La rencontre avec Happy
En 2014, Loïck Peyron doit s'élancer sur la Route du Rhum à l'ancienne. Il a choisi Happy, un petit trimaran jaune qu'il a trouvé en Angleterre, sistership d'Olympus-Photo, "petit jaune" à bord duquel Mike Birch remportait la première édition en 1978. C'est d'ailleurs ainsi que naquit la légende de la Route du Rhum. Alors qu'Olympus-Photo disparaissait dans l'Atlantique fin 1978, Walter Greene, propriétaire et constructeur en fabriquait un deuxième (celui de Loïck Peyron) et un troisième, "toujours en bois moulé, sauf les flotteurs en polyester" explique le marin baulois.
Le marin entreprend un refit complet du bateau pour lui redonner son aspect d'origine – il est bleu, recouvert de panneaux et de hublots, dispose d'un enrouleur, de rails, son étrave est coupée… — au chantier Multiplast à Vannes. Après quatre mois de travail entre amis, il remet le bateau à l'eau à l'été 2014. "Je le baptise "Happy" parce qu'il est mignon, parce qu'il fait sourire."
Remplacement au pied levé d'Armel le Cléac'h
Alors qu'il part pour sa qualification pour la Route du Rhum – ce sera sa 7e participation en 2014 –, il reçoit alors un coup de fil de Ronan Lucas, manager du team Banque Populaire. Armel le Cléac'h est blessé à la main et ne peut pas prendre le départ de la course. "On a un problème... Et j'ai une proposition malhonnête à te faire."
Loïck Peyron à 54 ans et refuse. "J'ai dit non tout de suite. Je ne peux pas. Parce que j'ai 54 piges, parce que je suis embarqué dans une autre histoire avec Happy, parce qu'il y a la Coupe de l'America et que je suis sous contrat avec Artémis. Je ne peux pas parce que, physiquement, c'est du délire ce bateau." Avant d'ajouter "Cela fait 12 ans que je n'ai pas fait de multicoque en solitaire et en course, c'était d'ailleurs sur la Route du Rhum en 2002 quand "Fujifilm" est parti en sucette au large du cap Finisterre."
Finalement, après la validation d'Artemis, la validation des tests de navigation et sa qualification accomplie sur Happy – les trois conditions sine qua non – Loïck Peyron accepte de relever le défi.
En 2014, il s'aligne donc sur la ligne de départ à Saint-Malo à bord d'un trimaran géant de 31,50 mètres de long et de 22,50 mètres de large. Et par-dessus tout, il s'offre sa première victoire de la course (il a participé à toutes les éditions, excepté la première, pour laquelle il faisait partie du public) et décroche un nouveau temps de référence : 7 j 15 h 8' 32".
Un final en beauté
Il revient en 2018 pour les 40 ans de la course et sans doute pour sa dernière participation. "À un moment, il faut arrêter les bêtises non (rires) ? Je crois que c'est ma dernière gorgée. Finir le Rhum comme ça, c'est pas mal. Finir de la manière la plus lente qui soit (NDRL : il table sur 22 jours avec Happy) et en régate sur un bateau symbolique, ça boucle 40 années de course au large. J'étais au départ de la première, mais je ne l'ai pas faite, j'avais 18 ans et je suis sur la ligne de départ 40 ans plus tard, donc ça va."
Une solitaire à l'ancienne
C'est donc sur cette édition anniversaire que Loïck Peyron s'élancera véritablement à l'ancienne : sextant, sans réception de fichiers météo et sans enrouleur de voiles d'avant.
"Il s'agit du deuxième volet d'une histoire, le premier ayant été écrit lors de la Transat Anglaise, il y a deux ans. Ce Rhum, s'il n'aura rien d'une promenade de santé, sera évidemment un hommage à tous les pionniers, ces marins et ces architectes grâce à qui nous en sommes là maintenant", détaille Loïck Peyron qui a, par le passé, déjà effectué quatre transats sans instruments modernes.
"J'avais envie de revivre mes premiers émois. Il y a 40 ans, je n'avais aucune expérience, ce qui m'a permis d'aller dans l'inconnu en étant inconscient. C'est d'ailleurs toute la différence avec aujourd'hui..."