Ce sera votre 4e participation au Vendée Globe, et vous l'avez déjà gagné une fois, qu'est-ce qui vous donne l'envie d'y retourner ?
Parce qu'on aime ça et que c'est un sport professionnel. Comme tous les autres sports professionnels, aujourd'hui c'est structuré. C'est l'aventure, mais plus dans la manière de le faire et de le préparer. Forcément quand on aime ça, on y retourne. C'est comme beaucoup d'athlètes qui retournent faire des compétitions majeures. Nous aujourd'hui c'est un peu la même chose.
L'objectif c'est clairement de gagner, encore une fois ?
Oui, c'est un de mes objectifs. Mon premier objectif c'est de réussi à finir parce que ce n'est jamais simple. C'est une longue route, une grande aventure, une grosse compétition. Maintenant l'objectif c'est de finir le mieux classé possible, de préférence devant.
Vous faites figure de favoris sur cette 8e édition, est-ce que ça ne vous met pas une pression supplémentaire ?
Non, car il y a très peu de gens qui ont eu la chance de gagner cette course-là et j'en fais partie. Donc c'est même plutôt de nature à me détendre qu'à me mettre la pression. Au final, avec moi il y a des gens qui ont commencé à faire le Vendée Globe il y a plus de 10 ans et qui n'ont jamais réussi à récupérer la victoire et qui aujourd'hui, font partie des favoris. Pour eux, c'est forcément dur. Pour moi, je l'ai déjà fait une fois et si je le refais une deuxième fois c'est bonus. Clairement, ce n'est pas une pression supplémentaire.
Est-ce que c'est un plus d'avoir déjà remporté le Vendée Globe une fois ?
C'est une chance, maintenant ce n'est pas tout. Il ne faut pas compter que là-dessus. À chaque fois qu'on reprend le départ d'une course, tout reste à faire. Les compteurs sont remis à zéro, il ne faut pas s'endormir parce qu'on a déjà réussi à le faire et à gagner. À chaque fois, c'est un nouveau défi et ce n'est pas simple ce qui nous attend. Il faut mettre toute notre énergie, toutes nos compétences et toute notre expérience au service de cette aventure qu'on a souhaité pour réussir à aller au bout de notre projet. Et Dieu sait s'il faut de l'énergie pour y arriver.
Vous avez choisi de ne pas équiper PRB de foils, pourquoi ?
Parce qu'on disposait d'un des meilleurs bateaux, voir du meilleur bateau de la flotte quand on a lancé ce projet. Et on a fait le choix de le garder. Ne pas mettre de foils était assez naturel, dans le sens où ce n'est pas quelque chose de magique. C'est une solution d'avenir qui est en cours de développement. Mais aujourd'hui, elle n'amène pas plus de chances de réussite sur un Vendée Globe, que des bateaux à dérives comme les nôtres. On ne voyait pas l'intérêt d'investir et de prendre des risques en changeant la configuration du bateau alors qu'on disposait déjà d'un bateau performant et fiable.
Maintenant, nos confrères qui ont fait des bateaux neufs ont fait des choix tout à fait logiques par rapport aux foils. C'est une solution d'avenir. Quand on construit un bateau pour une course ou pour la suite, on va forcément vers la solution du futur qui innove. Dans le temps imparti, ça ne semblait pas indispensable d'avoir un bateau à foils pour gagner donc on a fait ce choix de garder notre ancien bateau.
Comment vous êtes vous préparé pour ce Vendée Globe ?
Il faut bien faire un maximum de choses. J'ai pris la décision de repartir depuis presque 2 ans et je mets toute mon énergie autour de ce projet. J'ai participé à toutes les courses du championnat IMOCA, y compris les deux transats qui ont eu lieu au printemps 2016. On a fait un aller-retour aux États-Unis avec la Transat anglaise en solitaire et la New-York-Vendée.
Je fais partie du collectif du Pôle France de Port-La-Forêt et j'ai participé à tous les stages d'entrainements depuis 2 ans avec mes confrères. J'ai continué à m'entrainer tout seul et à développer mon bateau. Même s'il n'a pas eu de foils, il y a des développements sur PRB qui font qu'il est plus performant qu'il y a un an. C'est l'ensemble de tout ça qui fait qu'on se prépare à faire un Vendée Globe. C'est plein de petites choses qui font qu'on continue d'augmenter notre niveau de performance et de compétences. C'est à ça qu'on s'attèle tous les jours quand on prépare un projet comme le Vendée.
Quelle est votre plus grosse appréhension sur ce tour du monde ?
C'est clairement de ne pas réussir à finir : casse, soucis techniques, faute… Il y a plusieurs raisons qui font qu'on ne finit pas un Vendée Globe. On peut casser du matériel, entrer en collision avec des objets, des bateaux… Il y a pas mal de risques sur l'eau qui sont compliqués à gérer parce qu'on ne peut pas assurer une veille permanente.
Il y a aussi l'erreur que l'on peut faire en manœuvrant, et donc casser son bateau et ne pas terminer la course. Donc, ça, c'est notre appréhension première, clairement.
Comment on gère l'éloignement familial pendant 3 mois environ ?
On fait au mieux, comme beaucoup de choses. On prend des nouvelles, on garde des contacts, on s'intéresse à ce qui se passe chez nous. Pour ma part, j'ai la chance d'avoir une famille qui m'a toujours connu marin donc ça fait aussi partie de leur vie. Du coup, c'est plus simple parce qu'ils ont l'habitude. Régulièrement, tous les ans, ils me voient partir au large sur des courses et c'est un peu dans notre normalité familiale. Je pense que ça aide beaucoup.
Maintenant, il faut s'intéresser un peu à eux quand on est en mer. Il ne faut pas être purement égoïste. Il faut essayer de partager le truc et de s'intéresser à ce qu'il se passe chez nous, quand on est sur les océans.
Amenez-vous un objet insolite ? Lequel ?
Non, rien de spécial en dehors d'un album de photos de famille.
Quelles sont vos conditions de vie ? Avec les banques d'images, on peut voir que vous prenez des paquets de mer, c'est le cas tout le temps ?
Il y a des moments où on sèche et les bateaux sont très protégés. Au final les bateaux sont sous l'eau, mais dans nos cockpits on n'est pas trempés, on est à l'abri. Par contre, dès qu'on sort, dès qu'on bouge, on est trempé, mais il faut du bon matériel (ciré, etc.). Il y a des jours où l'on passe beaucoup de temps dehors et on baigne, mais dans l'ensemble, on est beaucoup mieux protégé qu'on pouvait l'être avant.
Avez-vous des coups de blues et qu'est-ce qu'on emmène pour se remonter le moral sur le Vendée Globe ?
Le moral est lié beaucoup à la fatigue. Si aujourd'hui on a un moral qui fluctue beaucoup pendant les courses, c'est qu'on est fatigué. La fatigue est souvent un accélérateur d'émotion. On aime souvent dire qu'en mer on peut passer du rire aux larmes en quelques minutes. Donc quand on a un coup de blues, ce n'est pas forcément qu'on a un coup au moral. C'est qu'on est fatigué et qu'à un moment les émotions sont un peu accélérées par cette fatigue.
La meilleure recette c'est d'essayer de se préserver un peu et de bien dormir pour retrouver la forme et le moral qui va avec. C'est tout le temps lié. Les baisses de régime et de moral sont liées à de la fatigue uniquement.
Comment on s'organise pour dormir ?
Sur 3 mois de course, on dort c'est sur ! On est comme tout le monde, on a besoin de se reposer. On dort différemment des terriens c'est tout ! Environ 5/6 heures par jour par 24 heures en moyenne. Un rythme avec beaucoup d'irrégularités. On dort des fois deux heures d'affilée.
On n'est pas en train de faire la Solitaire du Figaro, où trois jours après on est à terre et qu'on tient 3 jours en dormant un coup 5 minutes, un coup un quart d'heure et un coup 20 minutes. On parle de 3 mois ! Il faut du vrai repos, du vrai sommeil. Et le sommeil et notre état physique sont un enjeu sur la réussite de notre projet. Bien dormir sur le Vendée Globe c'est une obligation. Si on ne le respecte pas, on n'a aucune chance de réussir.
Combien vous prévoyez de journées de nourriture ? Est-ce que vous amenez un truc spécifique que vous adorez ?
On amène ce qu'il faut. Je dois avoir en théorie 80 et quelques jours de nourriture et 100 jours en pratique, en cas de problèmes. La nourriture ça ne représente pas beaucoup au final dans notre affaire. Ça représente entre 100 et 150 kilos sur un bateau qui va quitter le port des Sables en faisant pas loin de 8 tonnes. En plus c'est du poids mobile.
J'amène ce qu'il faut pour faire fonctionner l'organisme. Ce n'est pas en faisant du bateau qu'on se fait plaisir en mangeant. C'est sûr qu'on n'a pas de nourriture fraiche, donc forcément on mange que de la conserve ou du déshydraté. Aujourd'hui, les plats sont très corrects, mais de là à se dire qu'on va se faire des petits plaisirs en mangeant, c'est un peu déplacé. Ce n'est ni le lieu ni l'endroit. On mange correctement, on n'est pas malheureux, mais par rapport à ce qu'on peut faire à terre, c'est sûr que ça ne vaut pas un bon resto !
Est-ce qu'il y a des moments de détente et comment on les occupe ?
On essaye d'être concentré, mais de temps en temps, quand les conditions sont stables, et qu'il y a peu d'enjeux dans la navigation, ça vaut le coup de s'aménager des petites périodes où on lâche prise sur la course et on se détend. C'est sûr que partir avec quelques bons bouquins et un peu de musique pour se vider la tête c'est pas mal. Ça fait partie du truc.
Maintenant faut savoir qu'on arrive rarement à en profiter. Mais de temps en temps, si on peut le faire, c'est dommage de ne pas pouvoir le faire. C'est une manière de se ressourcer, de remettre en route la motivation et d'essayer d'être meilleur au final sur l'ensemble.
Je pense qu'il faut le faire, mais ce n'est pas évident. Aujourd'hui, ça va très très vite et il faut savoir saisir les instants où l'on peut se déconcentrer, même s'il n'y en a pas beaucoup. Mais on le fait quand même et il faut le faire pour avoir un peu de fraicheur.
Est-ce que vous avez le mal de mer et comment vous le gérez ?
Je ne l'ai pas et je ne l'ai jamais eu. Ce n'est pas le cas de tous mes confrères. Nombreux sont ceux qui ont le mal de mer. C'est un avantage !
C'est surtout au départ parce qu'on s'amarine très vite ! Quand on a le mal de mer, c'est les premiers jours. Mais déjà, le début de course est compliqué avec le départ d'Europe. On quitte la terre, il faut prendre son rythme de marin… Il y a plein de choses assez violentes et compliquées à gérer alors le mal de mer c'est une couche supplémentaire.
Vous avez aussi des obligations de communication en mer ? Comment vous les gérer ?
C'est à l'arrache, ça passe en dernier ! C'est une couche en plus de trucs à faire dans la journée. C'est intéressant de le faire quand il y a des choses à raconter. Il faut que ce soit utile.