Peux-tu nous présenter ton bateau ?
C'est un plan Verdier qui date de 2009. C'est son premier multicoque. Depuis il a fait Gitana, le bateau de la Coupe de l'America… Un architecte et une équipe de talent ! Pour le dessin de mon Multi50, ils ont fait un bateau marin et sécurisant. Les flotteurs sont assez volumineux et passent bien dans la mer. C'est un bateau sein et bien construit. Mais ce n'est pas tellement un bateau de Grand-Prix, il aime le large. Il est moins évolutif que les autres, mais au large c'est un bon bateau.
Depuis l'autorisation des foils en Multi50, ces bateaux sont devenus dingues. Ce sont des machines à créer de la vitesse, de l'adrénaline en barre. Ils avancent tout seuls dès qu'il y a un petit souffle, puis ça ne fait qu'accélérer avec le vent. Il faut savoir les dompter. Avec les quelques modifs qu'on a faites, on a gagné en sérénité. Il y a quelques allures un peu chaudes, mais généralement le bateau est capable d'accélérer fort en restant dans ses lignes.
Le poste de manœuvre, de veille et le cockpit sont assez classiques. Les écoutes (de GV ou de gennaker) sont à portée de main. J'ai tout fait de manière à rester au "rez-de-chaussée". La trappe de descente reste fermée. J'ai une bannette sous le roof avec l'accès à l'Iridium, la table à carte, le clavier, la bouffe et le réchaud. S'il y a baston pendant 5 jours je peux rester ici.
À l'intérieur en bas, on retrouve la table à carte, un coin cuisine et une bannette. En double on y dormait, mais là elle servira juste à mettre du matériel. Bien que s'il y des conditions light je ne me m'interdis pas d'aller y passer du temps.
On s'était rencontré à l'occasion du départ de la Transat Jacques Vabres 2017. Quel est le bilan de l'année 2018 depuis ton retour ?
Le bilan est bon. Si on regarde "comptablement", on est quasiment à chaque fois sur le podium (à l'exception de la Drheam Cup où on finit 4e). Ce fut une saison essentiellement axée sur le solitaire : beaucoup d'entrainement, une mise en configuration du bateau assez tôt. Tout au long de la saison, on a pu préparer cette Route du Rhum 2018 qui était vraiment le but après la Transat Jacques Vabre. Ce n'est pas évident parce qu'entre les courses en équipage, les relations publiques et la préparation du bateau… les occasions de faire du solo ne sont pas si nombreuses. Il faut vraiment optimiser ces moments et on a plutôt bien réussi. Il y a eu un super boulot de l'équipe à ce niveau. Donc je suis satisfait !
Quelles sont les optimisations qui ont été faites pour adapter le bateau au solitaire ?
Il y a plein de choses, mais la plus importante c'est la protection. On s'est rendu compte avec Vincent sur la Jacques Vabres qu'on n'était vraiment pas du tout protégé pendant nos quarts. Dès le convoyage retour, on est resté aux Canaries avec Mattéo pour dessiner une casquette coulissante. On l'a très vite validée. C'est un vrai plus : en veille on est protégé, ça coupe complètement du vent. Avant on se prenait des seaux d'eau en permanence. En solo ça fait perdre de l'énergie, du coup tu as froid, tu te reposes mal. C'est un cercle vicieux.
On a également retravaillé l'ergonomie en supprimant des renvois qui étaient dans les nacelles pour concentrer les manœuvres et gagner en efficacité.
On a travaillé sur les pilotes pour plus de fiabilité et de performances.
Au niveau des voiles, on a fait un petit gennak' de capelage. On est les seuls à avoir ça. Juste au-dessus de l'étai, il y a un capelage avec un hook pour le recevoir. Par rapport à un gennaker de tête, ça permet d'avoir un bateau plus safe dans la brise.
Enfin on a joué sur la quête du mat.
Quel est ton objectif sur cette Route du Rhum ?
Finir ! Dans un premier temps. Et si c'est possible, essayer de la gagner. Mais on est 6 à avoir le même objectif, même s'il n'y a que 4 bateaux qui sortent du lot : 4 pros, 1 bateau amateur et un bateau plus ancien, sans foil donc moins rapide.
Quelles vont être les difficultés à gérer ? Au niveau de la stratégie, de la météo ou au niveau personnel ?
Notre premier ennemi, c'est nous-mêmes. C'est d'abord un combat contre soi. Il faut savoir se gérer, gérer sa lucidité, son sommeil. C'est difficile de se poser, relâcher, dormir quand le bateau est entre 25 et 30 nœuds…
La seconde difficulté sera de ne pas casser. C'est une notion importante, car on va se prendre quelques dépressions bien creuses. Ce sont des bateaux qui n'aiment pas la mer formée au pré. Il faudra préserver le bateau et attaquer à bon escient. Je manque un peu d'expérience dans ce domaine. Ça sera une découverte pour moi.
Peux-tu nous raconter un moment marquant que tu as vécu sur la Route du Rhum ?
Le départ est assez fort, le passage de Fréhel. C'est une course qui est mythique, qui a nourri tous les imaginaires et les carrières de coureurs au large. Y participer c'est dingue ! Ma première Route du Rhum, c'était en IMOCA donc c'était vraiment chouette. Derrière il y avait un projet de Vendée Globe, j'étais lancé.
Je me souviens de nuits de dingue et de l'arrivée qui est fabuleuse. Beaucoup de super souvenirs.
Comment décrirais-tu la Route du Rhum en deux mots ?
Tous les marins, tous les coureurs au large rêve un jour de faire la Route du Rhum c'est "un rêve qui se réalise". C'est une course qui est ancrée en chacun de nous depuis l'enfance. On a tous un souvenir précis, souvent lié à la construction de notre vie maritime personnelle. C'est sans doute pour cette raison qu'elle est très symbolique.
Quel est ton programme après la Route du Rhum ?
Je change de bateau. [NDLR Armel développe un IMOCA en vue du prochain Vendée Globe]. Le bateau est en construction. La mise à l'eau est prévue en aout 2019. Je l'ai un peu mis de côté pour rester focus sur le Rhum, mais ça se passe très bien pour l'instant.