Anthony vient de racheter un voilier coulé à Saint-Martin dans le lagon suite au passage du cyclone Irma. C'est un Sundeer 64, un voilier construit aux États-Unis par le chantier TPI à 10 exemplaires et dont seuls 2 sont grées en ketch.
Le jour du cyclone, Theta Volantis (le nom d'une étoile) était amarré à couple d'un Swan dans une marina du lagon. Quand ce dernier a démâté, son mât est venu endommager la liaison coque pont sur tribord et fait démâter l'artimon de Theta Volantis. Malgré les pompes de cale, Theta Volantis va couler et va rester 2,5 mois au fond de l'eau avec seulement son gréement qui émerge.
Anthony va racheter le bateau à la compagnie qui a effectué le renflouage. Quand il le découvre, Theta Volantis flotte amarré sur un corps mort la coque et le pont couvert de coquillages. Cela n'effraie pas le marin qui tombe immédiatement amoureux de ce bateau et qui fait une offre pour le racheter. Il nous raconte ensuite son parcours pour devenir propriétaire et convoyer le voilier au pied de chez lui.
Après le passage du cyclone Irma sur Saint-Martin, l'association "Les Amis de Neptune" à laquelle j'appartiens à décider de se mobiliser pour effectuer des rotations depuis la Guadeloupe vers Saint-Martin et d'apporter des produits de première nécessité. L'état du réseau routier ne nous permettait pas d'effectuer les livraisons par la route donc nous faisions un maximum avec l'annexe depuis le bateau mouillé en baie.
À l'occasion d'une livraison, nous sommes passés dans le lagon coté hollandais et j'ai vu Theta Volantis à quai fraichement renfloué. En dépit de son aspect avec sa coque et son pont couvert de coquillages, qui me fait toujours penser à celui d'un diamant dans sa gangue, je suis littéralement tombé amoureux de ce voilier.
Avec mon ami, le capitaine de Neptune, nous avons pris la liberté d'accoster et de visiter ce voilier. Mon cœur battait la chamade, j'avais l'impression d'essayer conquérir le cœur d'une jolie femme. Je l'aimais déjà.
La première épreuve fut de se frotter au service de sécurité de la marina où se trouvait la belle. Profil bas. Mais de fil en aiguille, je suis arrivé à connaitre le nom de la personne qui était en charge de cette lady. Je me retrouve dans son bureau à faire une offre : mon interlocuteur m'en demande 4000$ je ne peux offrir que 3000$. Va pour 3000$. Papiers signés, acompte versé, le cœur gonflé de volonté.
À partir cet instant, un long combat administratif s'engage. Plusieurs nouvelles viennent à moi alors que je suis en mer, en convoyage ou en charter. "Le bateau va être détruit" ou bien "Il n'est pas possible de le sauver". Autant de message qui essaye de me faire lâcher l'affaire, mais c'était sans compter ma ténacité et l'amour que je porte à ce voilier. Avec du recul, je sais maintenant qu'une bande de carnassiers gravitaient autour de ma belle.
À l'époque je ne connaissais rien de l'histoire de voilier, de son architecte… J'étais et je suis toujours uniquement amoureux de ses belles lignes, comme quoi l'amour peut vous aider à réaliser des choses "impossibles". Six mois plus tard, j'ai enfin mon acte de vente en bonne et due forme.
Depuis le début de ce challenge, je n'ai qu'une envie, que ma lady soit à côté de moi pour que je puisse en prendre soin. 150 milles la séparent de l'île où j'habite : La Guadeloupe. Malgré un bateau coulé pendant deux mois et demi, un seul mat, pas de moteur, pas trop de moyens, mais toujours cet amour et cette volonté inébranlable, je décide de rapatrier Theta Volantis avec mes propres moyens en Guadeloupe.
Elle a un mât, un gréement qui tient, les voiles toujours à bords, pour le reste… je verrais en route. Après trois semaines de chirurgie de guerre à Saint-Martin, je passe le pont en remorque pour sortir du lagon direction La Guadeloupe. La fenêtre météo est bonne, mon ami le capitaine de Neptune est avec moi. Faute de moyen, il n'y a pas de survie, pas de fusées, pas une VHF à bord, juste une glacière, de l'eau et de quoi faire des sandwichs. Le mât d'artimon est absent, une seule barre à roue fonctionne, mais on fait route. 56 heures plus tard, nous sommes à la maison en Guadeloupe. Un ami anglais capitaine d'un très joli voilier de 76 pieds vient nous donner la main pour l'arrivée et le mouillage. Ses premiers mots ont été, je cite : "You are a fucking crazy French sailor !!!"
Maintenant l'aventure continue.
Par téléphone Anthony nous raconte : Le bateau est construit en sandwich balsa qui n'a pas du tout subi de dommage de l'immersion. La partie de la coque endommagée par le démâtage du Swan est heureusement en monolithique. Côté aménagements intérieurs, toutes les boiseries sont encore bonnes même si certaines se sont noircies. En revanche, tout le circuit électrique est à changer. Idem pour le moteur Yanmar. Il va y a avoir du travail et un bel investissement, mais ce bateau vaut tellement la peine que je suis prêt à vendre ma maison pour lui !
Skipper de métier, Anthony aimerait bien finir la rénovation avant le départ de la prochaine Route du Rhum 2022 et si possible y participer…
Theta Volantis amarré en Guadeloupe, coque netoyée, artimon démâté. Les travaux commencent.