Un projet passionné et jusqu'au boutiste
Au cours de ses études en architecture navale, Colin s'est lancé dans la conception et la réalisation d'une maquette à l'échelle du catamaran Oracle, un AC 72 qui a participé à la Coupe de l'America en 2013. Ce projet lui a permis non seulement de mettre en pratique ses compétences techniques, mais aussi d'explorer les subtilités de l'hydrodynamique et de la conception d'un catamaran à foils de 72 pieds.
"Des maquettes de bateau, j'en ai toujours fabriqué, d'abord en carton, en scotch, en plastique, et avec tous les matériaux qui me tombaient sous la main. Plus jeune, j'avais déjà dessiné et construit une maquette du trimaran USA17 de la coupe de 2010. Puis durant la campagne suivante, j'ai fait un stage au sein de l'équipe américaine Oracle. Jeune et plein d'imagination, j'étais aspergé d'images de ce bateau. J'en rêvais la nuit.
Puis à la fin du stage, le fait d'être au sein de l'équipe m'a permis de récupérer un fichier 3D des formes générales du catamaran.
A la rentrée 2013, j'intègre un cursus d'architecture navale. Fort de beaucoup de motivation, et avec les logiciels de l'école, j'ai redessiné les plans de la fameuse maquette du catamaran qui m'a tant fait rêver"
A ce stade, Colin avait pour objectif de construire un seul exemplaire radiocommandé, mais chemin faisant, il décida de réaliser deux sisters ships, afin de les faire naviguer en match race.
Puis les rencontres durant sa vie d'étudiant aident Colin à réaliser ce projet :
"L'été suivant, j'ai fait un stage chez Groupama Sailing Team. Loïc Dorez m'a donné quelques chutes de tissus de carbone, du 40g/m2, qui était très difficile à sourcer. Utilisé habituellement sur les Class C, ce don providentiel m'a beaucoup aidé dans mon projet. Mais à l'époque, je n'avais ni logement digne de ce nom, et encore moins un atelier pour travailler la fibre de carbone !"
"Je suis allé au culot dans tous les ateliers de la base de Lorient, et c'est le chantier Marsaudon qui a accepté de m'héberger le temps de construire ma maquette. Dans le bunker, c'est un environnement de travail très particulier, et un peu flippant le soir quand tout est vide et qu'il y a une dépression de Nord-Ouest dehors."
"J'ai construit des moules mâles, sur un pain de mousse avec un film anti adhérent, que je laminais à la main, un peu à l'ancienne. J'ai ensuite acquis des plaques de laminés pour faire les ribs de l'aile, qui constituent l'ossature de l'aile rigide."
"On ne pouvait pas faire de découpe laser sur de si petites pièces, j'ai fait appel à un prestataire local qui fait de la découpe au jet d'eau. Ce n'était pas gagné, car ils sont plus habitués à faire des grosses pièces."
Retour en Angleterre pour la deuxième phase du chantier
"Entre temps, j'ai dû repartir en Angleterre pour la rentrée à l'école d'architecture de Southampton. Ils m'ont envoyé toutes les pièces, et j'ai pu commencer l'assemblage, tout au long de l'année scolaire."
"Ce serait mentir de dire que je n'ai pas raté quelques heures de cours pour réaliser tout ça."
"Installé dans mon studio, qui ressemblait plus à un chantier qu'à une chambre d'étudiant, j'enchainais les nocturnes. Entre la poussière de carbone, la résine époxy et les différents produits de construction, ma chambre était unique. J'ai même installé un petit four sous mon lit pour cuire certaines pièces."
"J'ai commandé le fameux film transparent qui recouvre l'aile, qui est produit par une société italienne. Comme tout chantier qui se respecte, j'ai eu du retard. J'ai réalisé tout ça dans le plus grand secret, aucun autre étudiant n'était autorisé à rentrer dans ma chambre."
"Le fameux film de l'aile s'applique en chauffant, ce qui a détruit certains ribs, qui ne supportaient pas la pression. J'ai dû les refaire à plusieurs reprises, en démontant tout à chaque fois."
"J'ai rapatrié les différents éléments à la maison à Marseille à la fin de l'année scolaire, et j'ai continué à travailler dessus durant tout l'été."
"La veille de mon départ pour ma 2e rentrée, j'ai enfin terminé l'assemblage. Je repartais pour une année en Angleterre, et je voulais absolument naviguer avec avant de partir. Mais dans l'euphorie, j'ai manqué de lucidité. Il y avait 15 nœuds de vent, ce qui est soutenu pour ce type d'engin, et la nav a été un échec."
"J'ai construit une grande caisse en bois pour transporter la maquette démontée, et j'ai fait Marseille Southampton avec le coffre ouvert. En Angleterre, j'étais principalement concentré sur mon master, et j'ai réalisé les finitions sur les deux exemplaires tout au long de l'année."
"A la fin de mon année de master, elles ont été exposées dans les locaux de l'école, et je les ai rapatriées à Marseille."
"Et de nombreux détails ont été retranscrits sur ces modèles réduits, qui mesurent tout de même deux mètres de tirant d'air. Les foils montent et descendent, l'aile est bien sûr réglable, mais dans une version plus simplifiée que sur l'AC72. En 2012, ils pouvaient régler les volets de l'aile indépendamment, ces volets sur les maquettes sont mécaniques, un seul point d'écoute se situe en bas de l'aile."
"Et comme sur « les vrais », l'angle d'attaque des safrans, qui ont aussi des éléments des porteurs, sont réglables à terre."
Redonner une seconde vie à ces jolis objets
Son diplôme en poche, Colin a entamé une carrière professionnelle qui l'a emmené loin de Marseille, où les maquettes ont été stockées durant plusieurs années.
"Ce projet m'a passionné et obsédé, et ce n'est pas rendre justice à ces maquettes de les laisser dans un grenier. J'ai donc décidé de les céder, soit à quelqu'un qui souhaite les faire naviguer, ou juste les exposer. Une première a déjà trouvé preneur, et le deuxième exemplaire reste disponible à la vente..."
Si vous êtes intéressé par ce modèle, écrivez au journal en suivant ce lien qui transmettra à Colin