Du rêve à la réalité
En plus d'Abraham Lincoln Salomon, Lucy Duff-Gordon, une créatrice de mode de premier plan et sa sœur, la romancière osée, Elinor Glyn, son mari, Cosmo Duff-Gordon, et sa secrétaire Mabel Francatelli, étaient les passagers du canot de sauvetage n° 1.
Décrivant la catastrophe qui se déroulait sous leurs yeux, Lucy Duff-Gordon expliqua "J'étais au lit depuis au moins une heure, les lumières étaient toutes éteintes, quand j'ai été réveillé par un drôle de grondement. Ce n'était comparable à rien de ce que j'avais pu entendre avant. C'était comme si une main géante jouait aux boules, les roulant le long du bateau. Puis, le bateau s'est arrêté et immédiatement, il y a eu un bruit effrayant et des échappements de vapeur, et j'ai entendu les gens courir devant ma cabine, mais ils étaient riaient et étaient joyeux." (Titanic Voices : 63 Survivors Tell Their Extraordinary Stories, Holman 63 survivants racontent leur extraordinaire histoire).
Lorsque sa secrétaire Mabel Francatelli a remarqué que l'eau s'infiltrait dans sa cabine, sur le pont E, elle est allée à l'étage, prévenir son employeur. "Un homme est venu vers moi et m'a mis un gilet de sauvetage, en me disant qu'il ne faisait que prendre des précautions et de ne pas s'alarmer… Quand nous sommes arrivés sur le pont supérieur, les canots de sauvetage étaient abaissés à tribord. Je remarquai alors que la mer était plus proche de nous que pendant cette journée et j'ai dit à Sir Cosmo Duff-Gordon, "Nous sommes en train de couler" et il a dit "Bêtise, venez !" (D'après la déclaration sous serment de Francatelli donné à l'enquête britannique, cité dans l'Encyclopédie Titanica.)
Des passagers prêts à tout pour se sauver
Cependant, la réalité de la situation est devenue claire pour les Duff-Gordon et Francatelli. Selon le récit de Lucy Duff-Gordon "À bâbord se déroulait une scène d'une horreur indescriptible. Bateaux après bateaux furent baissés dans le vacarme des passagers courant, se battant pour avoir une place à bord, se déchirant les uns les autres, piétinant sous leurs pieds, femmes et enfants. Les Lascars [marins d'Asie du Sud] sur le pont d'en dessous, étaient pris d'un accès de folie furieuse et luttaient comme des diables autour des bateaux restants. Tandis que nous étions debout là, les gens se sont précipités sur nous dans une foule irréfléchie, pour aller n'importe où, loin de l'enfer de cette lutte, des hurlements de foule et il y eut des cris perçants en provenance d'un bateau, trop rapidement lancé, dont les occupants furent tués dans les noires profondeurs de l'eau". "Nous allons faire le tour côté tribord", s'est exprimé Cosmo. "Ce sera peut-être mieux là-bas. Ça ne peut pas être pire."
"C'était mieux, car même s'il y avait foule, il n'y avait pas de confusion. Les canots de sauvetage se sont tranquillement, remplis de femmes, tandis que les officiers et les passagers de sexe masculin l'aident à les lancer" (op. Cit Holman). Lucy Duff-Gordon refusa d'abandonner son mari sur le Titanic. "Tout à coup, nous avons vu que tout le monde dans le voisinage s'était dispersé, excepté quelques marins, qui mettaient à l'eau un petit bateau. Nous avons découvert ensuite qu'il ne s'agissait pas d'un canot de sauvetage, mais plutôt du bateau d'urgence du capitaine". Les membres d'équipage, dont beaucoup étaient des pompiers ou des "stockers" ont invité plusieurs passagers, y compris Francatelli et Duff-Gordon, à se joindre à eux dans le bateau.
Les riches privilégiés
Aux environs d'une heure du matin, les Duff-Gordons, Francatelli, "et les deux Américains dont nous avons découvert qu'ils s'appelaient Mr Stengel et Mr Salomon" avaient rejoint les sept membres d'équipage dans le canot de sauvetage n°1, d'une capacité de 40 personnes, basculée le long du côté tribord du Titanic, prêt à toucher l'eau rapidement. Ne voyant pas d'autres passagers sur le côté tribord du pont, le bateau a été mis à l'eau avec seulement 12 passagers, à environ 1 h 15. Il fut le quatrième canot de sauvetage mis à l'eau et les passagers ramèrent loin du paquebot en perdition et décidèrent de ne pas retourner secourir les passagers impuissants dans l'eau glacée, ce qui devint plus tard, un sujet de controverse.
Depuis le canot de sauvetage, le petit groupe regarda, sous le choc, aux environs de 2 heures du matin, le Titanic se fissurer en deux et plonger dans l'eau noire. Selon le témoignage ultérieur du pompier du Titanic, Robert Pusey, sur le canot de sauvetage Lady Duff-Gordon faisait des remarques sur la perte de la chemise de nuit de Francatelli, encourageant ainsi Pusey à se plaindre, que lui et ses marins, avaient non seulement perdu leurs affaires, mais leurs salaires aussi, lorsque le navire avait coulé. Sir Duff-Gordon promis à l'équipage un mois "un billet de cinq livres chacun pour commencer un nouveau kit", une fois l'embarcation de sauvetage en sécurité. (Testimony of Robert W. Pusey," British Wreck Commissioner's Inquiry: Day 11, Titanic Inquiry Project).
Aux alentours de 4 h 10 du matin, ils ont été secourus par le Carpathia et le jour suivant, Duff-Gordon a tenu parole et a autorisé Francatelli à donner à chaque membre d'équipage du canot de sauvetage n° 1 un chèque de 5 $. Malheureusement, ce geste fut mal interprété par les journalistes qui expliquèrent que c'était une récompense pour avoir ramé loin du Titanic, sans sauver aucun autre passager, par crainte d'être submergé. La presse surnomma bientôt le canot de sauvetage n° 1 comme le "Bateau de l'argent" et le "Bateau des millionnaires"