Envie de nouveau
Olivier Pinon a fondé la société Naviclean en 2018. Il ne l'a pas créé par hasard. Après avoir passé vingt ans dans le domaine des achats, et donc essentiellement dans un bureau, il a voulu changer. Durant les dix dernières années, il a travaillé dans le secteur parapétrolier des plateformes : un domaine qui n'était pas vraiment vert, de son point de vue, ce qui ne le satisfaisait plus tout à fait. Et puis la quarantaine arrivée, une fin de cycle professionnel sans doute aussi, l'impression d'avoir fait le tour de son métier, une attirance réelle pour le nautisme… Bref, il avait assez de raisons pour virer de bord !
Nouvelle orientation professionnelle…
Olivier se met alors à la recherche d'un service à apporter aux plaisanciers. Et l'idée lui vient d'un coup, en pleine nuit : pourquoi pas le lavage, comme pour les voitures ? Ni une, ni deux, il planche : un portique comme dans les centres de lavage auto ? L'idée est séduisante, mais s'avère irréalisable : les bateaux ont des contours émergés très variés et l'efficience de capteurs dans l'environnement marin est assez peu probable. Pourquoi alors ne pas se focaliser sur ce qui se salit le plus dans un bateau, c'est-à-dire la carène ?
Solution technique
Sur internet, Olivier découvre que, oui, les rouleaux peuvent être une solution pour cette partie immergée des bateaux, et qu'elle peut même être associée à un lavage haute pression pour le pont du bateau si besoin. Elle lui paraît aussi être assez écologique : elle se présente comme une alternative à la pose d'antifouling, réputé néfaste pour l'environnement marin. Bref, l'idée lui plait et il se met à la recherche des producteurs de cette machine à rouleaux qui existe, en fait, depuis vingt ans déjà.
Une machine venue du Nord…
Deux fournisseurs existent en Europe, et sont implantés dans les pays nordiques. Ils proposent deux systèmes différents : dans le premier principe, les rouleaux bougent sous le bateau qui reste immobile ; dans le second, les rouleaux sont fixes et c'est le bateau qui se meut dessus. Olivier s'intéresse de plus près à cette dernière solution : plus facile à installer, nécessitant moins d'emprise spatiale, et, au final, moins onéreuse.
Brosses et bassin
La machine qu'il choisit est adaptée à toutes les carènes, bateaux à moteur comme voiliers, à part les biquilles. Les rouleaux se placent en "V" autour de la quille, impossible de les positionner en "W". Elle est équipée de brosses larges de 3,30 m. Faites de tiges longues et fines de plastique dur similaire aux "poils" des balais pour les rues, elles permettent de laver fermement les coques. Ce qui en est décroché, mécaniquement uniquement, car aucun produit n'est utilisé, tombe dans un vaste bassin de récupération, avant d'être régulièrement aspiré hors de l'eau. Olivier peut aussi être amené à plonger pour aller récurer les brosses et inspecter la structure métallique immergée de la machine. L'environnement marin salé est agressif, et il faut prêter attention au phénomène d'électrolyse. Changer les anodes qui protègent la machine est donc nécessaire régulièrement.
Faisable et rentable ?
Mais avant d'investir, Olivier veut avoir de la visibilité, notamment auprès des gestionnaires de port. Il enchaîne les rendez-vous avec ces professionnels du nautisme, de Brest à Arcachon, et dans le Var. Ainsi estime-t-il, à priori, où il va pouvoir implanter ses machines. Des démarches pas si faciles, car le produit est nouveau, et donc inconnu pour l'heure. Parce qu'aussi, ces pros ont été échaudés par des laveurs peu sérieux, et se sont ainsi retrouvés avec des installations laissées à l'abandon. Autre raison plus pointue : dans ces ports, une aire de carénage est souvent déjà à disposition des plaisanciers et souvent aussi, cet espace est déficitaire. Elle emploie aussi la plupart du temps du personnel. Alors, implanter une station qui remplace l'aire à terme peut-être, c'est une question de fond… Bref, les ports même s'ils peuvent se montrer intéressés, demeurent frileux.
Première implantation…
Le port de Locmiquélic, en face de Lorient, dans le Morbihan, répond favorablement : les places à sec (hors d'eau) pour les bateaux manquent : les coques de nombre de bateaux restent donc immergées et leurs propriétaires plaisanciers doivent alors les traiter régulièrement. Mais ils n'en ont pas la possibilité dans ce port, car il n'est pas équipé d'aire de carénage. Ce qui est dommageable pour les plaisanciers qui sont pourtant contraints par la loi d'utiliser une cale avec grille de récupération pour traiter leur coque.
Bienvenue à Locmiquélic !
Autre raison qui pousse le port de Locmiquélic à sauter le pas : son dirigeant est ouvert à la nouveauté en matière de services. Et il se soucie aussi, semble-t-il, de la transition de l'antifouling réputé anti écologique, vers des solutions plus durables… Olivier obtient donc un emplacement à l'entrée du port de Locmiquélic. En mars 2018, six mois après ses premières démarches, il installe là sa station. Les travaux sont limités : des pare battages à positionner au ponton d'accueil, l'ancrage de la machine sur le ponton flottant, le branchement en triphasé et l'accès à l'eau douce.
Innovation…
Cette première implantation est une victoire pour Olivier qui, avant de pouvoir lancer son activité, a dû batailler ferme pour obtenir l'autorisation administrative d'installer ses rouleaux. Il faut dire que le contexte réglementaire concernant l'utilisation de l'antifouling est en ébullition depuis quelques années : ce produit agressif pour les algues et les coquillages collés aux carènes, l'est aussi pour la mer en général. On ne l'a pas interdit, mais on a obligé les producteurs de ce type de produit à en changer la chimie trop nocive.
… et réglementation
Bref, ajoutez à cela la loi sur l'eau qui a pour but d'en limiter la pollution, et l'on obtient un dossier très compliqué à gérer pour Olivier. Il s'est vu imposer les plus drastiques règles en matière de protection de l'environnement marin, alors qu'il estime que les rouleaux sont justement une manière progressive de remplacer l'antifouling peu écologique. Arrivé finalement au bout de ses peines, Olivier aura sans doute œuvré pour les futurs entrepreneurs de son secteur en matière d'évolution des obligations officielles !
Enfin, le lancement…
En mai 2018, Olivier peut enfin ouvrir sa station de lavage de carènes… mais la saison de carénage est déjà passée. Il n'a alors comme clients que les plaisanciers retardataires ou les écolos dans l'âme qui ne peuvent se résigner à utiliser de l'antifouling. Il retrousse donc ses manches et va au-devant de ses clients, ponton après ponton, flyers en main et arguments en bandoulière. Il fait, dit-il, de la "pédagogie" : il accompagne l'évolution des mentalités sur le levage écologique. En fin de saison 2018, il atteint ainsi la centaine de clients. Après un bilan, il se rend compte que 70% d'entre eux n'ont pas remis d'antifouling… pour une raison économique, mais aussi écologique.
Les raisons d'un intérêt affiché
De cette modeste enquête ressors ainsi que pas moins de 95% de la clientèle de Naviclean est prête à racheter cette prestation de lavage par rouleaux. Un chiffre encourageant... Dans l'ordre d'arrivée des atouts de cette prestation aux yeux de la clientèle d'Olivier : la rapidité du lavage, la flexibilité horaire, le coût raisonnable, l'accueil professionnel. L'aspect écologique est cité aussi, mais plus loin. Et puis, la nouveauté aussi attire certainement les clients : ils ne la citent pas, mais sont ravis de partager photos et vidéos du lavage et des rouleaux ! En 2018, Olivier estime avoir travaillé à sa visibilité : prise de contact avec les associations de plaisanciers, les ports, achat de publicité dans les journaux locaux… En 2019, il compte accueillir le double de clients au moins, pour pérenniser sa station de lavage et s'inscrire dans le paysage nautique.