Le dimanche 10 septembre 2017, Yvan Bourgnon quittait son mouillage de Hatt Bay pour traverser (enfin !) la mer de Baffin. Les vents allant jusqu'à 60 nœuds s'étant calmés lui permettant de reprendre la mer. L'objectif : rejoindre Disko Bay puis descendre vers le sud et Nuuk, son point d'arrivée. Mais les pièges restaient encore nombreux sur sa route : vents forts, brumes soudaines, icebergs le long des côtes groenlandaises… Pourtant, ce n'est pas de la mer qu'est venu le plus grand danger rencontré.
De nouveau, en raison de vents forts, d'une nuit de plus en plus présente et de la proximité permanente de très nombreux growlers, Yvan est de nouveau en stand-by dans l'anse de Qikiqtarjuaq (île située dans la région de Qikiqtaaluk au Nunavut, Canada).
Dans la nuit de vendredi à samedi, alors qu'il dormait sur son banc couchette, Yvan Bourgnon est réveillé par la position inhabituelle de son bateau. Les étraves de "Ma Louloute" plongeaient sous la surface et le tableau arrière s'élevait 1 mètre au-dessus de l'eau. En sursaut, il s'est alors levé pour découvrir en face de lui ce qu'il craignait : un ours.
"Devant moi au niveau des étraves, un ours polaire avait les deux pattes posées sur le pont de la coque bâbord qui s'enfonçait sous l'eau. J'ai immédiatement pris mon pistolet qui reste toujours à mes côtés quand je dors, et tiré un pétard au-dessus de sa tête, comme prévu dans la procédure, pensant l'effrayer par le bruit.
Il n'a pas bougé, totalement impassible, alors que mes oreilles sifflaient tant le bruit était assourdissant. Dans le même temps, je n'ai pas cessé de hurler vers lui, comme on me l'avait conseillé. J'ai retiré sans plus de succès... Là j'étais tétanisé par la peur de voir le moindre signe de déplacement de l'animal, et pendant une ou deux minutes qui m'ont semblé une éternité, nos regards se sont croisés et la mort dans l'âme j'ai envisagé de m'emparer de mon fusil, sentant ma vie en danger.
C'est alors que très calmement sans aucun signe de crainte, l'ours a relâché la coque de "Ma Louloutte" qui a retrouvé son assiette normale ; il a tranquillement glissé dans l'eau et je l'ai suivi des yeux tant que j'ai pu malgré l'obscurité.
Je suis resté à genoux sur mon banc pendant de longues minutes, tremblant comme une feuille, conscient d'être passé près de la catastrophe. J'ai attendu l'aube, sursautant au moindre bruit, et fouillant les profondeurs de la nuit sans lune à 360°. Là je me suis endormi malgré mes craintes. Plus jamais je ne me sentirai en sécurité au mouillage."
Arrivée prévue à Nuuk au Groenland jeudi 21 septembre
Yvan devait quitter son mouillage ce dimanche 17 septembre à midi heure française pour entamer la traversée vers Nuuk. Il devrait y arriver dans la nuit de mercredi à jeudi.