelque chose d'acquis dans le sens où on est allé le chercher. Mais, le résultat final il faudra aller le chercher sur l'eau. On a bien préparé notre tour du monde, mais ça se décidera sur l'eau."

Jérémie Beyou Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal
Jérémie Beyou Jérémie Beyou © Gauthier Lebec / Charal

Un projet démarré de bonne heure qui prend tout son sens en temps de crise sanitaire

Avec la crise sanitaire, son projet démarré de bonne heure prend encore plus de sens. En effet, il a pu depuis deux ans, naviguer – beaucoup – et faire évoluer – beaucoup – son bateau.

"C'est vraiment un atout d'avoir commencé de bonne heure. Des navigations engagées les hivers passés, on en a fait. Il y a 4 ans, on avait eu en guise d'entrainement la Transat New York – Vendée. C'était une course engagée, on avait dû contourner une dépression bien costaud au portant. Ça avait été très sport pendant les ¾ de la traversée. C'est vraiment bien de faire des transats comme ça !

Cette année, les conditions de la Vendée Arctique ont été très légères au portant. C'est handicapant de ne pas avoir fait de transats avec de grosses conditions, mais on en a bouffé l'hiver précédent et depuis la mise à l'eau, donc ça l'est moins pour nous.

Finalement ça donne du sens à notre projet. Je sais d'expérience que ça ne se passe rarement comme prévu. Mettre un bateau à l'eau peu de temps avant le Vendée Globe c'est un trompe-l'œil. Ceux qui l'ont fait l'ont fait par défaut, mais dès qu'il y a un grain de sable dans le planning, ou des choses que l'on ne peut pas prévoir, comme cette crise sanitaire, c'est compliqué si tu es limite en préparation. Pour notre part, ça n'a pas entaché notre préparation de façon trop importante."

Jérémie fera partager son aventure grâce à un grand dispositif de caméras, qui lui permettront de faire et d'envoyer de belles images de sport.

"J'espère réussir à envoyer des images. Faire ressentir ce que l'on vit à bord sur ces bateaux. La folie, la vitesse, l'engagement que ça nécessite, le côté extrême de cette course."

Son pronostic pour le podium du Vendée Globe ?

"Je n'ai pas envie de répondre à cette question..."

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5.85 mLargeur - Bau
29.00 mTirant d'air (hauteur maxi)
8 000 kgDéplacement lège
Voir la fiche technique du IMOCA
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