Un dériveur de servitude
La Caravelle est un dessin de 1953 du célèbre architecte de l'époque — et fin régatier — Jean-Jacques Herbulot. Comme le Vaurien ou encore l'Argonaute, il est de ces dériveurs qui ont permis de démocratiser la plaisance dans les années soixante. Pourtant ce n'était pas sa vocation première.
En effet, avec une longueur de 4,60 m, la Caravelle — qui se mène à l'aviron ou à la godille — est une prame de servitude pour les pêcheurs. (NDLR : une prame est une embarcation utilitaire à fond plat et non pontée). On reconnait le petit dériveur grâce à son étrave coupée - appelée marotte – que l'on retrouve également sur l'Optimist et son bouchain vif.
Bateau accompagnateur aux Glénans
Construite en contreplaquée, la Caravelle ne remporte pas l'adhésion des thoniers. C'est alors que Philippe Vianney — fondateur de l'école de voile des Glénans — décide de l'utiliser comme bateau accompagnateur. Les moniteurs s'en servent pour rejoindre les différentes îles et les flottilles amarrées sur corps-mort.
Finalement, la Caravelle démontre de très bonnes qualités marine et s'avère très stable. Autre avantage, on peut y naviguer à plusieurs, de deux à six équipiers ! Elle sera idéale pour l'apprentissage des élèves. Le responsable de l'école de voile demande alors à Jean-Jacques Herbulot de lui dessiner un modèle doté d'un gréement.
Bateau-école facile à utiliser
Construite au sein du chantier Le Goanvic puis André Stéphan à Concarneau, avec quatre panneaux de contreplaqué, la Caravelle est d'abord dotée d'une dérive sabre coulissante puis dès 1965, d'une dérive pivotante. Les voiles — un foc et une grand-voile — sont réalisées à partir de coton — qui sera remplacé par du tergal — par Mr Le Rose, maître voilier de Concarneau.
Le succès est immédiat ! Facile à utiliser et très sécurisant, il fournit aux apprentis matelots une embarcation très simple et s'utilise en mer comme en rivière. À la voile, à la godille, avec des avirons et même au moteur — un hors-bord de 15 CH —, les modes de propulsion sont nombreux.
Balade, pêche, et même régate, les programmes offerts par la Caravelle sont nombreux ! Elle sera une des stars des écoles de voile des années 1960 à 1990.
Une construction plus moderne
La construction polyester succède à la construction en contreplaqué et la coque s'arrondit. C'est le chantier AMC au Croisic qui est chargé de la construction moderne. Outre le matériau de base, les différences ne s'arrêtent pas là. La dérive devient métallique et le mât est implanté sur la quille au lieu du banc avant. Le gouvernail aussi est différent. Mais si elles demandent moins d'entretien, ces caravelles en bois présentent plusieurs défauts. Elles sont rapides que les constructions contreplaquées — qui ne l'étaient déjà pas — et plus lourdes — 210 kg pour la version bois.
Finalement, la Caravelle disparait peu à peu des écoles de voile et retrouve son utilisation de base, une prame de service. Pour autant, elle est aujourd'hui recherchée des amateurs qui collectionnent les modèles mis à l'eau — environ 3 500 unités — ou construisent leur modèle en amateur. Le dériveur possède d'ailleurs sa propre association — l'AS Caravelle — basée dans la région de Morlaix. Cette dernière organise des rassemblements et régates auxquels participent plus d'une centaine de personnes.
De nombreuses versions de la Caravalle
La Caravelle s'est adaptée aux besoins et envie des plaisanciers, ce qui a donné lieu à de nombreuses versions. Il faut dure que sa construction est la portée de tout bricoleur et nécessite peu de moyens.
Ainsi, à la demande des écoles de voile, une version sport voit le jour, avec l'intention de familiariser les pratiquants au trapèze et au spinnaker. Elle se distingue par une surface de voile augmentée (15m2), un mât plus long, un chariot d'écoute, un hale-bas, des trapèzes et spi de 16,50 m2. L'accastillage est également celui d'un dériveur de compétition.
La Caravelle-Cigogne – appelée aussi Caragogne ou Caravelle pêche - est une version habitable conçue pour la croisière côtière et dotée à l'avant d'une petite cabine coiffée d'un roof surélevé en contreplaquée. Un lest en fonte rapportée sous la coque et une dérive escamotable en tôle, comme celle du Corsaire prennent place sous le bateau. On pouvait ranger dans la cabine le moteur, les voiles ou encore du matériel de pêche, et la refermer avec une porte munie d'une serrure.
Si la Caravelle standard partage la même coque que la Caravelle habitable, cette dernière eut un succès beaucoup plus bref que le modèle au cockpit entièrement ouvert.
Crédits photos : AS Caravelle