Le soleil est depuis longtemps couché. Nous naviguons le long de la Dominique. Nous longeons la côte sous le vent. Masqué par les montagnes, le vent nous a quittés. Un grand classique. Le petit Yanmar 12 ch de notre First 35 nous déhale tranquillement sur cette mer d'huile. Cap au Nord.
Navigation tranquille par une belle nuit sans lune
Nous avons quitté Saint-Pierre en Martinique dans la journée, et après le franchissement du canal assez mouvementé avec 2 ris et pas mal de mer, nous voilà comme prévu face à une météo calme. La Guadeloupe sera notre objectif. Nous avons prévu d'y arriver demain, pour récupérer des amis qui arrivent de métropole pour passer les 15 prochains jours avec nous à bord.
Je suis seul dans le cockpit. Florence est partie se coucher, elle prendra son quart sur la seconde partie de la nuit. Il fait très noir, pas de lune ce soir pour éclairer la route. Mais le ciel est bien dégagé et les étoiles brillent. Le bateau file sous pilote. Le moteur ronronne. Les feux de route sont allumés. Je reste dans le cockpit, contemplatif. Il est presque minuit.
Une fusée rouge s'élève dans le ciel
Tout d'un coup devant moi, une fusée rouge. Je la vois bien. Elle entame sa descente lente. Impossible de juger de son éloignement. Je la regarde descendre la fixant des yeux. Tout de suite, je veux me diriger vers elle. Elle se trouve presque sur mon cap, légèrement sur tribord.
Je ne veux pas la perdre de vue, mais j'ai pourtant conscience qu'il faut que j'attrape mon compas de relèvement pour me diriger ensuite avec précision dessus. Mais ce compas se trouve à la table à cartes. Le temps que je descende, la fusée aura disparu. Que faire ?
Je prends un relèvement approximatif avec le compas de route. Ce sera une première base. Mais je ne sais pas à quelle distance je me trouve de mon naufragé. Impossible de l'estimer dans cette nuit noire.
Une seconde fusée !
Et là, une seconde fusée, tirée du même endroit… Cette fois plus de doute, il y'a bien un problème devant moi. L'adrénaline monte, je pense aller réveiller Florence pour nous mettre en chasse. Je réfléchis pour être le plus opérationnel possible. Cette fois j'attrape le compas de relèvement pour être bien efficace et précis.
Quand une troisième fusée part… et une autre et… Mais oui, je comprends… Suis-je bête, nous sommes dans la nuit du 1er janvier. Ces fusées sont tirées depuis les bateaux qui sont au mouillage aux Saintes, juste sur mon cap. Ces marins fêtent à leur manière ce changement d'année. À bord nous avions occulté ce changement de date particulier. Nous avions prévu de fêter cela avec l'arrivée de nos amis.
Une expérience enrichissante
À cette heure de la nuit, nous étions à environ 25 milles des Saintes. Cette histoire rocambolesque m'a permis de valider la portée d'une fusée dans la nuit noire. On a bien le temps de la voir. En revanche, impossible pour moi de définir la distance de laquelle elle a été tirée. Il faut aussi rapidement prendre un relevé pour pouvoir mettre le cap du point d'où elle a été tirée. Sans doute faut-il pour cela laisser le compas accessible dans la descente. Une belle expérience qui m'a donné quelques idées le jour où je serais en situation réelle…