Fin 2015, une étude est lancée par Bénéteau pour concevoir un nouveau bateau. Le cahier des charges est écrit par la classe Figaro qui rassemble tous les propriétaires et skippers. Ensemble ils ont défini le bateau par rapport à des objectifs de course, du cout - le bateau ne devait pas être plus cher qu'un Figaro 2 soit 150 000 € - et de poids. L'idée était de faire un bateau plus léger avec la même stabilité et sans ballast - d'où l'utilisation de foils. Un appel d'offres a été envoyé, 5 architectes ont été retenus. Deux d'entre eux ont proposé des bateaux équipés de foils. La quille basculante ou les dérives ont également été étudiées, mais abandonnées pour des raisons budgétaires - une paire de foils coutant déjà 30 000 €.
Visite de chantier
Nous sommes allés visiter le chantier Bénéteau qui produit ces nouveaux bateaux. Ce site ouvert en 1992 a construit des trimarans de course pour la marque Jeanneau. Délaissé quelques années, il a été réhabilité pour le lancement du Figaro 3. Moyennant un investissement de 3 millions d'euros, le bâtiment a été fermé afin de créer une pièce spécifique à l'infusion où la température et l'hydrométrie sont contrôlées : 20°C et 50 % d'humidité.
Des comptétences internes
Au sein de cette entité, Marc Vaillier – directeur de projet - a réuni les meilleures compétences : des jeunes motivés qu'il a formés pour fabriquer un bateau haut de gamme. Il a ensuite fallu avancer la coquette somme de 8 millions d'euros pour pouvoir construire les 50 premières unités. Au dernier Nautic 2018 de Paris, les propriétaires ont tiré au sort leur numéro de coque. La première personne à avoir rempli son bon de commande a été le premier à tirer son numéro de bateaux et à être livrée après le salon nautique. Les 50 premiers bateaux ont été livrés en 3 semaines.
Un Figaro 3 tous les 4 jours
L'atelier situé sous le pont de Cheviré à Nantes est en mesure de produire un Figaro Bénéteau 3 en 20 jours. Un bateau sort de l'usine tous les 4 jours. Pour suivre une telle cadence, il faut énormément d'outillage parfaitement calibré. À ce jour, 70 Figaro 3 sont sortis de l'usine et l'unique moule devrait être capable d'en produire une centaine.
La rigueur et la précision sont de mise afin de pouvoir respecter une stricte monotypique. Un contrôle qualité drastique est mis en place par le chantier. La quantité de matière est surveillée minutieusement et chaque pièce est pesée en sortie de moule. L'écart de poids entre la coque la plus lourde et la coque la plus légère est de seulement 18 kg - sur une coque finie de 2920 kg. Cette différence de poids et compensée par des gueuses réparties entre l'avant et l'arrière.
Des écarts infimes entre chaque coque
Les 22 premières coques ont été scannées numériquement par leur propriétaire. Un écart de seulement trois dixièmes a pu être mesuré. Par exemple, un décalage de 0,12 degré sur tribord a été repéré sur la plus "mauvaise" quille. Le plus mauvais positionnement de foil et de 5/10ème de millimètre sur tribord. Chaque foil pèse 36,5 kg et il y a 420 g de différence entre le plus lourd et le plus léger. La pointe du foil une fois sortie de son puits s'inscrit dans un espace de moins de 10 mm pour les 60 bateaux. Dans la plupart des cas la précision d'assemblage est inférieure à la précision de la mesure.
Des gabarits pour poser les tissus
La coque est fabriquée en infusion. Pour une coque complète, il faut compter 576 morceaux de tissus de fibre de verre. Chaque morceau est découpé numériquement en interne et posé à l'aide de gabarit afin que chaque recouvrement soit identique sur tous les bateaux. Pour obtenir un tel résultat, la notice technique de construction fait plus de 200 pages.
Pour optimiser le poids tout en respectant les normes ISO, des tissus spécifiques ont été conçus en collaboration avec les architectes et les fabricants afin d'avoir un grammage optimisé. Un tissu diffusant - qui aide à la migration de la résine dans les zones où il y a beaucoup d'épaisseur - a même été développé spécialement pour ce projet. En arrière de la quille ou des foils, il y a jusqu'à 65 épaisseurs de tissu. Sans ce tissu diffusant spécifique, il risquerait de rester des zones sèches au cœur du composite.
La structure de la quille et la structure longitudinale sont infusées en même temps que la coque. Les fixations des boulons de quille sont incluses dans le moule. Aucun perçage au travers de la coque n'est nécessaire.
4 jours sur 4 postes d'assemblage
La chaîne d'assemblage se compose de 4 postes sur lesquels chaque bateau va passer 4 jours. Sur le premier des 4 postes les cloisons sont positionnées à l'aide de gabarit et collées avec de la colle méthacrylate. Les 3 cloisons principales ont également une reprise de strate supplémentaire. La coque est déplacée au prochain poste après 4 jours de travail. Elle est positionnée grâce au puits de quille afin que l'outillage de chaque poste soit parfaitement aligné.
Sur le dernier poste, la coque est fermée par le pont qui est déjà pré-accastillé.
Pas de carbone dans cet atelier
Parce que l'atelier n'est pas équipé pour travailler l'époxy et le carbone (pour des raisons de législation), seules 3 pièces ne sont pas fabriquées dans cet atelier : les foils - fabriqués chez Multiplast ; le bout-dehors et les safrans - fabriqués dans un atelier du groupe en Pologne.
Grâce à toutes ces mesures mises en place, le chantier assure une stricte monotypie des bateaux. Si une modification doit être faite sur l'un d'eux, elle devra être également appliquée à l'ensemble de la flotte. Outre les problèmes de gréement qui ont été gérés par le fabricant de mâts, le chantier a, par exemple, été contraint de renforcer le support du vérin de pilote alors que les 50 premières unités étaient déjà livrées. Mais cette rigueur permet aux skippers de s'affranchir des suspicions d'inégalité entre les bateaux et de se concentrer sur leur navigation.