Après 40 heures de course, le vent de Sud-Ouest a forci dans la nuit du 5 au 6 novembre dans le golfe de Gascogne avec une mer formée et chaotique. "Le front dépressionnaire continue sa route, il est passé ce matin sur un tiers de la flotte, avec des grains de 40-45 nœuds et une houle croisée de 5-6 mètres. Ces conditions rendent les manœuvres difficiles et provoquent des avaries régulières, notamment au niveau des pilotes automatiques. Les changements de voile sont délicats et c'est pour cela que l'on constate des abattées très fortes" explique le directeur de course, Jacques Caraës.
Effectivement, sur la cartographie, ça va dans tous les sens ! Si les premiers Ultimes - Macif (François Gabart) et Idec Sport (Francis Joyon) ont réussi à éviter le coup de vent, les Class40 sont secoués par une houle de Nord-Ouest contrariée par des vagues de Sud-Ouest et et un vent qui oscille entre 35 et 40 nœuds avec rafales. Le skipper d'Arkema, Lalou Roucarol à même enregistré "55 nœuds de vent, 65 nœuds dans les rafales avec une mer de face et des creux de 5 mètres."
Premiers démâtages
Ces conditions musclée ont fait leurs premiers dégâts, à commencer par deux démâtages, l'un en IMOCA, l'autre en Class40. "Isabelle [Joschke] naviguait bâbord amure au près serré avec deux ris dans la grand-voile et sa trinquette à 200 milles nautiques dans le nord-ouest de La Corogne lorsque, suite à un problème de pilote, l'Imoca a viré de bord inopinément. Isabelle a alors pris le temps de bien préparer un autre virement pour remettre son soixante pieds sur le bon cap quand le mât s'est brisé." Après avoir sécurisé son bateau, la navigatrice a prévenu l'organisation de course et fait route vers l'est au moteur. Elle n'est pas blessée, mais très déçue.
Sam Goodchild qui pointait à la 8e position en Class40 a informé la direction de course du démâtage de son bateau Narcos : Mexico. Il a réussi à sécuriser le gréement et fait route vers la terre, il devrait arriver à Brest d'ici quelques jours.
"J'avançais super bien, à 10 nœuds, à deux ris-J2, il y avait 30-35 nœuds de vent, je dormais, je suis monté sur le pont pour vérifier que tout allait bien et que tout était stabilisé. Et puis je suis descendu, j'ai commencé à ranger le bateau et j'ai entendu un grand bang, je me suis rendu sur le pont et le mât était dans l'eau. C'est très décevant, je ne m'attendais pas du tout à ça. ... Je pense que ça vient de quelque chose qui a cassé il y a un an et qu'on a vérifié il y a 6 mois. Pour moi, c'était un dossier vraiment clos, ce n'était plus un sujet, mais apparemment si... Je n'ai aucun regret et ça, c'était un objectif depuis longtemps pour moi. Je voulais aller jusqu'au bout, bien sûr, mais mon objectif, c'était vraiment de n'avoir aucun regret et je n'en ai aucun. Donc au moins je suis content, et si c'était à refaire, je ne changerais rien. Je suis peut-être naïf, mais je pense que c'est plutôt de la malchance qu'une mauvaise préparation et ça fait partie de la course au large. Là, j'ai un petit gréement de fortune avec le tourmentin, j'avance à 4 nœuds, il me reste 270 milles à parcourir, donc je pense arriver à Brest jeudi"
Mises à l'abri
Si certains avaient anticipé le coup de vent et s'étaient mis à l'abri, d'autres viennent seulement de prendre la décision. Ainsi, en Rhum Multi, Loïck Peyron suivi par Yann Marilley tout comme Gilles Buekenhout, tentent de rallier la côte Nord de l'Espagne, probablement vers Gijon ou La Corogne, tandis que Charlie Capelle, Pierrick Tollemer, Christophe Bogrand, Gérald Bibot font route vers la Bretagne Sud.
En Multi50, même si Lalou Roucayrol a déjà passé le Cap Finisterre, suivit d'Armel Tripon, il a néanmoins décidé de se mettre à l'abri "Déjà bien fatigué par ce début de course tonique de sa 4e Route du Rhum – Destination Guadeloupe, et en concertation avec son équipe de routage, la décision a dont été prise de jouer la raison pour garantir une fin de course au Multi50 Arkema. Lalou se dirige donc vers Porto, qu'il devrait atteindre vers 9 h HF. Le port est prévenu de son arrivée et prêt à l'accueillir, des membres de son équipe technique sont en route pour prendre soin du trimaran, qui n'a subi aucune avarie, tandis que Lalou se reposera, en attendant que le plus fort de cette tempête soit passé."
En effet les organismes fatiguent, comme l'explique également Paul Meilhat (SMA) "Depuis le coup d'envoi, on n'a quasiment pas dormi. Je ne m'attendais pas à ce que le vent soit aussi instable et aussi fort que ça. On a des rafales à plus de 40 nœuds, c'était violent. Alex (Thomson) a pris une très bonne option alors que le reste de la flotte est partie sur une route intermédiaire. La sortie de Manche était difficile, d'autant que j'ai été ralenti par un casier dans ma quille au large de l'île de Batz."
36 bateaux dans l'attente
Entre ceux qui sont déjà à l'abri et ceux qui vont s'y mettre, ce sont 36 solitaires qui sont en mode "pause" ce mardi matin 6 novembre 2018, comme l'explique Jacques Caraës, le directeur de course : "Au niveau des derniers appels reçus, Charal (Jérémie Beyou), pris en remorque par un remorqueur de Brest, nous a indiqué faire route vers Lorient plutôt que Brest, Halvard Mabire (Colombre XL) a décidé de se mettre à l'abri pour préserver son bateau qui ne lui appartient pas, il fait route vers Bénodet ou Lorient, les trois Multi Rhum de Charlie Capelle (A Capella Soreal Proludic), Pierrick Tollemer (Resadia) et Gérald Bibot (Zed 7) ont rebroussé chemin vers Lorient ou La Trinité-sur-Mer, Loïck Peyron (Happy) fait route vers le nord de l'Espagne, probablement dans un petit port situé à 60 milles à l'ouest de Gijon, David Ducosson (Air Antilles-Caseneuve Maxi Catamaran) a déchiré son solent.
Au total, entre ceux qui se sont arrêtés et ceux qui sont en route pour se mettre à l'abri, on compte 36 bateaux, dont 3 à Roscoff, 2 à L'Aber Wrach, 7 à Camaret, 7 à Brest, 1 à Loctudy, 4 à Bénodet, 2 à Concarneau, 4 à Lorient et 3 à La Trinité-sur-Mer. Quand repartiront-ils ? Difficile de le savoir, parce qu'une deuxième puis une troisième dépression sont annoncées en milieu et en fin de semaine. Pour ce qui est des premiers ETA [Jour d'arrivée], nous sommes toujours à six jours pour les premiers Ultimes"