Une collaboration à succès
Daniel Andrieu est l'architecte historique de la gamme des Sun Fast du chantier Jeanneau. Le précédent modèle de cette série de croiseurs au large de performance a été mis à l'eau en 2007. Fin connaisseur de la jauge IRC, il est également au fait des envies des propriétaires. En effet, ce régatier passionné et enthousiaste collectionne de brillants résultats.
Ce partenariat qui se poursuit depuis plusieurs décennies et a permis au constructeur vendéen d'être régulièrement sur les plus hautes marches des podiums.
Une demande en évolution
La demande des plaisanciers s'orientant vers plus de navigations en équipage réduit, Jeanneau a décidé de lancer un nouveau voilier de régate. C'est ainsi que le Sun Fast 3300 a vu le jour en 2019, intégrant les dernières mutations technologiques.
C'est encore sous la houlette de Daniel Andrieu que Jeanneau espère s'imposer sur les régates IRC. Pour cette nouvelle génération de Sun Fast, l'architecte a collaboré avec un confrère, Guillaume Verdier, un des grands spécialistes des voiliers de course au large.
Le résultat de cette synergie est bluffant. Le Sun Fast 3300 a une personnalité bien marquée et des caractéristiques pointues. C'est un bateau très moderne.
Qu'apporte le nouveau Sun Fast 3330 par rapport au 3200 ?
Le Sun Fast 3300 vient remplacer le 3200, sorti en 2007. Ce bateau a connu de très nombreux succès en régate côtière comme en parcours techniques. S'il est très représenté sur la Transquadra, il a surtout brillé sur les courses inshore.
Le 3330 reprend le même concept tout en procurant une progression technologique. Il est peut-être un peu plus orienté pour le large en équipage réduit, en réponse à l'évolution de la demande.
Quel était le cahier des charges de ce bateau ?
Nous voulions faire avant tout un voilier amusant, mais conforme aux exigences de la jauge IRC.
Croyez-moi, ce n'est pas facile à réaliser ! (rires)
Nous souhaitions un bateau fun, compétitif en régate IRC inshore et offshore. Un voilier polyvalent pour naviguer en équipage réduit ou complet.
Quand on arrive à réunir tous ces critères, on est content ! C'est ainsi qu'est né le Sun Fast 3300. Il faut aussi s'assurer de ne pas prendre une raclée dans les autres systèmes de jauges.
Y a-t-il des divergences importantes entre les jauges ?
Non pas fondamentales. C'est surtout dans les méthodes de mesures qu'elles se différencient. Par exemple, les Américains courent en PHRF. Ils peuvent être plus toilés sans trop être taxés.
Ils n'ont pas les contraintes de l'IRC qui donnent des caractéristiques assez moyennes aux bateaux.
Le Sun Fast n'est pas spécialisé pour les parcours banane. Quelles en sont les conséquences architecturales ?
Nous avons étudié certaines options audacieuses qui pouvaient sembler contre-intuitives. Par exemple, la forme de carène que nous avons générée possède un avant très gonflé. Nous avons accepté "à priori " que par force 2, un SF 3200 ou un autre bateau plus conventionnel soit plus à l'aise.
Donc le Sun Fast 3300 "fait moins de près" que le 3200 ?
Et non ! En fait, c'est là que l'on constate la différence entre la théorie et la pratique. Nous avons découvert que le SF3300 marche aussi très bien dans le petit temps.
Un de nos coureurs, Bernard Mallaret, qui navigue en Méditerranée sur un des premiers bateaux de la série, était étonné de rivaliser en cap dans 10/14 nds de vent avec des Mum 36, Grand Soleil 37, ou A 35.
Bernard est certainement un très bon barreur, mais il est le premier surpris des capacités du bateau dans le petit temps.
Comment expliquer que ces étraves très volumineuses ne freinent pas le voilier ?
La trainée d'une carène est primordiale. Beaucoup de facteurs se compilent ou s'annulent selon les cas. Par exemple, on sait que dans la théorie, un voilier à l'étrave large aura une quille qui travaille mieux dans l'axe de la carène gitée et offrira un surcroît de puissance. Mais on pensait que ces volumes avant étaient totalement rédhibitoires dans le clapot.
Dans la pratique, certes, il y a des moments où le clapot va vraiment ralentir le bateau. Mais ces moments sont plus marginaux que nous ne le craignions alors qu'on profite souvent des bénéfices apportés par ces carènes.
Le design du voilier évoque les hautes vitesses au portant. Peux-tu nous parler des capacités de planning du Sun Fast 3300 ?
Pour bien planer, il faut être puissant et léger et ce n'est pas favorable à l'IRC. Pour ne pas être complètement matraqué en IRC, le 3300 reste un bateau à déplacement. Mais on est relativement léger (3600 kg) par rapport à la "vraie longueur".
À titre de comparaison, le Sun Fast 3300 fait le même poids que le 3200 avec un pied de plus. La surface mouillée est équivalente, mais la stabilité de forme est supérieure au 3200.
On ne le voit pas au port, mais la carène présente des sections peu courantes, avec une double concavité à l'avant et à l'arrière, peux-tu nous expliquer ?
Effectivement, nous avons généré une carène avec des inversions de courbure.Ces concaves sur la ligne de quille permettent de répartir au mieux la pression dynamique et de limiter la trainée de carène pour plus de performance.
Ainsi la carène offre moins de résistance à haute vitesse : on surfe plus tôt, plus longtemps et plus loin. Et c'est incroyable ! On tient souvent 14, 15, voir 16 nds, alors que je n'ai jamais fait ça sur mon 3600 !
Le roof a un design innovant, peux-tu nous en dire plus sur le cahier des charges ?
D'abord, il y a la hauteur sous barrot nécessaire à la vie à bord. Nous voulions une hauteur d'au moins 1,80 m, je fais quand même 1,92 m !
Il y a aussi la position du mât qui est extrêmement reculé. Il est 1 m plus en arrière que tous les autres. Ce qui confère au plan de voilure un très grand triangle avant, c'est le "moteur" du voilier, et l'on souhaitait pouvoir l'observer depuis l'intérieur. C'est un critère de performance pour les coureurs off-shore.
Nous désirions également intégrer le système de réglage de génois en 3 dimensions équipant le Figaro3. Il peut être rentré, à hauteur de 9° d'angle par rapport à l'axe longitudinal du bateau.
Enfin, nous voulions un design de roof plaisant à l'œil par rapport à la concurrence.
Et enfin, toi qui dessines des voiliers de régate depuis 40 ans que penses-tu de l'arrivée de foilers dans le monde la course ?
Et bien, il n'y aura bientôt plus besoin d'architecte ! Une buche avec des foils fera l'affaire (rire) !Les AC75 voleront presque en permanence, car les organisateurs limitent les régates à certaines forces de vent.
Les foils sont une tendance très excitante, mais peut-être trop spécialisée par rapport au plaisancier moyen. Il y a quelques années, même les Class America n'étaient pas si éloignés de nos bateaux. On pouvait s'y projeter, les technologies développées pouvaient être transférées. Mais là avec les bateaux volants, j'ai peur qu'on soit trop déconnecté pour que ça reste un rêve à la portée mentale du rêveur.
Et puis je crains que ça ne génère pas de nouveaux utilisateurs, alors qu'il y a moins en moins de gens à naviguer. Mais l'histoire est en marche, et quand tu as vu des images de bateaux volants, ensuite lorsque tu vois un voilier naviguer à 9nds ce n'est plus très excitant.