Enora et Matt viennent de dénicher leur perle rare. Ils ont mis la main sur un trimaran, un plan Newick de 1983 de 11,85 m de long. Marins tous les 2, aimant les bateaux rapides, principalement les multicoques, ils ont découvert une annonce sur LeBonCoin. En quelque jour le bateau a changé de main.
Un mixte aluminium polyester
Enora nous raconte : "Nous habitions alors en Angleterre. Deux jours après avoir vu l'annonce, Matt est descendu dans le Sud de la France à Balaruc Les Bains (à côté de Sète) pour voir le bateau. Il était au sec dans un champ au bord de l'Etang de Thau. Il s'agit d'un trimaran dont la coque centrale est en aluminium et les flotteurs en polyester. C'est visiblement une rareté, car à notre connaissance, aucun autre Newick n'a été construit de la sorte."
Une décision rapide
Le trimaran est à l'abandon dans ce champ suite au décès de son propriétaire. La famille l'a mis en vente à un tarif abordable : "Le voilier était en vente 12 000 €. Nous n'avons même pas négocié", ajoute Enora. Rapidement après l'achat, le couple aidé d'un ami revient sur le bateau avec pour objectif sa mise à l'eau et sa préparation pour un convoyage vers l'Angleterre par la mer. "Avec près de 8 m de large, nous ne pouvions pas passer par le Canal du Midi."
4 jours pour la mise à l'eau
Ces trois larrons se mettent au travail. Il faut dire qu'ils en connaissent un rayon. Matt est ingénieur Mécanicien, Brandon est spécialiste en composite et Enora est Ingénieur en construction navale. Armés d'une palette livrée de l'Angleterre qui réunit du matériel de la résine et de l'outillage, ils entreprennent de remettre en état le bateau. Ce sera 4 jours de travail intense à 10 h par jour sous le soleil de l'été, pour y arriver.
Un gros chantier
Dès le premier jour, le moteur (un Lombardini 3 cylindres) redémarre en lui apportant des seaux d'eau de mer pour le refroidir. La garde-robe du voilier sera la mauvaise surprise. En effet, l'annonce parlait de plusieurs voiles. Ce sont 3 grand-voiles qui sont à bord. La première est morte déchirée, la seconde n'est pas à la taille. Reste la 3e qui est vieille, mais fera l'affaire. Un génois fatigué lui aussi est gréé sur l'enrouleur. Côté résine, les flotteurs semblent bien meurtris. Visiblement le bateau a été drossé sur les cailloux et porte quelques séquelles. Heureusement pas trop importantes et réparées par Brandon.
Retour à la maison
4 jours après, le bateau est mis à l'eau. Il ne fuit pas (trop). L'équipage des 3 amis peut prendre la mer direction le sud de l'Espagne. Hélas, le départ est reporté de 3 jours, bloqué par un pont de Sète qui refuse de s'ouvrir. Cela laisse le temps de peaufiner un peu plus la préparation, mais aussi de découvrir au fond d'un coffre sous une couchette une trinquette toute neuve qui peut être gréée sur un étai devant l'enrouleur.
Finalement le trimaran prend la mer avec des avaries qui arrivent immanquablement sur une unité de cet âge avec aussi peu de préparation. Avant Barcelone, le système de drosse casse, puis c'est le moteur qui fait des siennes (démarreur HS). Mais l'équipage parvient tout de même à Valence, heureux de découvrir un voilier sain qui malgré l'âge de ses voiles, affiche de belles moyennes.
Un convoyage mouvementé
Après une halte forcée à Valence, l'équipage repart en septembre 2019 pour passer Gibraltar et remonter le long du Portugal et gagner l'Angleterre. Une navigation de près de 2000 milles qui sera réalisée en 2 semaines. Outre les drisses ou les drosses qui cassent, le moteur qui ne fonctionne qu'avec le réservoir plein ou bien le pilote qui casse ses axes, ce trimaran gagne la Cornouaille Anglaise.
Mutés aux Pays-Bas, Enora et Matt rapatrient le voilier pour continuer de le rénover. Ces amateurs de régates ont envie de lui offrir une seconde vie sans pénaliser ses performances. Ainsi les aménagements d'origines en bois sont peu à peu remplacés par du sandwich. Le carré sur bâbord en descendant était placé si haut que l'on touchait le plafond une fois assis. Il sera abaissé et surtout réduit. Pas besoin de 6 places assises quand on n'est pas plus de 4 à bord. La cuisine face au puits de dérive doit aussi être prochainement remplacée. Une douche et de l'eau chaude seront installées dans le cabinet de toilette.
Tout à revoir
Côté accastillage, le chariot de grand voile a rendu l'âme et vient d'être remplacé. Le mât a reçu un rail pour mettre des chariots qui tiennent une belle grand-voile. Un winch a aussi été ajouté sur le piano.
Le moteur a aussi offert de nombreuses (mauvaises) surprises, alors qu'il était annoncé avoir 10 ans sur l'annonce, il s'avère qu'il en a plutôt le double. Mais surtout, il n'a jamais été entretenu et a souvent été bricolé. Certains points du faisceau électrique étaient même mal connectés. Bref, il a fallu le revoir entièrement. En plus, le réservoir s'est avéré être plein de sable… D'où les pannes à répétition lors du convoyage.
Déjà amoureux de leur bateau
Mais Enora et Matt ne regrettent aucunement leur achat, au contraire ! "Je ne me suis jamais sentie autant en sécurité que sur ce trimaran", indique Enora "même avec du sale temps dans le Golfe de Gascogne, il restait safe, sans broncher, et confortable. Seule la barre est un peu dure, il faudra sans doute compenser un peu la safran pour la rendre plus douce."
Côté programme, le voilier va continuer sa résurrection à Rotterdam puis ce sera un programme de régates anglaises cet été (Tour de l'Ile de White et les autres grandes courses britanniques) et pourquoi pas une idée de grand voyage un jour ? "C'est vrai que quand je vois le volume habitable à bord avec cette cabine double à l'arrière vraiment confortable, je me vois bien larguer les amarres pour plus longtemps", nous glisse Enora, "mais sans le surcharger avec trop de matériel, Matt n'aimerait pas…"