Une expédition née sous les meilleurs augures
Enhardi par sa participation à l'expédition en Antarctique du navire "Belgica" à laquelle il avait participé quelques années plus tôt, Roald Amundsen caresse le projet, insensé pour l'époque, de naviguer à travers les passes du Passage du Nord-Ouest, d'est en ouest (de l'Atlantique vers le Pacifique). Pour cela il arme le Gjøa, un petit sloop de pêche à la morue.
Au début du vingtième siècle, c'est un projet insensé et risqué, car la plus grande expédition polaire de tous les temps, l'Expédition Franklin, y avait disparu corps et biens depuis 1846. Frijtdof Nansen, le célèbre explorateur polaire norvégien et mentor de Roald Amundsen mit ses relations et une partie de ses fonds à sa disposition pour entreprendre son aventure à condition d'y ajouter la recherche du Pôle Nord magnétique…
Un équipage réduit à six personnes, mais polyvalent
- Le commandant en second, Godfred Hansen, faisait fonctions de météorologiste, navigateur, astronome, géologue et chirurgien, un homme très instruit féru de lecture qu'il racontait volontiers à la veillée.
- Le barreur, Helmer Hanssen, pilote de navires polaires était rompu à la navigation dans les glaces et faisait un très bon joueur d'accordéon.
- Anton Lund, un baleinier et chasseur avait plus de 25 campagnes polaires de pêche à la baleine à son actif.
- Peter Rivstedt, sergent dans l'infanterie à ski norvégienne, forgeron, éleveur de chiens, constructeur et expert en conduite de traineau.
- Gustav Juel Wiik, sous-officier d'artillerie, le benjamin de l'équipe, spécialiste des instruments et des relevés magnétiques était un boute-en-train, jamais à cours d'une histoire drôle. Il décèdera de maladie en 1905 et sera le seul à ne pas rentrer en Norvège.
- Adolf Henrik Lindstrøm, le cuisinier, avait fait ses classes à bord de dizaines de navires, mais aussi dans les cuisines les plus huppées d'Europe. Un maitre queue capable de prodiges culinaires avec les moyens du bord, doublé d'un excellent caractère, toujours porté sur la plaisanterie.
Un départ à la sauvette
Le 16 juin 1903, à minuit, le Gjøa appareille d'Oslo en toute discrétion, les créanciers d'Amundsen cherchant à immobiliser le bateau pour être payés des dettes contractées pour l'expédition...
Première escale au Groenland pour charger 20 chiens d'attelage ainsi que des provisions et du kérosène, puis route à l'Est via Beechey Island et le détroit de Franklin (nommé ainsi en hommage à Sir Franklin).
Le canot de bord les précède souvent pour sonder des fonds de parfois moins de 1,50 m..
Cap vers l'entrée est du passage du Nord-Ouest, et après un incendie de la machine, une tempête et plusieurs échouages, c'est le premier hivernage volontaire, afin de réaliser une campagne de mesures magnétique d'une année.
Amundsen établit sa base dans une petite anse bien protégée du sud-est de l'île du Roi-William, Gjøa Haven. Il va y rester deux ans…
Échanges avec les Inuits
C'est à Gjøa Haven que les contacts fréquents avec les communautés inuites du secteur les ont conduits à échanger les lourdes tenues lainées occidentales pour des tenues de fourrures autochtones beaucoup plus efficaces.
En plus de la chasse et de la pêche, le troc avec les Inuit leur permettait d'améliorer considérablement l'ordinaire du bord. Le petit nombre de personnes qui constitue l'équipage permettait de maintenir chacun occupé, de n'obliger personne à d'inutiles corvées et maintenait un haut niveau de moral, soutenu par les menus variés et délicieux préparés par le cuisinier Lindstrøm. C'était là le concept de l'expédition d'Amundsen, une petite équipe soudée, acclimatée, compétente, et polyvalente.
À travers le passage du Nord Ouest
Le Gjøa se remit en route en été 1905 pour atteindre le 17 août de la même année le Cap Colbourne, le point le plus est atteint par les navires venus du détroit de Béring. Le passage du Nord Ouest a été franchi. Continuant sa route ouest, la glace les stoppa à Herschel Island le 2 septembre 1905 annonçant un nouvel hivernage.
1600 km pour un télégramme à envoyer
Impatients d'annoncer la nouvelle au monde, Amundsen et Rivstedt entreprirent en plein hiver, par des températures de -50°C, en traîneau à chiens une "promenade de santé" en direction de la plus proche station télégraphique d'Alaska… Tout de même située à 1600 km aller-retour de Herschel Island…
Enfin, au milieu du mois d'août 1906 Amundsen se remet en route vers Nome (Alaska) qu'il atteignit le 31, accueilli en héros par une population en pleine euphorie des découvertes d'or dans le secteur.