La migration des Figaro3
Après la solitaire du Figaro, place à la traditionnelle transhumance des monotypes de course vers leurs ports d'attache et centres d'entrainements. En général, ce convoyage d'après course est réalisé par les préparateurs, des coureurs disponibles et parfois leurs skippers attitrés s'ils ne sont pas épuisés.
Tôt le matin, nous sommes partis de Bretagne en voiture afin de rallier Dieppe, la ville du dénouement de la Solitaire du Figaro - Urgo 2019. À bord, Stéphane ramène le bateau d'Armel Le Cléac'h, Yannick prendra celui de Gildas Mahé et moi celui de Clarisse Crémer. Je suis invité par Stanislas Thuret, cinéaste et coureur au large, qui reprend le flambeau de Clarisse Crémer sur le Firago 3 Everial. Il courra la fin de saison sous les couleurs d'Everial tandis que Clarisse se consacrera à la prise en main de l'Imoca Banque Populaire pour le Vendée Globe 2020.
Un convoyage technique de 400 MN, pour une prise en main
Comme beaucoup d'autres, nous devons ramener le bateau à Lorient La Base, pour un check général avant la reprise des entrainements pour préparer le Tour de Bretagne. Pour Stan, ce convoyage, c'est la découverte de son nouveau bateau de course. Cette navigation assez technique de 400 mn nous emmène naviguer dans des zones à très fort courant qui sont typiques des épreuves de la Solitaire.
En raison de la marée, nous sommes de nombreux bateaux à quitter le port de Dieppe vers 17 h. Et c'est une quinzaine de monotypes qui prennent la même marée en direction de la Bretagne Sud.
Le temps estival est idéal, le soleil brille sur les falaises calcaires typiques de la haute Normandie. Le vent d'Ouest souffle à 12/15 nœuds, en plein sur notre trajectoire pour rejoindre la pointe du Cotentin.
Mettez 15 bateaux de course sur un même plan d'eau, allant au même endroit et un convoyage se transforme immédiatement en véritable régate.
Comme en course, ou presque
À bord d'Everial, on recherche la performance bien qu'il n'y ait pas d'autre enjeu que de découvrir le bateau, prendre des marques, tester l'équipement, évaluer sa vitesse par rapport aux autres, tester les réglages de fois, de voile, de gite et travailler les manœuvres.
Pour rejoindre la pointe du Cotentin, aucun bord n'est réellement favorable et nous naviguons tous au près. La manche nous réserve son petit clapot typique qui secoue un peu ce bateau et son équipage.
Le Figaro 3 n'offre pas un angle de remontée au vent très pointu. La dérive est assez importante, de l'ordre 5 à 7 degrés. En recherchant un VMG rapide, on navigue un peu au-dessus de 6,5 nœuds et d'un bord sur l'autre on relève un angle un peu supérieur à 90°. Pour optimiser la vitesse, et améliorer l'effet anti-dérive, nous essayons de nombreux réglages de voiles et de foils.
La nuit tombe tardivement à cette saison (fin juin). Vers 23 h, sous un ciel encore un peu lumineux, nous faisons notre premier repas lyophilisé, un diner comme en course. Les quarts s'organisent, mais le sommeil ne vient pas, nous passons cette première nuit au contact de la flotte avec quelques croisements "chaud". C'est une belle navigation étoilée en milieu de Manche, la Voie lactée nous surplombe et les étoiles filantes parcourent le ciel.
Le contournement du Raz de Barfleur
Au petit matin, le vent vient encore de l'Ouest à 15nds, le lever de soleil nous laisse entrevoir la terre à l'horizon. C'est en fin de matinée que nous arrivons à la pointe NE du Cotentin. Le raz de Barfleur est réputé pour ses forts courants, levant une mer difficile et parfois dangereuse. En ce qui nous concerne, le courant est largement favorable. Nous l'estimons entre 2 et 3 nœuds et il s'oppose au vent d'ouest, levant une mer sans aucun rapport avec le temps qu'il fait.
Sur notre Figaro Everial, nous approchons d'une "barre" où des vagues statiques d'un petit mètre déferlent alors que la mer est plate autour. Les gilets et les harnais sont de sortie pour traverser cette "barre".
Le courant nous est favorable, mais ce n'est pas une raison pour négliger l'optimisation de la route, sinon les petits camarades passeront devant. Il faut trouver le bon compromis entre serrer la cote pour raccourcir le trajet et rester dans la veine de courant fort pour gagner plusieurs nœuds.
Afin de rester dans le lit du courant fort, nous calons notre route à proximité de la sonde des 20 m. Nous croisons des casiers submergés par la puissance du flot.
À moins d'un mille de la côte, elle défile très vite sous nos yeux. Nous enroulons le raz de Barfleur, et nous sommes comme catapultés dans la baie de Cherbourg. Le raz Blanchard est maintenant face à nous, in extremis nous passerons juste avant la fin du courant favorable. Ceux qui seront un peu derrière souffriront de la renverse.