Le bonheur d'être sur l'eau s'assortit de conditions qui diffèrent pour les uns et les autres. Par exemple aller le plus vite possible et dépasser tout ce qui navigue. Ou bien traîner nonchalamment une ligne en rêvassant à la barre d'un bon vieux Baroudeur. Sans parler du plan pique-nique au mouillage que l'on gagne au moteur appuyé d'un génois à moitié déroulé. À chacun ses plaisirs.
Alors imaginez, si comme moi cet été, vous déboulez sous spi plein vent arrière, tribord amure, à bord d'un ancien bateau de régate fraîchement acquis. Et là sur votre tribord justement, vous repérez de loin un candidat à la collision qui s'avance bâbord amures sans manifester la moindre intention de modifier sa route. Que faire ?
Voile en approche bâbord amures
Comme il est encore loin, vous vous dites d'abord qu'il va bien finir par réagir. Et puis alors qu'il se rapproche, vous commencez à évaluer les possibilités. Le spi, usé par 20 ans d'école de voile en régate, est creux comme la chemise de nuit de votre arrière-grand-mère. Il va donc être difficile de lofer beaucoup. Vous tentez quand même le coup en bordant tout ce qui peut l'être, remontant, descendant le point d'amure, mais non : il se dégonfle inexorablement.
Après tout ce n'est pas à vous de vous dérouter...
Le gêneur, maintenant à quelques centaines de mètres, semble ignorer totalement les règles de barre. Ou alors il joue le bluff ? L'intimidation ? On voit ça régulièrement sur les lignes de départ en régate.
Si tel est le cas, il faudra hurler « tribord » avec autorité dès qu'il se trouvera à portée de voix.
D'un autre côté une fois à portée de voix, il sera trop tard pour empanner. Dans l'hypothèse où cet emm... ne prenne pas les mesures adéquates, le choc sera inévitable.
En même temps vous vous dites que vous êtes dans votre droit. En plus vous avez du vous y reprendre à 3 fois pour envoyer ce spi parce qu'il était mal plié, puis les écoutes mal passées, bref... maintenant que tout est en place, vous voulez en profiter !
Plus que quelques longueurs...
Cette fois-ci il ne reste plus que quelques longueurs de bateaux entre vous. Les équipiers adverses vous observent avec curiosité. Apparemment ils ne partagent pas du tout vos interrogations. Ils se promènent, c'est tout. Quoi ? Quelque chose ne va pas ?
L'écoute de spi à la main vous vous préparez à lofer en catastrophe. Passera ? Passera pas ?
La coque bleue de l'importun défile sous votre étrave. Vous comptez les centimètres qui vous séparent de la catastrophe. En principe ça devrait passer. Votre barreur de fils est un peu inquiet. Il vous fait confiance, mais bon, quand même !
Ça passe !
Ah non. Pas tout à fait.
Le skipper du voilier adverse se précipite sur son tableau arrière. Il a oublié qu'il traînait une ligne de pêche derrière lui. Vous ne pouvez réprimer un petit sourire vengeur. Pourvu que votre quille n'en fasse qu'une bouchée.
Même pas !
La ligne de pêche reparaît à votre arrière, intacte. Dommage. Au fait il se fait tard. Vous affalez le spi et vous faites demi-tour vers le port.
Pour vous faire une opinion sur cette histoire, vous pouvez jeter un œil aux règles de barre et de route, ça peut servir ;-)