Une carrière de coureur au large sur le tard
Manuel Cousin est un passionné de longue date. S'il pratique la voile depuis tout petit, tirant ses premiers bords en Optimist, il est surtout un amoureux du sport et de la compétition.
"J'ai toujours fait beaucoup de bateau, de sport en général depuis tout jeune. C'est le fil rouge de ma vie, même si je suis devenu skipper professionnel sur le tard. Ça ne m'a jamais quitté, j'ai toujours adoré ça et je réalise un rêve en faisant ce métier depuis trois, quatre ans."
Cet ancien cadre commercial chez Toyota a débuté en Class40 en 2014, avant de se lancer avec son sponsor Groupe Sétin dans un projet de Vendée Globe 2020.
"C'est le Graal ! Il n'y a pas plus haut et plus fort pour un skipper professionnel, pour un coureur au large. C'est la course ultime ! J'ai déjà participé à la Transat Jacques Vabre, à la Route du Rhum et à d'autres transatlantiques, mais le Vendée globe, en solitaire, c'est le sommet ! On s'engage sur le Vendée Globe pour chercher ce qui se fait de mieux dans la course à la voile."
Le frisson des mers du sud
S'il sait plus ou moins à qui s'attendre pour la première partie du parcours – ayant plusieurs transats à son actif – il a hâte de découvrir le grand Sud.
"J'espère ne pas vivre trop de galères même si l'on sait qu'il y en aura. Mais je vais surtout découvrir des choses fantastiques. Sur mes transats, j'ai navigué jusqu'au Brésil, mais toute la partie sud, c'est nouveau. C'est ce qui me "titille" : aller découvrir comment ça se passe dans ces mers avec une énorme houle, des tempêtes, le froid, la grisaille… J'ai eu des échos de skippers qui y ont navigué avant moi, mais je veux le découvrir de mes propres yeux, en revenir et en discuter autour de moi pour raconter mon histoire."
Un IMOCA de 2007 à dérives droites
Il partira sur Groupe Sétin (ex Paprec-Virbac2 construit pour Jean-Pierre Dick sur le Vendée Globe 2008/2009). Ce plan Farr construit en 2007 est doté de dérives droites et était l'un des IMOCA les plus performants de son époque, s'illustrant notamment sur la Barcelona World Race.
"Mon bateau a 13 ans, et en 13 ans les choses évoluent, notamment au niveau des technologies. S'il conserve ses performances de l'époque, ça n'en reste pas moins un bateau très fiable et assez costaud."
Avec son sponsor, ils ont choisi de travailler sur la fiabilisation de l'IMOCA, délaissant les changements fondamentaux.
"On n'a pas changé énormément de choses structurellement parlant. Pour ce premier Vendée Globe avec Groupe Sétin, on voulait fiabiliser le bateau et se donner la chance d'aller au bout. Et non pas révolutionner les choses en installant des foils par exemple."
Confiant dans son bateau sur lequel il navigue depuis 2017, il a enchainé les milles et près de 7 transats à son bord.
"On s'entend bien. Je le connais bien et je me sens bien sur ce bateau. Je suis en confiance, ce qui me permet d'aller plus loin en termes de performances. Je sais quand il a besoin de ralentir. J'ai un cursus technique et j'ai participé aux travaux donc je suis à l'aise techniquement. Après, je reste toujours un peu superstitieux, comme tout marin."
Un tour du monde en 100 jours
Son objectif principal, en accord avec son sponsor et son équipe c'est de boucler la boucle ! Si c'est le plus important, Manuel n'en reste pas moins un compétiteur.
"Le dernier propriétaire, Arnaud Boissières a terminé le Vendée Globe 2016 en 103 jours. Donc mon objectif, c'est un tour du monde en moins de 100 jours. J'ai promis à ma femme d'être de retour pour le 12 février 2021, alors on va faire en sorte que ça soit le cas !"
Une préparation aboutie dans un contexte particulier
C'est dans contexte particulier que se tiendra cette édition 2020 du Vendée Globe, marquée par la crise sanitaire. Mais le confinement imposé pendant le printemps n'a pas mis en péril la préparation du marin.
"C'était une saison assez curieuse pour tout le monde. Ça ne nous a pas énormément gênés dans notre préparation. Quand le confinement a été décrété, le bateau était quasiment prêt puisque la remise à l'eau était prévue fin mars. On était assez serein, il n'y avait plus grand-chose à faire."
Manuel a donc profité de cette pause imposée pour peaufiner sa préparation sur d'autres domaines tout aussi importants.
"J'ai fait des choses que je n'aurai pas faites habituellement : sport, préparation physique, météo… Sur une année normale, j'aurai sans doute moins travaillé ces différents points. Déjà, on avait deux transats de prévus, ça nous aurait donc pris une grosse partie de notre temps.
C'est sûr que cette édition sera différente. Notamment sur le village de départ, qui sera moins festif. Mais il faut positiver. On a la chance de pouvoir partir, à l'image de Rolland Garros ou du Tour de France qui ont pu aussi se tenir, ce qui n'a pas été le cas pour les Jeux olympiques. Même s'il y a moins de monde sur le village, finalement ça ne change rien pour nous, puisqu'une fois partie, on sera seul en mer.
Avec cette année, particulière, les gens vont peut-être avoir envie d'aventure et de sport cet hiver. Je préfère me dire ça. Les supporters seront derrière leur écran et aujourd'hui nous avons des moyens de médiatiser notre sport."
Le partage avant tout, dans les bons comme dans les moins bons moments
D'ailleurs, Manuel compte bien faire découvrir son sport et la vie d'un solitaire sur une aventure comme le Vendée Globe.
"Nous avons des moyens colossaux aujourd'hui pour partager, à nous de faire les bonnes choses. Le partage c'est primordial. J'ai fait énormément de sorties de relations publiques cette année. Environ 300 personnes ont navigué avec nous, et j'étais heureux de leur faire découvrir notre sport, de partager nos émotions. Ça me tient à cœur.
On a de plus en plus de moyens techniques pour envoyer des vidéos, des images, faire partager aux gens ce que l'on vit, dans les bons comme les moins bons moments. C'est facile de partager quand tout se passe bien, ça l'est moins quand on a des galères. Mais c'est important aussi. De montrer le dépassement de soi quasi quotidien.
C'est ce que les gens attendent et ont envie de voir. Le public ne se rend pas compte de ce que l'on vit. Ça reste un grand mystère. Les personnes qui visitent mon bateau s'interrogent beaucoup sur la vie à bord. Comment vous mangez, comment vous vous lavez ?"
Son pronostic pour le podium
"Je souhaite à Jérémie Beyou de terminer sur la plus haute marche du podium. Il connait bien son bateau, il va bien, le bonhomme aussi. C'est un des IMOCA les plus aboutis. J'aimerais bien aussi voir une femme sur ce podium. Elles sont 6 à participer cette année et sont au top. Samantha Davies notamment à beaucoup d'expérience et le bateau pour le faire. Enfin, pour le 3e, je ne sais pas trop, mais je dirais Charlie Dalin sur Apivia, en plus c'est un Normand aussi !
Cette année, ça va être hyper intéressant ! Il y a au moins 10 bateaux capables de gagner. On sait qu'il y a certains bateaux qui sont plus fragiles que d'autres, ça va dépendre des premiers jours, de la météo."