Préparation physique au Vendée Globe 2024 : du mental au physique pour les skippers

Sportifs de haut niveau, les coureurs au large font de plus en plus appel à un préparateur physique. Nous avons questionné Stéphane Eliot coach sportif free-lance au sein du pôle course au large de Lorient la Base depuis 2013 sur l'importance de sa mission pour une course comme le Vendée Globe.

Si les coureurs du Vendée Globe se doivent d'être de bons marins et de bons tacticiens, ils sont également des sportifs de haut niveau. Entre un sommeil morcelé et une alimentation lyophilisée, ils évoluent durant plusieurs semaines dans un milieu hostile. Leurs muscles vont compenser en permanence les mouvements du bateau et leurs sens seront perpétuellement en alerte. Les skippers doivent être capables de manœuvrer nuit et jour dans des conditions météo extrêmes, c'est pourquoi leur corps se doit d'être leur meilleur allier. C'est là qu'intervient Stéphane Eliot, coach et préparateur sportif au sein du pôle course au large de Lorient La Base.

Le Vendée Globe : une course autour du monde et au bout de soi-même

Toute compétition sportive demande un entraînement physique régulier et soutenu et c'est particulièrement vrai pour les coureurs du Vendée Globe dont les marins vont vivre à bord de voiliers faits pour aller de plus en plus en vite. La préparation physique orchestrée par un coach professionnel va leur permettre d'appréhender ces intenses semaines durant lesquelles ils ne pourront compter que sur eux-mêmes.

Ainsi, le coach sportif trouve naturellement sa place au sein de la team. Les entraînements sont autant d'occasions d'apprendre à tenir bon que de relâcher la pression. C'est un moment où il est important de sortir de sa zone de confort : challenger ses limites, c'est mieux les connaître pour mieux les repousser. Et Stéphane met toute son énergie à les y amener : "C'est crucial pour leur mental".

Préparer le marin autant que le bateau : une prise de conscience très récente

Fini (ou presque) le temps où il fallait réparer soi-même son bateau avec une pince multiprise dans une main, ponceuse dans l'autre et tournevis entre les dents jusqu'à la veille du départ. Révolue l'époque où le marin arrivait sur la ligne de départ déjà épuisé, parfois même malade d'avoir tout donné à son bateau sans avoir pris soin de lui ou d'elle.

Comme le souligne Stéphane, la prise de conscience date d'il y a une dizaine d'années. La rencontre avec Jérémie Beyou en 2013 s'est faite presque par hasard. Quelques mois après avoir commencé un programme de préparation physique avec Stéphane, Jérémie affiche un corps plus athlétique et les résultats se font immédiatement ressentir dans son palmarès déjà prestigieux : à la saison 2014, il est vainqueur de la solitaire du Figaro, puis termine second à bord de Maître Coq sur le podium de la route du Rhum.

C'est l'effet boule de neige : les autres coureurs se rendent bien compte de l'impact qu'à une bonne préparation physique sur les résultats en course. Comme l'explique Stéphane, "un corps bien préparé permettra de réduire le risque de blessures et indirectement, cela favorisera des choix tactiques plus ambitieux. Quand on a l'endurance de faire davantage de manœuvres et d'oser des options météo qui vous feront affronter du gros temps, une condition physique optimum fera toute la différence."

Sentir que son corps est capable de faire mieux permet au mental de voir plus loin

Aujourd'hui les skippers sont presque autant "chouchoutés" que leurs bateaux. Pour les gros teams : médecin, nutritionniste, ostéopathe, coach, préparateur physique et mental complètent l'équipe technique et logistique dans laquelle l'humain trouve désormais sa place.

Entre les entraînements à bord de leur bateau qui restent une priorité, la communication, les rendez-vous avec les sponsors et les organisateurs de courses, les séances de préparation physique doivent "jouer des coudes" pour se faire une petite place dans les agendas surbookés de ces chefs d'entreprises.

Une préparation adaptée au skipper et à son bateau.

Les entraînements ont lieu dans la salle de sport de la team et parfois sur la plage, dans le sable et au grand air. Stéphane utilise couramment des élastiques, Swiss ball, medecin ball, cordes à sauter, plots, échelle de rythme… Le but est de tester l'endurance et les réflexes, mais également de renforcer les appuis et assouplir les articulations.

Travailler "l'explosivité" (s'adapter le plus rapidement et le plus efficacement possible à un changement d'activité) est devenu un axe de travail prioritaire. Par exemple : au cours d'une sieste soudain, le bateau enfourne. Il faut alors rapidement se réveiller et être opérationnel en quelques secondes pour gérer une situation d'urgence, et ce en toute sécurité et en évitant de se blesser.

La mobilité articulaire est également au cœur des entraînements : se déplacer à bord d'un Ultim filant à 40 nœuds devient rapidement compliqué ! Tandis que les articulations encaissent les chocs, il faut également se contorsionner pour effectuer une réparation dans un recoin inaccessible.

Côté rythme, les entraînements débutent généralement au mois de janvier, jusqu'en avril ; lorsque le bateau est en chantier, le skipper l'est aussi ! Dans la saison, ils sont moins fréquents, mais les périodes de navigations prennent le relais.

Il arrive régulièrement que Stéphane accompagne le skipper à bord de son bateau : il va l'observer, le filmer et le questionner afin de mieux comprendre ses problématiques et son quotidien qui peuvent varier d'un bateau à l'autre : si un Figaro mobilise beaucoup à la barre, on devra trouver une solution aux tendinites. Alors qu'à bord d'un IMOCA, il faudra repenser l'ergonomie du cockpit et recalculer la hauteur des "moulins à café" afin d'éviter une lombalgie.

De nouveaux enjeux sur la préparation de l'édition du Vendée Globe 2024

La technologie autour des bateaux évolue très rapidement et les bureaux d'études redoublent d'inventivité et d'ingénierie afin d'optimiser les performances des machines de course. Par conséquent Stéphane a dû adapter ses entraînements aux conditions de vie à bord.

Un skipper brûle en général 6000 calories par jour pendant un Vendée Globe et doit gérer au mieux une carence de sommeil. Il doit parfois porter un casque antibruit et encaisser des chocs provoqués par les à coups : un bateau qui vole (avec foils) puis qui retombe sur une crête de vague, cela peut-être violent pour le bateau comme pour le skipper. En cas d'activité intense (changer de voile ou effectuer des réglages) la fréquence cardiaque peut très fortement augmenter.

Si certains groupes musculaires sont à développer et à protéger, cette course ne nécessite pas davantage de puissance corporelle. En revanche le travail de gainage et surtout la proprioception seront fortement accentués : fluidité de la mobilité articulaire pour une meilleure agilité. Certaines pratiques et postures restauratives ont été spécialement ajoutées à ce programme afin d'éviter les raideurs et d'optimiser les amplitudes de mouvements.

En bref, le portrait du coach.

Stéphane Eliot est coach sportif free-lance au sein du pôle course au large de Lorient la Base depuis 2013. Il entraîne, entre autres les skippers : Jérémie Beyou, Thomas Ruyant, Clarisse Crémer, Kojiro Shiraishi , Violette Dorange...

Il est instructeur de karaté et titulaire de brevets d'état sportifs. Quant à son énergie, elle est à la fois ancrée et ultracontagieuse ! Sa devise : "être fort pour être utile". Il propose également, à tout public, des "boot camp", séances de sport en extérieur, principalement à la plage, même au cœur de l'hiver !

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