De l'Optimist au Vendée Globe
C'est en pratiquant la croisière avec son père aux Sables-d'Olonne que Sébastien Simon découvre la voile, avant de se lancer, plus tard dans la compétition. Il a 12 ans, et décide de participer au National Optimist — Petit bateau qui se déroule chez lui. La mayonnaise prend.
S'en suivra ensuite des régates en 420, J80, M34 avant de remporter la sélection du Challenge Espoir Bretagne Crédit Mutuel.
"En parallèle de la voile, je suivais des études d'ingénieur en structures et composite à Bordeaux. J'étais en alternance chez Yves Parlier. Je gérais la traction de bateaux par aile de kite dans l'objectif de réduire les gaz à effet de serre. En 2013, j'ai décidé de démissionner pour m'inscrire au Challenge Espoir Bretagne Crédit Mutuel."
Et Sébastien a eu le nez fin puisqu'à 23 ans, il met un pied au sein de l'exigeant circuit Figaro ! "J'ai eu de la chance de gagner cette sélection."
Après 5 belles années au sein de la filière CMB Bretagne, une victoire sur la Solitaire du Figaro 2018 et un titre de Champion de France Élite de course au large la même année, le jeune skipper rêve de Vendée Globe.
Arkea l'un des partenaires titres de Sébastien le suit sur ce projet et sera rapidement rejoint par Paprec. "J'ai rencontré Sébastien Petithuguenin, (NDLR : fils de Jean-Luc Petithuguenin, Président fondateur du groupe Paprec) qui voulait se lancer dans un projet de Solitaire du Figaro pour ses 40 ans. Le feeling est bien passé et notre partenariat est né comme ça."
Lire "Souvenirs Iodés d'un skipper avec Sébastien Simon"
La naissance de l'IMOCA Arkea-Paprec
Arkea-Paprec est le 2e IMOCA de nouvelle génération à être sorti de chantier, presque un an après Charal. Au total, entre 2019 et 2020, ce sont 7 bateaux de dernière génération qui auront été mis à l'eau. "C'est plutôt passionnant le lancement de tous ces nouveaux bateaux. Au total, 4 architectes différents seront à l'origine de ces nouveaux foilers. Arkea-Paprec est le premier plan Kouyoumdjian, le deuxième Corum, sera mis à l'eau en 2020."
Pour concevoir son bateau, Sébastien a pu compter sur l'expérience de Vincent Riou — son directeur technique — mais aussi se baser sur ses retours d'expérience de navigation à bord de PRB (ex-IMOCA de Vincent Riou, aujourd'hui skippé par Kevin Escoffier).
Ainsi, il a été force de proposition pour la conception du cockpit et a activement participé à l'assemblage du bateau, réalisé au sein de la structure de Vincent à Port-La-Forêt.
"J'ai entièrement fait partie de la construction du bateau. C'était une vraie opportunité de travailler sur l'assemblage. J'ai pu notamment me former sur le composite et devenir autonome sur cette technique."
Un long travail d'optimisation
Arkea-Paprec a demandé un long travail d'optimisation à la fois sur la stabilité — en travaillant sur les formes de coque — et sur le centre de gravité — avec un mât implanté plus bas que les autres.
Le cockpit est complètement dégagé pour pouvoir matosser facilement et en toute sécurité et pourra être à terme complètement fermé par des bâches. Une tendance qui se développe sur ces nouveaux IMOCA, à l'image d'Hugo Boss avec un poste de barre intégré au cœur du bateau ou encore d'Apivia, dont le cockpit peut être totalement fermé. Aujourd'hui, on navigue au sec en IMOCA !
Malgré tout, le skipper d'Arkea-Paprec voulait garder un œil à l'extérieur. "Dans le cockpit, on peut facilement sortir la tête du bateau pour voir ce qui se passe autour de nous et avoir un œil sur les voiles, un élément primordial."
Même s'il est encore tôt pour se positionner face à ses concurrents, Sébastien invoque la fiabilité de son bateau. "Aujourd'hui, nous sommes plus dans une phase d'optimisation que de fiabilisation et c'est positif. À chaque fois que l'on optimise quelque chose, on progresse et c'est toujours instructif. L'avantage, c'est que nous n'avons rencontré aucun problème de structure.
Au près et au reaching, les foils fonctionnent très bien. Après le Défi Azimut, on les a modifiés une 2e fois pour les rendre plus polyvalents. On avait conscience du problème de nos foils. Ça nous permet de nous rapprocher de la version que nous utiliserons pour le Vendée Globe."
À chaque fois, c'est un long travail d'optimisation qui attend le skipper et son équipe : manutention, modification, optimisation… "Les foils très grands sont difficiles à stabiliser. Ça provoque énormément d'impact sur l'assiette et la stabilité du bateau et demande beaucoup d'efforts. Les simulateurs numériques prédisaient le vol du bateau, mais personne n'y croyait trop. Il est soumis à des efforts que l'on imaginait mal, ou que l'on n'avait pas prévus."
Ces nouveaux foilers sont exigeants et demandent une longue mise au point. "Ces bateaux demandent beaucoup d'énergie, comme le confirmait l'équipe technique de Charal sur le Défi Azimut. Ils commencent seulement à sortir la tête de l'eau. Ils sont longs à mettre au point et les courses auxquelles nous participons sont très exigeantes."
Pourtant, comme l'explique le skipper d'Arkea Paprec, les bateaux ont toujours demandé une longue mise au point. "À l'époque des bateaux à dérive, ça demandant autant de temps. Il leur fallait au moins un an pour fiabiliser un bateau. À chaque génération de bateau, l'innovation pousse à produire des bateaux novateurs, en avance sur leur temps. Ça sera toujours comme ça."
En mode Jacques Vabre
Le bateau a aussi été préparé en vue de la Transat Jacques Vabre : réchaud, banette, table à cartes…
"Ça avance petit à petit. C'est important parce qu'on va passer du temps dans ces bateaux. Il faut que ce soit un minimum ergonomique."
Le retour de la Route du Café sera l'occasion pour Sébastien de naviguer en solitaire et de déterminer ses besoins pour la configuration Vendée Globe. À l'arrivée en France, il sera alors temps pour Arkea Paprec de rentrer en chantier hivernal.
En vol, un gap entre les anciennes générations et les foilers
À la différence des IMOCA d'anciennes générations — transformé pour recevoir des foils — Arkea Paprec — comme ces nouveaux foilers — a été conçu autour de ses foils. Ayant pu naviguer sur PRB, l'ancien IMOCA de Vincent Riou, équipé de foils en 2018, Sébastien a pu noter des différences de performance.
"Arkea est beaucoup plus structuré que PRB ce qui le rend plus solide. On a défini la position des cloisons en fonction des foils. Alors que sur les anciens IMOCA, il fallait adapter les foils à la structure existante."
Aujourd'hui, c'est sûr que les bateaux sont plus puissants, même si parfois on a encore du mal à voir des différences en termes de vitesse, car on est encore dans l'optimisation. Quand le foil ne fonctionne pas à 100 %, on voit difficilement la différence, mais quand il vole, il y a un vrai gap entre les différentes générations de bateau."
Le podium sur la Transat Jacques Vabre
Habitué à la gagne, Sébastien ne perd pas de vue ses objectifs sur cette Transat Jacques Vabre 2019. Si son cœur vise "le podium assurément", sa raison "espère un résultat sportif satisfaisant et constructif."
Car si l'on se base sur les résultats de Charal, premier des foilers nouvelle génération, la mise au point de ces bateaux ultra technologique est longue. "On espère qu'il y aura au moins un bateau de nouvelle génération sur le podium. C'est sûr que Charal à un cran d'avance sur nous, mais on va faire avec. C'est une course qui dure longtemps et dont le départ est donné en période automnale depuis le Havre. Ce n'est jamais simple de s'extraire du Golfe de Gascogne. Tant que la ligne d'arrivée n'est pas franchie, tout peut se passer !"
Sébastien compte donc sur le "potentiel extraordinaire du bateau" et sur sa volonté de "se donner à fond et de bien naviguer" pour performer.
Il sera d'ailleurs accompagné par Vincent Riou, avec lui depuis le début du projet. Ces deux marins partagent le même objectif sportif et les mêmes envies de performances. Complémentaires, ils pourront mutualiser leurs compétences. "Vincent peut m'apporter des choses sur certains phénomènes météo, comme le Pot au Noir par exemple. Je n'ai jamais traversé l'Atlantique du Nord au Sud, mais seulement d'Est en Ouest."
Ce choix de co-skipper, c'est aussi un résultat logique qui s'inscrit dans la continuité du projet. "Vincent a assumé la direction technique du projet Arkea Paprec et la construction, dont j'ai fait partie. C'était passionnant ! Aujourd'hui, on continue de naviguer sur le bateau pour le fiabiliser. C'est une étape pas facile et frustrante qui demande de la patience. J'aimerais faire du résultat tout de suite ! C'est peut-être aussi ma jeunesse qui veut ça. Mais il faut que je relativise en me disant qu'il y a deux mois, le bateau était encore en chantier."
De sérieux concurrents
Le niveau sera relevé en IMOCA au sein des foilers, et pas seulement des bateaux de nouvelle génération. "J'en redoute plein et pas seulement au sein de la génération des nouveaux foilers ! Ça reste de super marins ! Nicolas Escoffier, Nicolas Lunven… Je m'entrainais avec lui et je gagnais la Solitaire du Figaro la même année. Il y en a plein que je considère comme dangereux !"
Mais la force de Sébastien et Vincent, c'est qu'ils ont déjà beaucoup navigué ensemble, et notamment en transatlantique. "On a fait la Route de la Découverte, on a navigué ensemble en transat quand il a installé les foils de PRB…"