Du club de voile en vacances à la course au large
Clarisse Crémer prendra le 8 novembre 2020 le départ de son premier Vendée Globe. Pourtant, rien de la destinait à naviguer en IMOCA sur les mers de la planète. En effet, la voile, c'est en club pendant les vacances et lors de croisières en famille qu'elle la découvre.
Ce n'est qu'en école de commerce qu'elle apprend à naviguer et côtoie le monde professionnel de la course en large, notamment en participant au Tour de France à la Voile en 2010.
S'investissant auprès des campagnes 2013 et 2015 de son compagnon Tanguy le Turquais, elle met encore un peu plus le pied dedans. La chef d'entreprise parisienne décide alors de quitter la capitale pour la Bretagne et accompagne Tanguy sur plusieurs navigations.
"J'ai travaillé de moins en moins pour faire de plus en plus de bateau. J'ai découvert le circuit Mini en suivant les deux campagnes de Tanguy et j'ai pu avoir un bel aperçu de ce que c'était. J'ai participé à quelques convoyages et deux courses en double avec lui. J'ai continué à naviguer pour réfléchir à l'idée de débuter une carrière professionnelle. Je ne faisais pas beaucoup de bateau et j'avais passé très peu de nuits en mer."
Finalement piquée à la compétition, Clarisse se lance sur son propre projet Mini Transat. Elle s'illustre alors par de beaux résultats : victoire de la Mini Fastnet en 2017 avec Erwan Le Draoulec, victoire en solitaire sur la Transgascogne, et 2e place de la Mini Transat en 2017.
Après un passage en Figaro avec Everial – Transat AG2R 2018 et solitaire du Figaro 2019 – la voilà conviée par Banque Populaire, la même année, à prendre la barre de l'IMOCA Banque Populaire X ! Rien que ça !
Faire le tour de la planète à la voile, une fascination
Elle sera l'une des 6 participantes à s'aligner au départ du tour du monde en solitaire.
"Le Vendée Globe c'est un mélange de beaucoup de choses. C'est d'abord un gros défi. Ce qui me stimule le plus, c'est de faire le tour de la planète à la voile ! Ça me fascine ce moyen de locomotion qu'est le bateau et qui permet d'aller partout sur la planète terre uniquement à la voile. Je suis passionnée.
Il y a aussi le côté solitaire, qui est une sorte de retraite spirituelle. Je vais voir ce que ça va donner de passer 3 mois en mer toute seule. La compétition est aussi ce qui rythme mon quotidien. Apprendre à gérer la météo et la stratégie et continuer de progresser, accompagnée par l'équipe de Banque Populaire. J'aime cet apprentissage lié au sport en lui-même et à la compétition. Certes il y a l'objectif Vendée globe mais aussi toute la préparation en amont qui est une source de motivation, et, un objectif en soi.
Quand je me lance dans un projet comme ça, j'aime bien mon quotidien, j'aime bien les moments durs"
Banque Populaire X, une monture fiable et rapide
Pour ce tour du monde, Clarisse naviguera sur l'IMOCA Banque Populaire X (ex-Macif de François Gabart, vainqueur du Vendée Globe 2012). Le bateau ayant déjà subi un gros chantier lors de la prise en main de Clarisse, le travail préparatoire au Vendée Globe a plutôt porté sur la fiabilisation.
"On a changé la colonne de winch de sens. Plutôt que de regarder devant ou derrière quand je manœuvre, je serais dans l'axe tribord/bâbord, ce qui me permet de développer plus de force. On a également installé des systèmes de toboggans pour matosser plus facilement, ce qui rend le passage sur le pont plus fluide. Ça a essentiellement été un chantier de fiabilisation et d'ergonomie intérieur. On a également ajouté deux batteries pour éviter tout problème électrique."
Si Banque Pop' n'est pas doté de foils, il n'en reste pas moins un bateau fiable et performant dans sa catégorie. "Mon bateau, c'est clairement, sur le papier le plus fiable. Il a déjà pas mal navigué, mais pas trop non plus, il est bien préparé, il est rapide dans la catégorie des bateaux à dérive et hyper polyvalent."
Boucler la boucle, objectif principal
La jeune skippeuse s'est fixé l'objectif de boucler sa course. Et c'est déjà une belle ambition. "La performance et la technique me motivent au quotidien pour faire avancer mon bateau. Mais je ne me fixe pas de résultats sportifs trop haut, même si j'aimerai terminer dans les premiers bateaux à dérives. Si je fais partie du top 10, alors ça sera la cerise sur le gâteau. J'ai surtout envie de bien naviguer et de faire de belles trajectoires. Tant que je termine la course, je ne suis pas déçue."
Avec une saison de course perturbée par le Covid-19, la classe IMOCA n'a pu participer qu'à la Vendée Arctique pour se préparer en course. "J'aurai aimé naviguer plus c'est sûr."
Si la jeune femme n'a pu s'entrainer autant qu'elle le voulait sur les courses d'avant saison, elle compte sur certains de ses atouts pour tirer son épingle du jeu. "J'ai moins d'expérience que mes concurrents, mais je ne m'en sors pas mal au niveau informatique, électronique et stratégie météo. J'essaye d'être positive et je pense que je ne serais pas celle qui supportera le moins le solitaire."
C'est donc plutôt sereine que Clarisse s'apprête à s'élancer sur son premier tour du monde à la voile en solitaire.
"Malgré les difficultés, qui sont inhérentes à un projet comme ça, j'espère naviguer sereine, sans angoisse de la casse et des soucis techniques. Même si c'est ce que je redoute le plus. De ne pas pouvoir gérer la casse et devoir abandonner ou de taper un OFNI avec le même résultat.
J'espère ressentir un certain équilibre, un moment de plénitude et me sentir à ma place, vivre des moments de joie et être contente d'être là."
Raconter ce que l'on vit en mer
Habituée des réseaux sociaux – c'est d'ailleurs par le biais de vidéo qu'elle s'était fait connaitre et avait démarché ses sponsors pour la Mini Transat – Clarisse compte bien encore une fois partager son aventure.
"C'est important et ça donne un peu de sens à tout ce que l'on vit. Je ne sais pas encore trop comment – news ou vidéos – mais je vais essayer d'expliquer le plus concrètement possible ce que l'on vit en mer."
Son pronostic du podium du Vendée Globe ?
"Question difficile ! L'Occitane en Provence, Apivia, Hugo Boss, Charal… Il y a tellement de monde qui peut prétendre à la victoire. Si Sam Davies pouvait gagner aussi ça serait bien ! Tout le monde y a mis tellement d'énergie, que tout le monde mérite de gagner !"