Qu'est-ce qui caractérise une voile de jonque ? Comment marche ce gréement ?


Une voile de jonque, comment ça marche ? Explications de ce gréement qui à première vue semble complexe, mais qui se révèle d'une utilisation enfantine. Un gréement qui passionne encore une partie de navigateurs au large.

Caractéristiques d'une voile de jonque

  • Le ou les mâts sont autoportés
    Contrairement au gréement bermudien qui est fortement haubané avec des efforts en compression énormes sur le mât et le gréement dormant, les mâts de gréement de jonque sont autoportés et fonctionnent comme des cannes à pêche ou des mâts de Laser ou de cat-boat. Le mât travaille en flexion et amortit les chocs ou les rafales. La voile n'est pas bloquée par les haubans et peut être largement débordée aux allures portantes.
  • C'est une voile au tiers
    La voile est suspendue à une vergue qui déborde devant le mât. Le rocambeau est remplacé par une manœuvre courante appelée cravate qui permet de ramener la vergue vers le mât.
  • C'est une voile entièrement lattée
    La voile est divisée en panneaux indépendants tenus par des lattes. Chaque latte est solidarisée au mât par un erseau de latte. Les efforts sur la voile sont directement transmis au mât par les erseaux de lattes.
  • Chaque latte est reliée au système d'écoute
    Contrairement à un gréement bermudien, la bôme ne joue pas de rôle particulier, ce n'est qu'une latte parmi les autres. Chaque latte est reliée au système d'écoute soit directement, soit par un système de pantoire, plus ou moins complexe reliant plusieurs lattes. Les efforts sont répartis tout le long de la chute et le vrillage de la voile est parfaitement contrôlé. Les efforts sur la voile sont répartis entre les différents panneaux.
  • La toile et les lattes sont retenues dans des Lazy Jacks
    Les Lazy Jacks, qui sont devenus une norme sur les gréements bermudiens, sont issus du gréement de jonque où ils sont utilisés depuis des centaines d'années. Lorsque l'on réduit la voile ou lorsqu'on l'affale, la toile, tenue par les lattes, se range d'elle-même dans les Lazy Jacks.

Mais quels sont les avantages du gréement de jonque ?

  • C'est un gréement facile et rassurant.
    La voile comporte souvent 5 à 7 lattes, chacune d'elles dotée d'une écoute, reliée aux autres par un réseau qui les ramène à une seule écoute dans le cockpit. La tension est ainsi répartie sur l'ensemble de la voile. La tenue de la chute est maintenue pendant les virements de bord comme pendant les empannages. Il n'y a aucun faseyement, la voile ne bat pas dans le vent et change d'amure en douceur.
    Le centre de voilure étant bas, un voilier gréé en jonque ne gîte pas beaucoup, on réduit avant d'avoir le liston dans l'eau.
  • Des manœuvres aussi simples que sur un Optimist.
    Comme il n'y a pas de voile d'avant et pas de gréement dormant, les manœuvres se passent aussi simplement que sur un Optimist.
    Pour virer vent debout, on pousse la barre et on attend que la voile prenne sur l'autre bord.
    Pour empanner, on tire la barre, la voile vient sous la fausse panne et comme la chute est tenue tout du long, la voile va passer d'un seul coup, une fois franchement sous la fausse panne, pour se retrouver quasiment déventée au vent de travers sous l'autre amure. Il n'y a plus qu'à abattre sous la nouvelle amure pour reprendre la route.
  • L'absence d'efforts.
    La multiplicité des écoutes et des lattes distribue les efforts sur l'ensemble de la voile, qui n'a ainsi jamais l'air de "forcer". Le guindant et la chute ne sont pas tendus. Une voile de jonque travaille toujours en douceur. Le gréement autoporté travaille en flexion, comme une canne à pêche.
  • L'adaptation de la voilure est instantanée.
    Quand le vent forcit, la prise de ris consiste simplement à larguer la drisse, pour affaler un ou plusieurs panneaux de voile dans les lazy-jacks. Chaque panneau est délimité par une latte ; une voile à 5 lattes a donc 5 prises de ris possible. Il n'est même pas nécessaire de réduire par panneaux entiers. Une fois la voilure réduite, il reste à reprendre le réglage d'écoute en reprenant le mou. Ensuite, mais sans précipitation, on reprend la cravate pour ramener la vergue vers le mât.
    Quand le vent diminue, l'opération inverse est tout aussi simple. On largue la cravate et on choque un peu l'écoute. On reprend la drisse, l'écoute et la cravate, et le tour est joué ! L'une ou l'autre de ces manœuvres prend en général largement moins d'une minute. Cerise sur le gâteau : tout ça se fait depuis le cockpit, sans même changer de cap !
    Cette facilité de réduire ou d'envoyer de la toile implique que l'on a toujours la surface de voile adaptée aux conditions du moment. On passe en quelques secondes de la puissance d'un spi à la sécurité d'une voile de tempête. On n'a plus à réduire la toile préventivement ou à naviguer sous-toilé parce que le vent a faibli.
    On n'a plus à travailler la puissance de la voile avec la drisse, la bordure, l'écoute, la barre d'écoute, le cunningham… On se contente d'ajuster la surface de voile instantanément pour avoir la voile du temps.
    Lorsque l'on modifie un bateau gréé en Bermudien en jonque, on prend la surface de la grand-voile et du génois comme surface de référence. On la majore de 30% pour établir la surface de la voile de jonque : cela donne une marge de puissance pour le petit temps.
  • Longévité de la voile.
    Imaginez une déchirure sur la grand-voile d'un gréement bermudien. Elle rend immédiatement la voile inutilisable.
    Une voile de jonque étant divisée en plusieurs panneaux délimités par des lattes, une déchirure sur un panneau ne remet pas en cause le reste de la voile, qui continue à être exploitable. On a vu des jonques dont les voiles étaient en lambeaux, continuer cependant à naviguer.
    Lorsque vous avez une déchirure sur une voile de jonque, elle ne se propage pas. On se contente de faire un patch avec un bout d'Insigna (ou de Grey Tape) lors de la prochaine escale.
    Lorsque l'on casse une latte, il est extrêmement simple de la solidariser avec la latte du dessus ou du dessous ; on se retrouve alors avec un ris en permanence. On peut aussi brêler une attelle sur la latte en utilisant par exemple une gaffe.
  • Facilité de mise en œuvre.
    Ayant moins de contraintes à subir que les voiles bermudiennes, les voiles de jonque actuelles sont réalisées en tissu léger. Aujourd'hui les lattes sont la plupart du temps en aluminium sur les gros bateaux et en bois de petite section sur les plus petits. Les voiles ne sont pas endraillées dans un rail sur le mât, mais glissent librement le long de celui-ci. La légèreté de ces voiles et cette absence de frottement rendent l'usage des winches quasiment inutile.
    Le mât étant autoporté, oubliez haubans, galhaubans, barres de flèches, ridoirs et cadènes… et les démâtages associés à la rupture d'un de ces éléments. Tous les cordages sont textiles, les réglages sont simples à effectuer.
  • Un gréement économique.
    Comme il est dit ci-dessus, le mât autoporté ne nécessite aucun des coûteux accastillages qui accompagnent le haubanage. Il n'y a pas non plus besoin de winchs, d'enrouleur de génois, ni de plusieurs voiles d'avant.
    La voile, subissant des efforts moindres et pouvant rester exploitable même après avoir subi une déchirure, peut être réalisée en toile économique. Les toiles les plus souvent utilisées sont les toiles de store (type Sunbrella) qui sont appréciées pour leur résistance aux ultra-violets plus que pour leurs caractéristiques mécaniques. Les réparations ne sont jamais coûteuses.
    Un skipper désargenté a même réalisé une voile de jonque avec du tissu de protection anti mauvaise herbe pour espaces verts. Il a fait des lattes avec deux tasseaux de chaque côté de la toile vissés l'un dans l'autre. Le tout en une journée !
  • La puissance au portant.
    La facilité de prise de ris permet de porter en permanence une voile de grande surface. L'absence de haubans et de barres de flèches autorise la voile à être débordée jusqu'à 90° de l'axe du bateau par vent arrière, exploitant toute sa force et équivalant à la puissance d'un spi, sans les inconvénients liés à ce dernier.
  • Des performances même au près.
    Pour les initiés, le gréement de jonque a une réputation de performance limitée au près.
    C'est historiquement vrai, car la voile plate et les lattes souples donnent une voile peu puissante avec un creux très reculé. De plus, on retrouve la plupart du temps les gréements de jonque sur des bateaux de croisière très typés, lourds, avec peu de tirant d'eau, des quilles longues, voire des biquilles. Ces supports ne privilégient pas les performances au près.
    Même si des contre-exemples existent et qu'on sait aujourd'hui construire des gréements de jonque performants au près. Par contre, dès que l'on abat un peu, la surface de voile et le centre de voilure bas donnent un gréement surpuissant avec une gite modérée. Sur des carènes qui ne planent pas, on réduit, sans ralentir, lorsque la barre devient dure parce le bateau a atteint sa vitesse de carène et "bourre" dans sa vague d'étrave. Ce sont des bateaux qui restent très vivants au portant même par petit temps.
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