Claude a 72 ans. En activité il était prof de physique et d'informatique dans l'enseignement professionnel. À côté de ses collègues, il a beaucoup appris dans les différents métiers, notamment du bâtiment. Côté mer, ce jeune homme navigue depuis l'âge de 18 ans. Au début, ce charentais pratique au club de Fouras où il côtoie Jean Berret qui mettait au point son premier Quarter "Bemol". C'était avant qu'il ne devienne l'architecte naval renommé. Pratiquant la régate, Claude a participé de nombreuses fois à la semaine de La Rochelle comme équipier, mais comme il s'amuse à le dire : "Maintenant, on m'embarque plutôt pour la cuisine ! Il n'y a plus besoin de navigateur à cause de l'électronique…"
Ma "Porsche" à moi
Ce régatier amateur avait décidé de ne plus posséder de voilier, d'arrêter de naviguer en croisière. Jusqu'au jour où sa route croise celle de ce Manzanita. "C'est pendant le convoyage du voilier d'un ami que j'ai vu ce voilier à vendre en Espagne, dans un port de la côte Catalane. C'est un Quarter Toner dessiné par Ron Holland. J'ai toujours aimé ces formes IOR très travaillée et pourtant si esthétique. Faire revivre ce genre de bateau me donnait envie. Je pense qu'il est préférable de restaurer ce genre de bateau plutôt que de le mettre à la casse. Espérons qu'il existe un jour un marché pour ces vieilles coques, comme pour les vieilles voitures. Même si l'évolution de l'architecture et du confort peut faire craindre un désintérêt pour les vieilles carènes… Pour moi, ce Manzanita est un peu ma Porsche 356 !"
3 ans de chantier
De son port d'attache en Espagne, à peine la vente signée, le voilier est rapatrié par la route à La Rochelle. "Cet été là, je l'ai remis à l'eau et je m'en suis servi un mois sans apporter la moindre modification. J'ai navigué dans les Pertuis autour de l'ile de Ré. Le Manzanita était dans son jus. Cela m'a permis de valider l'état général, de la coque, des voiles, de l'accastillage et du moteur". A la fin de l'été, le voilier est sorti de l'eau à Port des Barques en face de l'ile d'Oléron pour une grosse rénovation. Celle-ci va durer 3 ans…
Un 1/4 Tonner Ron Holland
Datant de 1976, ce Quarter Tonner construit en série en polyester par un chantier espagnol, est issu de la coque d'un prototype Quarter qui a couru en 1975. Environ 50 exemplaires ont été produits à cette époque et la série est assez populaire en Espagne. Ce modèle a été nommé Manzanita (la petite pomme), car le premier modèle avait une pomme dessinée sur son tableau arrière. La forme caractéristique arrondie de ce dernier donnait une impression de pomme en 3D.
Coque et pont qui brillent
Sur Sobrevent ("Au vent" en Catalan), la coque et le pont ont un triste aspect. On voit la fibre de verre par endroit. Claude décide de la poncer entièrement avant de faire appel à un professionnel pour lui appliquer un nouveau gelcoat. Celui-ci est projeté au pistolet puis poncé, puis poli pour retrouver l'aspect miroir de la sortie d'un moule.
Pour le pont, c'est Claude qui s'y colle. Il commence par démonter tout l'accastillage. Il dénombre plus de 100 boulons entre les rails, les winches ou les divers bloqueurs. Il décide de rependre le pont en 2 coloris avec le travail supplémentaire que demande le masquage entre les couches. Les parties foncées grises reçoivent de l'antidérapant alors que les parties claires sont lisses. Pour cela il utilise de peinture International bicomposant auquel il ajoute de la poudre de verre pour l'antidérapant.
Côté accastillage, il remplace tout le métal par du Dyneema. Ainsi les bastaques ou le pataras passent en textile. De même que les drisses qui étaient encore mixte : acier et textile. En revanche, pour tenir ce mât 7/8e, Claude n'a pas changé le gréement en rod : "On verra bien", dit-il…
Le monocylindre remis à neuf
Côté moteur, le monocylindre Solé Diesel qui tournait tant bien que mal, finit par être débarqué. Claude va découvrir un tourteau totalement rouillé suite à une fuite du presse-étoupe et surtout un cylindre crevé. Il va changer le piston et la bielle. Heureusement, on trouve encore des pièces détachées pour ce type de moteur et il peut le refaire lui-même, tranquillement installé dans son garage. À la fin, le moteur entièrement dérouillé et repeint semble comme neuf.
Une ligne indémodable
Pour la déco, Claude décide de peindre une fougère sur le bordé (la même que celle des All Black de la Nouvelle-Zélande), clin d'oeil au pays d'origine de Ron Holland. Il conserve le nom d'origine du bateau.
En aout 2019, il peut enfin remettre le bateau à l'eau. Avec la joie de tirer à nouveau des bords en attendant la livraison du petit plaisir qu'il vient de s'offrir : une grand-voile de la voilerie Incidence. Même s'il reste quelques détails à peaufiner à l'intérieur, son nouveau jouet a vraiment de la gueule. "Ce n'est pas rare de se faire saluer en arrivant à Saint-Martin-de-Ré en me disant que j'ai un beau voilier", ajoute-t-il un peu fier.
Combien ça coute ?
Et quand demande à Claude combien celui lui à couté, il ne préfère pas savoir. "J'ai acheté le bateau en l'état 5000 €. Mais je n'ai pas compté combien m'ont couté les travaux. Sans doute autour de 15 000 €. De toute façon largement plus que la valeur de revente de ce modèle aujourd'hui. Mais ce n'est pas important. Je suis heureux de naviguer sur un voilier que je trouve beau, et cela n'a pas de prix."