Passion et boulot
Aymeric Chappellier est un touche-à-tout de la voile. Sport études voile à La Rochelle, Optimist, 420, et 470 de 2000 à 2008. École d'ingénieur — toujours à La Rochelle — puis école d'architecture navale à Nantes. Voile et études sont intimement liées, mais c'est pourtant le chemin du bureau qu'Aymeric va suivre en intégrant le Crain, Centre de Recherche pour l'Architecture et l'Industrie Nautiques pendant 4 ans. Mais son premier amour le rattrape vite. "Le virus de la course au large m'a rattrapé"
Des envies de course au large
En 2008/2009, Aymeric lance la construction d'un Mini Proto dessiné par Axel de Beaufort. "On est parti d'un design existant et on refait tous les calculs de structure et de poids." Le bateau, construit chez C3 Technologies, à Perigny dans la banlieue de La Rochelle, est mis à l'eau en 2010.
Après deux ans de compétitions en Mini 6.50 entre 2011 et 2012 — il remporte cette année-là Les Sables les Açores Les Sables — Aymeric est contacté pour naviguer en Class40 sur la Transat Jacques Vabre 2013. "C'était sur Groupe Picoty — qui est toujours l'un de mes partenaires — aux côtés de Jean-Christophe Caso."
Pendant deux ans — 2013 à 2014 — le Rochelais navigue beaucoup en Class40, mais participe aussi au Tour de France à la Voile, avec le team Oman Sail, mais aussi en IRC avec sur le Nivelt-Muratet 54 Teasing Machine. Après une saison entière sur le circuit Class40, Aymeric devient préparateur pour Marc Pajot et participe à la Sydney Hobart, la Middle Sea Race, la Caribbean 600 ou encore la Commodore's Cup.
La naissance du Class40 Aïna Enfance & Avenir
"Entre temps, je voulais trouver des partenaires pour lancer un projet de Route du Rhum 2018. C'est comme ça que nous avons décidé de faire construire le nouveau Class40 Aïna Enfance & Avenir dessiné par l'architecte Samuel Manuard. La construction a débuté début janvier/février 2017 et le bateau était mis à l'eau en juin."
Aujourd'hui, son bateau cumule près de 36 000 milles de navigation. "On a beaucoup navigué depuis sa mise à l'eau. On fait partie des bateaux qui ont le plus navigué en deux ans."
Un bateau bien né
Pour l'instant, le bateau n'a pas subi de gros travaux. "On a fait évoluer quelques voiles, réalisé un peu d'entretien courant comme du ponçage, de la peinture… C'est un bateau très bien né. Nous avions beaucoup discuté avec Sam Manuard et Nicolas Groleau (NDLR le dirigeant du chantier JPS Production, où a été construit le bateau). Beaucoup de choses ont été bien pensées dès le départ et aujourd'hui les évolutions sont d'ordre ergonomique."
Copains dans la vie et dans le sport
Sur cette Transat Jacques-Vabre 2019, Aymeric sera accompagné par Pierre Leboucher, double champion du Monde de 470, représentant de la France aux Jeux Olympiques de Londres dans cette même série en 2012 puis 9e de la dernière édition de la Solitaire Urgo Le Figaro.
"On se connait depuis que l'on a 15 ans. On était partenaire en 420 puis en 470 au sein du Pôle Voile de La Rochelle. On a partagé de nombreux déplacements ensemble ! Humainement et sportivement, on se connait bien. On est toujours suivi par le même préparateur physique et mental. C'est un excellent barreur et un super compétiteur qui ne lâche jamais rien ! C'est une bête physiquement, il fait des trails et des ultra trails ! C'est un très bon régatier au JO, et il se débrouille très bien depuis 3 ans en Figaro. Lui et son partenaire étaient aussi intéressés d'acquérir de l'expérience sur un plus gros bateau. On forme un beau binôme et on a une carte à jouer !"
Le double, un format apprécié, mais épuisant
Le double, c'est un format qu'Aymeric connait bien puisque la plupart des courses de l'année 2019 auxquelles il a participé l'étaient. "En solitaire, c'est difficile de mener le bateau à 100 %. On ne peut pas arriver cramé. Si on pousse trop, on perd en lucidité et on peut être amené à faire des bêtises. On est obligé de se ménager si on veut arriver au bout. Sur le double, on se pose moins la question. On peut s'alterner et pousser le bateau. C'est intéressant et en face, ça ne lâche rien ! Ce sont souvent des détails qui font la différence."
Pourtant, même s'il permet de gagner en performance, le double a aussi ses limites. "Sur les grandes traversées, le format double est plus énergivore. On se repose plus facilement qu'en solo, mais physiquement on arrive plus détruit. On puise dans nos réserves, on donne plus. Par exemple, sur un grain, on change 3 fois de voile et quand il y a 10 grains dans la journée, c'est autant de changement de voile."
La Transat Jacques Vabre 2019, un plateau relevé en Class40
"La Transat Jacques Vabre, c'est un objectif important !" Il y a deux ans, Aymeric terminait à la 2e place, seulement 15 minutes derrière V and B mené par Maxime Sorel et Antoine Carpentier, à cause d'une casse technique. "J'ai une petite revanche à prendre."
Avec de nouveaux bateaux, de nouveaux skippers, le plateau en Class40 sera relevé. "C'est une belle épreuve. J'y vais pour marcher le mieux possible, avoir le goût du travail accompli, faire une belle trace et pousser le bateau. Il y aura d'excellents marins et je serais bien remonté pour tout faire bien et finir devant."
Il faudra donc compter avec plusieurs très bons duos. Environ 4 ou 5 bateaux sont potentiellement dangereux, notamment les nouveaux Class40, comme l'explique Aymeric. "Aujourd'hui, on sait que les nouveaux bateaux peuvent être performants dans certaines conditions. Mais ils sont sortis tard et leur skipper ont peu d'expérience dessus."
Il faudra aussi jongler avec des conditions météo hivernales au départ du Havre, qui peuvent parfois causer des dégâts au sein de la flotte, la preuve en est avec la Route du Rhum 2018. "On verra s'il y a de grosses dépressions et comment chacun le gère. On sera en attaquant dans tous les cas. On sait qu'on part dans des conditions difficiles et que ça fait partie du jeu."
Une cause sportive, mais solidaire
C'est en 2013 qu'Aymeric démarre son partenariat avec l'association réunionnaise Aïna Enfance & Avenir qui intervient depuis 2005 à Madagascar auprès des populations démunies (enfants et jeunes mères en danger). A la suite d'une rencontre avec la présidente et directrice de l'association accompagné par deux enfants, il décide de se rendre sur place pour en découvrir le fonctionnement. C'est grâce à cette "rencontre humaine" qu'il se lancera dans ce projet associatif.
"Au total l'association prend en charge 300 jeunes enfants et jeunes mamans. Et comme son nom l'indique, l'enfance est aussi importante que l'avenir. Car l'idée c'est de les accompagner et les suivre jusqu'au bout. L'association aide les mamans à trouver un emploi, un logement et à être autonome et scolarise les enfants dès leur plus jeune âge dans deux écoles solidaires. Car l'école n'est gratuite qu'à partir de 5 ans à Madagascar. Avant, ils sont livrés à eux-mêmes et peu iront à l'école au final. Ça leur offre plus de chance d'être scolarisé."
Aïna Enfance & Avenir c'est aussi une crèche solidaire pour les très jeunes mamans — entre 13 et 17 ans. "Elles apprennent l'hygiène, la vaccination et suivent des formations. Beaucoup d'entre elles trouvent du travail et scolarise un de leur enfant. L'association les aide à fonder un meilleur avenir. C'est une belle association et ils ont besoin d'un coup de main"