Gréement jonque, les évolutions récentes et l'avenir pour la voile moderne

Peu de voilier navigue aujourd'hui avec des gréements de jonque. Et pourtant ces derniers montrent tout les avantages de ce type de voilure, notamment pour son utilisation simple en grande croisière. Alors le gréement jonque est-il l'avenir du gréement bermudien ?

La construction amateur

Dans l'offre de voilier actuel, le gréement de jonque est devenu confidentiel, réservé aux constructeurs amateurs avertis. Et dans le domaine de la construction amateur, il propose tout de même des arguments de poids : économie, simplicité de construction et d'entretien... beaucoup de voiles de jonques sont cousues sur la table de la salle à manger !

S'il est plutôt utilisé en grande croisière, on trouve bon nombre de petites unités utilisant ce gréement avec bonheur. L'option de gréer en jonque les bateaux, souvent achetés à bas prix et restaurés, est séduisante par sa simplicité de construction et son coût réduit.

De nouveaux développements pour aider au près

Afin de tendre à résoudre le problème des performances au près, les constructeurs amateurs ont progressivement expérimenté plusieurs méthodes. Le temps a passé depuis le concept de voile plate décrit dans la fameuse bible "Practical Junk Rig". Pour naviguer au près, il fallait mettre du creux dans les voiles.

La formidable simplicité du gréement de jonque a facilité la mise en œuvre de solutions dont certaines se sont avérées prometteuses :

  • L'introduction des lattes articulées. Les lattes se courbent quand la voile est gonflée, lui donnant de la cambrure. La cambrure reste constante, quel que soit le vent. La performance au près est améliorée.
  • Le développement des panneaux cambrés, initié par le norvégien Arne Kverneland. Chaque panneau de la voile est taillé selon une forme "barrel cut" (coupe barrique), qui leur induit un profil cambré quand la voile est assemblée. C'est, à ce jour, la solution la plus souvent adoptée et les résultats sont probants.
  • La voile fractionnée (split junk rig), imaginée et mise en œuvre par l'anglais Slieve Mc Galliard. La partie de la voile en avant du mât n'est pas solidaire de la partie arrière, induisant ainsi un effet de fente. Les panneaux sont également coupés en "barrel cut" pour leur donner du creux.

En conclusion, pour répondre à l'éternelle question : "Est-ce que ça remonte au près ?", on peut aujourd'hui répondre que c'est plutôt la forme de la coque et le poids du bateau qui vont déterminer ce critère. Le réglage des voiles jouant aussi son rôle, la facilité de réglage du gréement de jonque sera un paramètre important dans la comparaison avec d'autres types de gréements.

Il est tellement facile de remonter un estuaire ou un chenal à la voile avec un gréement de jonque que les jonquistes utilisent cette boutade : "Au près, un bateau gréé en jonque est doublé par des bateaux bermudiens… AU MOTEUR !"

Alors, le gréement idéal ?

Ce sera à chacun de se faire son opinion, en fonction de ses besoins et de son programme de navigation. Économique, facile à manipuler, rassurant, performant, le gréement de jonque souffre d'un manque de reconnaissance dans le milieu de la voile. La focalisation de l'industrie sur le gréement bermudien l'a relégué aux oubliettes.

Très peu représenté dans la sphère de la régate, il n'a pas bénéficié des avancées techniques ni de la médiatisation issue de la compétition. On peut néanmoins citer le X99 "Marie G" d'un norvégien qui a été transformé en gréement de jonque. À plus de 75 ans, il régatait régulièrement en solitaire, dans son Fjord, contre des gréements bermudiens. Seuls les bateaux utilisant leur spi arrivaient à le battre. D'après lui : "Personne dans mon fjord ne dit qu'un bateau gréé en jonque ne marche pas au près !".

Sauf pour les régatiers purs et durs, bloqué par l'absence de jauge, le gréement de jonque pourrait être la solution idéale pour une grande part des plaisanciers. Ne requérant ni effort physique ni agilité, se manipulant depuis le cockpit, il est par ailleurs particulièrement adapté pour les navigateurs "aux cheveux blancs".

Situation actuelle : la disparition de l'offre industrielle

La multiplicité des régates et des courses au large a boosté la recherche et le développement en faveur du gréement bermudien, les jauges de handicap des courses ne connaissant quasiment que ce dernier. Porté par la vague des innovations techniques, celui-ci a sans cesse bénéficié d'importantes avancées : matériaux, voiles, accastillage, gréement...

La médiatisation de la compétition a conditionné le marché. Pour séduire un public focalisé sur la vitesse, il fallait des bateaux ressemblant aux bateaux de course, affichant les mêmes progrès technologiques. Le public voulait du rêve, les chantiers ont vendu du rêve et l'industrie s'est concentrée sur la norme du gréement bermudien.

Devenue complètement hors norme, la production de voiliers industriels gréés en jonque a été abandonnée. Malgré cette absence d'offre, on croise régulièrement des bateaux gréés en jonque dans les ports ou en navigation. Mais en l'absence d'une offre commerciale, la production de bateaux gréés en jonque reste très confidentielle.

Aucune école de voile n'assure la formation au maniement du gréement de jonque. Aucun chantier ne le propose, même pas en option. Il n'existe à l'heure actuelle en Europe que deux fabricants de voiles possédant cette compétence (en Angleterre et Allemagne). En Europe Il n'existe pas de fabricant proposant des mâts adaptés au gréement de jonque. Les mâts sont des constructions locales en bois ou construits à partir de tube d'alliage d'aluminium, ou mixte aluminium et bois.

On rencontre cependant des gréements de jonque un peu partout dans le monde. Sur le continent européen, c'est en Grande-Bretagne que la flotte est la plus fournie, mais des aficionados existent dans le monde entier. La simplicité de maniement, la versatilité du gréement, la facilité des réparations font qu'une part significative des bateaux de grande croisière, mono et multicoques, sont gréés en jonque.

Modification d'un bateau en gréement de jonque

En construction amateur, on voit quelques bateaux initialement conçus pour un gréement bermudien, être transformés pour recevoir un gréement de jonque. La plus grande modification concerne le mât et son emplacement.

En raison de la nécessité d'avoir un mât autoporté, la réutilisation du mât d'origine n'est pas envisageable. Le mât devra être plus résistant, d'un diamètre plus important, avec une certaine conicité afin de limiter le poids dans les hauts. La construction d'un mât en bois est très bien détaillée dans le "Practical Junk Rig", mais il n'est pas rare qu'on utilise des tubes de lampadaire en aluminium ou des mâts de pavillons. Il devra être positionné plus en avant, comme sur un cat-boat, et traverser le pont pour être implanté sur le fond de la coque. Un renforcement du pont à cet endroit sera nécessaire. Ce nouvel emplacement aura un impact sur l'aménagement intérieur de la cabine avant.

Le dessin et la fabrication de la voile sont souvent réalisés par les amateurs, avec une bonne machine à coudre et l'énorme support technique mis à disposition par la Junk Rig Association (la JRA, Association des gréements de jonques qui a son site internet). Ce site web fournit un tutoriel de fabrication de plusieurs types de voiles, expliquant en détail leur positionnement et leur géométrie, la hauteur et les caractéristiques mécaniques du mât.

La Junk Rig Association est aujourd'hui une institution très active, disposant d'une abondante base de connaissances et d'une communauté de passionnés toujours prompts à échanger sur le gréement de jonque. Elle organise régulièrement des rassemblements de ce type de bateaux.

Alors, le gréement de jonque ?

La meilleure façon de le découvrir est de le tester en navigation. Attention, le gréement de jonque est addictif : l'essayer, c'est l'adopter… Et en plus, c'est joli !

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