Une rénovation avait été entreprise sur le célèbre monocoque Vendredi 13 à Bordeaux. Son propriétaire, Norbert Fradin en avait confié la réalisation à l'association Rêve de Sens dirigée par Bertrand Quentin. Mais la lenteur et la qualité des travaux, accompagnés d'un problème de financement ont mis fin à cette collaboration. Un doute subsistait sur le nouvel avenir de ce voilier mythique. Norbert Fradin a bien voulu répondre à nos questions pour nous rassurer sur l'avenir du bateau.
Comment êtes-vous devenu propriétaire de Vendredi 13 ?
Je suis devenu le propriétaire de Vendredi 13, acheté suite à un appel d'offres. Il y avait d'ailleurs dans ce même lot d'autres bateaux. Il s'agissait du reliquat du Conservatoire de la Plaisance. Une institution bordelaise créée dans les années 1990 par Daniel Charles. Dans ce lot se trouvait même un bateau coulé que nous sommes en train de renflouer. Il s'agit du Sumner de Blondie Hasler, un voilier en contreplaqué à gréement de jonque qui a coulé devant la base sous-marine de Bordeaux et qui est remis à flot aujourd'hui porté par des ballons. Nous allons le sortir de l'eau dans les semaines prochaines.
Pourquoi s'être intéressé à ces bateaux ?
Nous sommes en train de créer le Musée de la Mer et de la Marine à Bordeaux. Un lieu dédié à l'histoire maritime – pas seulement la plaisance – et aux choses de la mer dans son ensemble. Les travaux ont commencé. Nous allons ouvrir en juin 2018 plus de 10000 m2 de plancher qui seront un lien culturel important avec la mer et la marine. Nous avons récupéré ces "épaves historiques" pour alimenter ce musée avec des objets de marine : bateaux, mais aussi maquettes de tous types et de toutes tailles. Des objets qui serviront de prétexte pour raconter des histoires et les aventures de la mer. La volonté que j'ai depuis le début est de permettre aux visiteurs de visiter "les réserves". Je veux montrer ce qui est habituellement caché dans les autres musées.
Pourquoi avoir confié la restauration à une association ?
Dans une autre action, je m'occupe de la préservation de lieux médiévaux dans la région aquitaine. Par exemple en Charente, je suis depuis 15 ans déjà le château de Villebois-Lavalette une forteresse du XIIe siècle, ou en Gironde le château de Vilandrault et quelques autres sites. Dans chacun des sites, je confie la gestion gratuitement à des associations locales qui gèrent l'accompagnement de ce patrimoine en les faisant vivre, organise les visites et les manifestations. Et pour les bateaux, je me suis dit : "pourquoi ne pas adopter la même méthode qui fonctionne sur ces sites depuis des années ?"
Et pour Vendredi 13 ?
Bertrand Quentin a pris contact avec moi suite à ma reprise de cette épave. Il voulait trouver un arrangement pour s'occuper du bateau. Ça allait dans mon sens puisque mon idée à terme était de le confier à une association pour le refaire naviguer. Si tant est que cela fut possible ! Car à ce moment-là, aucune expertise n'avait été faite et l'on ne savait pas si ce bateau était en capacité de renaviguer. Beaucoup pronostiquaient que c'était impossible…
Comment avez-vous prévu le financement de cette rénovation ?
Avant que l'on se mette d'accord, Bertrand Quentin m'a dit qu'il avait des sponsors qui devaient supporter la rénovation et l'association Rêve de Sens se chargeait des travaux. Il demandait juste qu'on lui confie le bateau pour 5 ans. Mais au bout de quelques mois, aucun financement n'a vu le jour et j'ai accompagné financièrement le début du chantier, pour leur laisser le temps de trouver d'autres mécènes. J'ai alimenté l'association, payé les fournitures, le déplacement du bateau, la location d'emplacement au port de Bordeaux… Et puis cette association étant d'origine bretonne, j'ai même dû les loger durant les travaux.
D'où vient la mauvaise entente actuelle ?
Progressivement, nous nous sommes rendu compte que le travail prévu en un an n'avançait pas aussi vite que prévu, mais surtout que la qualité du travail n'était pas professionnelle. Pour faire à nouveau naviguer le bateau avec des visiteurs à bord, il fallait une expertise des travaux réalisés. Ainsi une mésentente progressive est née. Pour aboutir à un point de désaccord total. D'autant plus que nous avons payé environ 160 000 € de frais, dont 52 000 € de mécénat donnés à l'association…
Dans quel état se trouve aujourd'hui Vendredi 13 ?
Aujourd'hui, les travaux en sont à un stade où la coque a été poncée partiellement. Avec de nombreuses zones encore à reprendre avant de commencer les enduits. Les moteurs ont été débarqués et l'intérieur a été partiellement nettoyé. Mais rien de plus n'a été fait sur le bateau. La stratification n'a pas été commencée par exemple. La partie reconstruction proprement dite n'a pas été entamée.
Comment voyez-vous l'avenir des travaux ?
Nous avions déplacé le bateau dans un endroit qui appartient au port de Bordeaux dans un esprit de faire participer le public à cette renaissance. Mais la dernière tempête a crevé les toiles de protection. Nous allons maintenant le déplacer dans un lieu couvert qui nous appartient pour permettre de le restaurer proprement en confiant cette tâche à des professionnels.
Que va devenir Vendredi 13 ?
Le bateau renaviguera, c'est clair ! Ce début de cette rénovation est une mauvaise expérience comme la vie en réserve parfois. Mais vu les sommes déjà investies, je ne vais pas en rester là… Quant à la date de la première navigation, je ne fais pas de pronostic. Mais contrairement à ce que j'ai pu lire, l'avenir du 13 n'est pas du tout compromis !