Vincent Riou, skipper de PRB, actuellement en 5e position sur le Vendée Globe a heurté un OFNI ce dimanche 20 novembre 2016 au matin, tandis qu'il faisait route vers le cap de Bonne Espérance. Dans un premier temps, il n'a pas détecté de dégât et a pu continuer sa route sans encombre. Mais 3 heures plus tard, la quille s'est mise à entrer en résonnance et à émettre des bruits stridents et constants, témoins d'un effort anormal sur l'appendice. Ces bruits ont continué à s'amplifier dans la nuit de dimanche à lundi.
Avec des conditions météo (25 à 30 nœuds avec des moyennes de vitesse aux alentours de 19-20 nœuds) qui ne permettaient pas la vérification du puits de quille dans l'immédiat, le skipper a pu seulement prévenir son équipe à terre. Le Team PRB ainsi que l'architecte du bateau (Guillaume Verdier) et le cabinet de calcul de structures HDS GSEA Design (Hervé Devaux et Denis Glehen) ont alors commencé à étudier toutes les hypothèses à partir des éléments connus (essentiellement le bruit émis par la quille).
Ce n'est que ce mardi 22 novembre au matin, avec des conditions plus calmes, que Vincent Riou a pu faire les vérifications nécessaires. Il s'est alors aperçu que l'axe de quille — pièce en titane essentielle du bateau — avait été abimé dans le choc. Elle permet de lier la quille au monocoque par l'intermédiaire d'une rotule en plastique et c'est également cet axe qui permet la rotation de la quille.
Dans le choc, c'est la rotule en plastique qui s'est cassée entrainant un frottement permanent entre l'axe de quille et le support de la rotule. Cela compromet fortement l'intégrité du bateau, avec des risques que la quille se désolidarise. Un risque trop important alors qu'il reste encore l'océan Indien, le Pacifique et la remontée de l'Atlantique.
Vincent Riou, qui avait déjà du abandonner en 2012 après un choc avec un OFNI est bien évidemment très déçu et voit son rêve partir en fumée. Dès son départ le 6 novembre dernier, il avait pour objectif de mener la dragée haute aux nouveaux bateaux équipés de foils. Et c'est ce qu'il faisait depuis, faisait partie du peloton de tête depuis le départ. Longtemps au coude à coude avec Banque Populaire, Vincent a même occupé plusieurs fois la deuxième place et a réalisé une descente de l'Atlantique exceptionnelle avec son bateau à dérive.
Le skipper et PRB naviguent actuellement dans des conditions maniables (14 nœuds de vent) et sont en lien avec son équipe technique pour décider du lieu où il pourrait dans un premier temps faire escale pour réparer son monocoque — probablement au Cap en Afrique du Sud — avant de faire route vers la France.
"La déception est importante. Mais c'est comme à chaque fois, il faut continuer à vivre et pour moi, la suite, c'est ramener mon bateau en toute sécurité quelque part à terre. La nuit de dimanche à lundi, j'ai eu un petit choc sur le bulbe. La quille est partie en fréquence vibratoire. Elle a commencé à se balader d'un bord à l'autre. Ça s'est arrêté assez rapidement. Ça ne s'est pas arrêté tout de suite, car le bateau allait à 25 nœuds quand c'est arrivé. Je n'en ai pas fait plus de cas que cela. Des petits chocs sur la quille dans les courses au large, on en a régulièrement. Celui-là ne me paraissait pas très fort.
Vers la fin de la nuit, j'ai commencé à entendre des craquements autour de la quille. Des craquements que j'avais déjà entendus, car ça m'était déjà arrivé d'avoir des petites frictions de carbone entre la coque et la quille. Je me suis dit "tiens ça frotte un peu, ce n'est pas très grave." Mais au fur et à mesure, le bruit s'est amplifié. J'ai commencé à me poser des questions, à réfléchir à ce qui avait pu arriver. J'ai commencé à consulter. (…). Nous n'étions pas super inquiets, mais pas sereins non plus, car ce n'est pas un endroit accessible dans le bateau. Sans enlever la quille, on ne peut pas constater exactement ce qui s'est passé. Ma démarche a été de dire : "je continue. Soit c'est un petit déplacement de la quille et le carbone va s'user sous le fond de coque et le bruit va petit à petit s'atténuer. Soit c'est plus grave et forcément le palier est endommagé et le bruit va augmenter." J'ai continué à naviguer pendant 24 heures. Mais le bruit n'a fait qu'augmenter jusqu'à hier en fin de journée où j'ai commencé à entendre des bruits métalliques en plus des bruits de carbone. J'ai compris que le palier était endommagé et que l'axe commençait à toucher la cage du palier. (…)
J'ai contacté les gens qui ont travaillé sur ce bateau. Ils ont essayé d'imaginer ce qui pouvait se passer. Ils m'ont amené à la même décision : à court terme, ce n'était pas risqué, car les pièces sont largement dimensionnées, mais assez vite, cette friction métal sur métal risquait des dégâts plus graves. C'est compliqué de s'engager sur un tour du monde avec une avarie comme celle-là.
Ce matin, le temps s'est calmé après le passage du front. J'ai pu ouvrir le puits de quille et mettre les mains à l'intérieur. J'ai pu constater que la quille bougeait. Au niveau du palier avant, le trou est plus grand que l'axe de la quille. Cela a fini par confirmer mes craintes sur l'endommagement de ce palier.
Je ne sais pas quoi penser. Cette avarie est survenue à peu près au même moment que l'avarie d'il y a quatre ans. Quand je suis passé devant Salvador il y a quelques jours, j'ai passé ma nuit à y penser. Comme j'avais passé Salvador, je me suis dit, c'est bon, nous avons chassé nos démons. Et en fait comme il y a quatre ans, à la même place, 14 jours après le départ, on a une collision avec des incidences irréparables. C'est dur !
Le plus simple pour moi est de faire route vers l'Afrique du Sud, Cap Town. Je suis en train de regarder si je peux trouver là-bas tout ce qu'il faut. On s'organise avec l'équipe. Je pense à tous ceux qui m'accompagnent et qui me suivent depuis le début. Je sais qu'il y avait beaucoup de monde derrière. Je pense très fort à eux. Je suis déçu par ce qui m'arrive, mais je suis aussi déçu pour eux."