Quai Paul Vatine, Le Havre, 7h30, l'équipe technique de l'Imoca La Mie Câline-Artisans Artipôle est déjà à bord. JC, le boat-captain et Alex s'affairent aux derniers préparatifs. Arnaud et Xavier ne sont pas encore à bord. Le départ est prévu pour 8h57, juste après Louis Burton et juste avant Thomas Ruyant qui encadrent La Mie Câline-Artipôle. « Les jours de départ, c'est toujours un moment fort » me confie une amie du team, venue les saluer avant qu'ils ne se lancent à l'assaut de l'Atlantique.
8h00 - Xavier arrive sur le quai, détendu, mais déjà concentré, et surtout en pleine réflexion quant à la tactique. « La météo est très claire, mais s'annonce super compliquée. Il va falloir choisir entre beaucoup de manœuvres ou une route moins directe. » Le pied à peine posé sur le bateau, il s'installe à la table à carte pour faire tourner les routages. Il n'en ressortira quasiment plus jusqu'au départ.
8h30 - arrivée du semi-rigide accompagnateur, sur lequel se sont installés un cadreur, un photographe et Antony, fidèle parmi les fidèles amis et soutiens d'Arnaud. Arnaud justement, qui vient d'arriver, souriant et détendu comme à son habitude. « le départ c'est un peu comme le jour où tu passes le bac, tu es stressé, mais content que ce soit enfin là » Les premiers IMOCA passent devant nous. Toutes les machines futuristes mises à l'eau ces derniers temps sont à quelques mètres et les marins se saluent réciproquement. Belle ambiance.
La sono (installée avec le speaker sur un semi-rigide) se rapproche au fur et à mesure des décollages des 29 IMOCA qui sont les premiers à quitter le port de cette 14e édition de la transat en double. Avec les Class40 et les Multi 50 ce ne sont pas moins de 59 bateaux qui prendront le départ à 13h15 précises.
8h53 - on y est, Louis Burton a largué les amarres, il est temps d'y aller. Le moteur tourne depuis quelques minutes déjà, les équipiers sont prêts à larguer les amarres. Mais Arnaud n'est pas à bord ! « Ah pardon j'étais retourné au camion pour chercher mon blouson, je pensais l'avoir perdu. Mais tout va bien, on est censé partir à 57 ?» La décontraction du patron fait sourire tout le monde à bord comme sur le quai. Tout va bien, à l'heure prévue nous quittons le ponton sous les applaudissements de la petite foule rassemblée pour admirer les marins. Le ciel est gris, mais au moins il ne pleut pas. Nous suivons donc le train des IMOCA qui se dirige tranquillement vers le large. Quelques Havrais sont là pour venir les voir passer au plus près sur le trajet. Arnaud : « c'est sympa, ça donne de l'énergie, et puis ils se sont levés tôt alors c'est sympa de leur faire un coucou »
9h45 - nous sommes sortis. « On envoie la grand-voile ! » Après quelques minutes d'effort de l'équipe technique pour envoyer, le bateau se cale tribord amure et nous marchons à 9 nœuds. Les foils commencent à siffler. Et dire que le bateau n'est même pas réglé, et qu'il n'y a pas de voile d'avant ! J'ai l'impression d'être sur une grosse planche à voile, ultra rigide, hyper réactive, et qui tape dans les gros creux. Nous croisons Alex Thompson, nous naviguons bord à bord avec Boris Herman, nous saluons Yannick Bestaven. Un instant, je me prendrais presque pour l'un des leurs ! Mais non, revenons sur terre, on parle du gratin de la course au large.
10h45 - ça y est, Xavier, qui est toujours à la table à cartes, a un plan. Ça discute dur avec Arnaud, mais ils sont d'accord. « La nav c'est simple entre nous, on met tout sur la table et on décide.. pas de prise de tête. » On croirait presque qu'ils ont toujours navigué ensemble tant ils dégagent une impression de complicité et de facilité dans les manœuvres.
11H30 - Il est temps de plomber le moteur. Alex plonge tête en bas dans la cale, plombe, fait une photo qu'il envoie à l'organisation. Quelques minutes plus tard, la réponse tombe : « impeccable ». À partir de cet instant, on peut débarquer. Avant, Arnaud demande qu'on installe le grand génois sur le pont au cas où ils en auraient besoin dans les premières heures de course. Alex et JC s'y mettent à deux, aidés de la drisse du J2 pour sortir la voile de la cale. Il leur faudra un bon 10 min rien que pour la sortir, comptez au moins le double pour finir de l'installer. Alex : « tu imagines quand il est tout seul ? C'est de la folie ! ». « Ben oui, en course il faut compter une demi-heure pour un changement de voile. Et ça, c'est en double » lui répond Arnaud. On comprend mieux les hésitations de Xavier !
12h15 - ça y est toute la flotte est sur l'eau à tourner autour du Flamand, le bateau comité. Ça fait du monde surtout quand on voit la vitesse à laquelle tout le monde se déplace. La vigilance est à son maximum. La VHF crache les instructions pour le départ : position de la bouée, check horaire… Je sens que la tension monte doucement à bord. Clairement, Xavier et Arnaud sont dans leur course.
12h45 - on débarque. Dernières accolades, dernières recommandations et on saute dans le semi-rigide. Désormais, ils sont seuls avec un océan devant l'étrave. Il va falloir le traverser, en course, avec un confort à bord proche de zéro, dans un bruit infernal. Franchement, c'est bluffant pour les navigateurs du dimanche comme moi.
13h15 - « Bon départ »