Un Vendée Globe en entraîne un autre…
En 2012-2013, Armel Le Cléac'h loupe de quelques heures la victoire du Vendée. L'heure est alors à l'analyse et au débriefing… Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ? "Nous avions frôlé la victoire à trois heures près avec un bateau certes abouti, mais dessiné par un autre (Michel Desjoyeaux ndlr), et l'idée de partir d'une page blanche pour créer un voilier au maximum des connaissances technologiques du moment, et parfait reflet des aspirations de notre skipper, nous a tout de suite séduits" explique Chantal Petrachi, Directrice de la communication de Banque Populaire. D'autant qu'Armel a vraiment envie d'y retourner. "L'absence de victoire donnait à tout le monde envie d'y retourner, cette fois avec notre bateau. J'ai digéré le Vendée Globe, me suis projeté 4 ans plus tard, ai considéré la mesure du challenge, et tout le monde a voulu y retourner à 100 % ", explique Armel. "L'envie de gagner et la joie de pouvoir faire un bateau à ma main ont été deux critères décisifs. On a lancé les études, les premiers contacts. Construire était la meilleure solution, puisqu'on avait déjà fait un Vendée Globe avec un bateau acheté, c'était motivant !"
Faire construire un bateau innovant
Alors que tout le Team Banque Populaire s'affaire sur la préparation du maxi trimaran solo Banque Populaire VII, il commence néanmoins à penser à la création du nouvel IMOCA. Il sonde les architectes internationaux, dans le but de s'offrir la qualité et l'innovation et le choix se porte très vite sur Guillaume Verdier et Vincent Prévost. "La situation était complexe car la jauge n'était pas encore établie" explique Vincent. "On a débroussaillé le terrain avec le Team Banque Populaire et le Team Safran pour anticiper. Dès que la jauge est sortie en décembre 2013, on était en mesure de présenter les premiers plans de forme en février 2014, avec une vision claire de la règle. Cette jauge un peu plus restrictive a été faite pour donner de la fiabilité aux bateaux en établissant des critères de sécurité pour les quilles, l'hydraulique et les mâts. On conserve une grande liberté de conception sur les carènes et les appendices, et on fiabilise les deux talons d'Achille, mât et quille" commente-t-il.
Armel Le Cléac'h explique comment, dès le lendemain de son arrivée du Vendée Globe, ils ont pu poser les grandes lignes du projet. "Après un débrief du Vendée Globe à chaud afin de ne rien oublier, on a pu proposer aux architectes un cahier des charges très précis avec les points positifs et négatifs de mon expérience, et tout ce qu'on devait améliorer.
On avait une histoire avec Verdier VPLP, et on l'a mis en concurrence avec d'autres, comme le cabinet Farr, et rapidement on est parti avec VPLP Verdier pour leur compétence et leur proximité, car on a besoin d'eux au quotidien. Leurs bateaux sont performants et en constante évolution. La volonté de Banque Populaire était de faire travailler un chantier français, des artisans français, et on a opté pour CDK. Et on profite là encore de l'avantage de la proximité.
On s'est rapproché de Safran pour mutualiser certaines choses, comme les outillages et le moule de coque. Les architectes nous ont présenté les évolutions de carène et les points de nouveauté sur lesquels ils travaillaient. Le moule a débuté il y a un an, soit 8 mois après le début du lancement du projet."
Un IMOCA dédié au Vendée Globe
Le Banque Populaire VIII offrira une étrave plus volumineuse, une carène puissante avec un gros couple de redressement de par la forme et la progression du volume. Côté innovation, il suivra la tendance des foils. "La grande innovation est l'arrivée de ces plans porteurs. Les architectes nous ont proposé ces plans issus de leur expérience de la Coupe de l'America et de l'évolution de la voile en général, où les foils apparaissent partout. L'idée était d'utiliser ces nouvelles technologies pour soulager la coque à certaines vitesses, soulager et accélérer.
On a beaucoup travaillé avec le bureau d'étude et les designers, et tout le Team Banque Populaire. C'est un pari, une nouveauté majeure, très théorique au départ. On a décidé avec le Team de l'expérimenter. On a loué pour cela le Mini 6,50 N°198 de Sébastien Picot, sur lequel on a intégré trois dérives, une classique et deux à plans porteurs, pour réaliser une campagne d'essais à partir de juillet 2014, sous la supervision de Bertrand Pacé, afin de répondre à nos interrogations. C'était passionnant. La mise au point a été compliquée, et après de nombreuses évolutions, on a eu de bonnes surprises. On a choisi une des deux options proposées par les "archis". On a remis les plans en décembre dernier pour la mise en construction."
"Quand on bascule la quille au vent, le voile de quille génère la portance du bateau, et pour contrecarrer la gîte, on fait intervenir des foils qui compensent la perte de puissance. On rétablit la puissance en générant de la poussée verticale. Le bateau fonctionne ainsi sur un mode plus aérien que les générations précédentes. Cela devra correspondre à des forces et angles de vent précis, que l'on rencontre assez souvent sur un Vendée Globe, et le résultat est un gain conséquent de vitesse de plusieurs nœuds. Le bateau ne sera pas plus puissant mais il naviguera de manière plus légère, avec moins de surface mouillée car sustentée par ces fameux appendices", poursuit Vincent Lauriot-Prévost.
L''ergonomie du bateau a fait l'objet de nombreuses recherches, tant au niveau du cockpit que de l'espace de vie. "Je souhaite un cockpit protégé, et un bateau le plus sec possible car ces bateaux sont très humides, et sujets aux embruns et aux paquets de mer. Lors d'un tour du monde, il importe de pouvoir manœuvrer de manière protégée par une casquette coulissante, avec un poste de barre ergonomique et une bonne position offrant une bonne vision. Pouvoir barrer longtemps peut faire la différence malgré les performances des pilotes automatiques, comme on l'a vu sur le final du Vendée Globe 2 013" explique le skipper.
"J'ai beaucoup rogné sur le confort intérieur. Il faut gagner en légèreté dans l'espace de vie. Il faut aussi favoriser le matossage du matériel de manière simple. On reprend les choses validées sur l'ancien bateau. On optimise l'électronique et l'informatique, tous les postes intérieurs, les systèmes d'énergie… On essaie des nouveautés, comme un nouveau concept de taquets, en sachant que dans un an, on pourra revenir sur nos décisions d'aujourd'hui… Notre timing est cohérent pour pouvoir naviguer très tôt, en course et en test" termine Armel Le Cléac'h.