Les débuts du multicoque hauturier
C'est lors d'un convoyage sur le trimaran Toria avec l'architecte Dereck Kelsall qu'Éric Tabarly prend conscience des capacités du multicoque hauturier. Le trimaran sur lequel il navigue a remporté en 1966 la première Two-Handed Round Britain Race du Royal Western Yacht Club et la 5e place sur l'OSTAR. Capable de naviguer à des vitesses bien supérieures à un monocoque, il est aussi moins toilé, plus léger et donc plus facilement manœuvrable en solitaire.
Alors qu'il navigue encore à bord de Pen Duick III, il est convaincu du potentiel du multicoque. Même si l'on en retrouve certains sur les premières Transat, aucun n'a encore su changer la donne, plus à l'aise au portant… Pourtant Tabarly y croit… Et l'ouverture des classes Open lui donne l'opportunité de fiabiliser son intuition.
Le 1er trimaran d'Eric Tabarly
Pour l'édition de 1968 de la Transat Anglaise, il lance la construction de Pen Duick IV, un trimaran en aluminium de 20 m de long et de 10 m de large, équipé de mâts tournants. Mais aucun bateau de ce genre n'a été conçu, et il faut faire preuve d'avant-gardisme pour créer ce que l'on baptisera la "pieuvre géante". Tabarly fera appel à l'architecte marseillais André Allègre pour concevoir ce bateau. Des tests seront effectués en bassin de carène pour valider l'architecture du bateau et un cabinet d'architecture nantais épaulera le skipper dans ses choix de structure. Avec les grèves de mai 68, Pen Duick IV verra difficilement le jour aux Chantiers de la Perrière, à Lorient.
Le jour de sa mise à l'eau, le lancement impressionne ! Le trimaran est tellement en avance sur temps – deux-mâts ailes pivotants, grand-voile entièrement lattée, trois bras de liaison en alu qui relient les flotteurs symétriques à la coque centrale. Très rapidement, la vitesse est au rendez-vous ! Les 18 nœuds sont atteints très facilement, soit le double de la vitesse de Pen Duick III ! Au près, le trimaran navigue à 10 nœuds…
Une première course difficile
Pourtant, lors du convoyage entre Lorient et Plymouth – pour rejoindre la flotte des concurrents de l'OSTAR — il apparait vite que le bateau a manqué de préparation. La commande de pilote automatique se dérègle au-dessus de 10 nœuds, tandis que la ferrure de bôme se rompt. Pourtant, Tabarly s'élance de Plymouth pour traverser l'Atlantique, mais sera rapidement arrêté dans sa course par une collision avec un cargo. Obligé de revenir réparer à Plymouth, il recoupe la ligne trois jours plus tard, mais rencontre cette fois-ci des problèmes de pilote automatique qui l'obligeront à abandonner…