De l'iode dans les veines
Samantha et la mer, c'est une histoire de toujours. "Je viens d'une famille de marins, c'est un peu pour ça que je fais de la voile." Son grand-père maternel possède un chantier naval en Angleterre et participe à des courses de bateaux à moteur. Son grand-père paternel travaille dans la marine anglaise en tant que commandant de sous-marin.
Ses parents possèdent aussi leur propre bateau — un bateau à moteur — qu'ils troquent d'ailleurs contre un voilier peu avant la naissance de Sam. "J'ai toujours vécu sur la mer." Mais pour elle, la navigation s'apparente aux loisirs.
En compétition, c'est la natation — synchronisé et classique — qu'elle pratique. Elle s'adonne à la voile avec plaisir, mais en croisière. Pour autant, beaucoup de grandes courses à la voile se déroulent dans le Solent, et c'est en tant que spectatrice qu'elle y assiste avec ses parents. "Ça m'intriguait et j'adorais imaginer le voyage de ces bateaux qui faisaient le tour du monde, qui participait au Fastnet."
Finalement, elle réussit à se faire embarquer sur les bateaux des autres pour naviguer, mais la voile n'est encore qu'une passion. "Je ne voulais pas en faire un métier."
Si ce n'est qu'un loisir, elle adore les bateaux et se fascine pour la vitesse. Elle décide alors de faire des études dans le domaine maritime et décroche un diplôme d'ingénieur à l'université de Cambridge. "Je voulais travailler en tant qu'architecte navale ou dans bureau d'étude ou au sein d'écuries de course au large."
C'est finalement sur le Trophée Jules Verne 1998 — elle à 24 ans — qu'elle débute sa carrière dans la compétition à voile.
Lire Souvenirs Iodés avec Samantha Davies
La relève de Tanguy de Lamotte
Aujourd'hui, elle a pris la relève de Tanguy de Lamotte en tant que skipper de l'IMOCA Initiatives-Cœur "J'ai la chance d'être skipper d'un projet très unique. Mon partenaire est mécène d'une association."
C'est d'abord en tant que concurrente de Tanguy qu'elle découvre son projet. Elle court ensuite la Transat Jacques Vabre 2015 à ses côtés et en apprend plus sur ce projet de "voile sympathique." Le skipper d'Initiatives-Cœur pense à prendre sa retraite et aimerait que Samantha le remplace à la barre de son 60 pieds.
"Je n'ai pas réfléchi deux fois. J'avais déjà fait 2 Vendée Globe avec une 4e place sur le Vendée Globe 2008-2009. Ce projet est performant et a du sens. Ce n'est pas pour la simple compétition. L'équipe et les partenaires sont passionnés et performants."
Un IMOCA d'ancienne génération upgradé
Initiatives-Cœur est un plan VPLP — Verdier de 2009 upgradé avec des foils. "La technologie du foil fait la différence au niveau de la performance. On peut gagner beaucoup plus qu'avant avec ces optimisations des bateaux anciens. Les technologies et les matériaux évoluent, tout comme les formes de carène qui sont différentes, car dessinées autour des foils. Les nouveaux foilers ont de gros avantages, mais l'écart peut être vraiment réduit si on a de la chance d'avoir des foils performants."
Et justement, depuis 2019, son bateau est équipé de très grands foils effilés. Pour ce faire, il a d'abord fallu augmenter les forces partout dans le bateau et faire les bons calculs pour que la structure puisse supporter la violence des chocs et des navigations. "Ces travaux n'ont pas servi à renforcer le confort à bord. On va beaucoup plus vite, et donc c'est beaucoup plus violent. Certes, les foils qui sont un peu souples amortissent les chocs et améliorent le comportement du bateau, mais ça dépend de l'état de la mer. Il fallait donc renforcer structurellement le bateau pour optimiser son utilisation et le gain de vitesse."
Concurrencer la génération 2016
Avec ces nouveaux foils et le chantier d'optimisation, Initiatives-Cœur est capable de concurrencer la génération des IMOCA de 2016. "Quand on navigue à côté d'eux, on s'aperçoit qu'on a bien gagné en performance. On a sauté une génération et on peut rivaliser avec des bateaux plus puissants modifiés avec des foils comme PRB ou MASCF."
Ses concurrents directs sont donc "ce petit groupe de bateaux boostés pour leur âge et donc plus performant."
Sam doit désormais aussi compter avec les bateaux neufs qui sont à 100 % et qui sont clairement plus rapides. "Pour l'instant, ils ont besoin d'être rodés et sont trop jeunes pour être à fond. C'est là, ou on a une carte à jouer."
Car Initiatives-cœur a été le premier bateau à l'eau en 2019 avec ses nouveaux foils. "On a beaucoup navigué et beaucoup progressé, notamment au niveau des réglages. En ce qui concerne la performance, on pense qu'on peut approcher plus proche des 100 % que les bateaux neufs. C'est un avantage."
Si elle n'a pas le bateau le plus rapide sur le papier, Sam est consciente de ses avantages et justifie un positionnement dans le groupe de tête. "On vise la victoire avec humilité, mais ce n'est pas facile, car 10 bateaux visent la victoire."
Un coskipper performant et investi dans la solidarité
Elle sera accompagnée de Paul Meilhat, qu'elle connait bien et avec qui elle partage un respect mutuel. "Je voulais naviguer avec quelqu'un qui puisse apporter quelque chose sur mon projet Vendée Globe. Paul a déjà participé au Vendée Globe et a gagné la Route du Rhum en 2018. Il est très performant. On s'entrainait déjà ensemble à l'époque puisqu'on était tous les deux au pôle d'entrainement de Port La Forêt."
C'était donc déjà tout tracé dans la tête de Sam qu'elle choisirait Paul si celui-ci ne venait pas à trouver de partenaires pour son propre projet. En dehors de l'aspect performance, Samantha voulait aussi un coskipper investi dans l'aide aux enfants. "C'est super qu'il soit sensible à cette cause. C'est un enjeu important, performer mais aussi bien communiquer. Il adore ça et en tant que jeune papa, il est ravi de découvrir ce projet, l'équipe, la manière dont on travaille… Il est investi à fond et toute l'équipe apprécie de bosser avec lui."
Un projet solidaire
Sur son bateau, Samantha Davies navigue avec un double objectif, sportif et humanitaire. Car, lors de chaque grande course à la voile, les sponsors mécènes que sont K.Line, Initiatives et Vinci reversent 1 € à Mécénat Chirurgie Cardiaque pour chaque nouveau fan Facebook ou nouvel abonné Instagram. Cette opération permet ensuite à des enfants malades cardiaques de se faire opérer en France, traitement impossible et onéreux dans de. Nombreux pays.
"Ça me tient vraiment à cœur. On pratique un sport à haut niveau et c'est assez égoïste. On n'est ni médecin ni enseignant, mais avec ce projet, on partage et on sensibilise les populations. Je vois que beaucoup de monde nous suit. Ça booste et ça motive. On a l'impression de faire quelque chose de bien avec le public. On voit arriver les enfants et ils repartent en bonne santé. Je suis un petit maillon dans cette énorme chaine de solidarité, c'est génial."