Julien, décris-nous ton parcours. Comment es-tu arrivé au sein du staf de l'équipe de France de voile ?
Mon cabinet est installé à Pornichet. J'avais dans mes patients Julien Bontemps, multimédaillé en RSX, que je suivais régulièrement. Peu avant les Jeux de Rio en 2016, Julien m'a appelé pour me demander si j'étais disponible pour donner un coup de main à l'équipe pour cette olympiade.
J'ai été surpris, car je ne pratiquais pas du tout la voile en compétition. Mon père avait un bateau, je naviguais un peu mais pas à haut niveau. Franck Citeau m'a poussé et encouragé à y aller. Le fait que je n'étais pas un voileux confirmé n'était pas un problème.
Comment se déroule le suivi d'un athlète qui parcours le monde pour régater ?
J'interviens à la fois sur des blocs d'entrainements, des stages et des régates. Il y a dix supports, donc autant de championnats d'Europe et du Monde, la Sof et diverses régates sur des plans d'eau répartis aux quatre coins de la planète. Donc on ne peut pas être partout. Quand j'ai commencé, nous étions 4 salariés de la fédération, avec d'autres kiné en freelance.
Je travaille en binôme avec Bertrand Guillo, qui est également kiné. Nous sommes bien sûr en collaboration avec le directeur de l'équipe de France et le médecin. En dehors des compétitions, les sportifs ont des lieux de résidence très éparpillés, donc pour faciliter les échanges et les process, nous avons une plateforme sur laquelle chacun renseigne les blessures ou trauma qu'il a pu connaître au cours d'une séance. C'est évidemment couvert par le secret médical, mais ce dispositif permet au staf d'avoir un suivi précis d'un sportif.
Et au quotidien durant une épreuve, quel est ton rôle ?
Le matin, tu fais un réveil musculaire puis on enchaine avec un processus d'hydratation. On enchaine avec un suivi physio et une série de soins. Je m'occupe également de la pose d'un strap, d'un tap si besoin, ainsi que la gestion du petit matériel.
Je veille également qu'ils ne souffrent pas trop de la chaleur, qui peut entrainer de graves complications.
Comment lutter contre la chaleur quand on attend en plein soleil le début d'une manche ?
En amont, on a préparé les athlètes en suivant un protocole chaleur. Cet outil intégré au calendrier d'entrainements a été mis en place avant les jeux de Tokyo, pendant lesquels tout le monde a beaucoup souffert de la chaleur. Et parfois des malaises, des vomissements et des débuts d'insolation.
C'est le médecin de l'équipe de France, Nicolas Capony, qui suit ce procédé pendant lequel les athlètes s'entrainent en faisant du cardio par de fortes chaleurs. Ce procédé facilite l'acclimatation des organismes à courir sous de fortes chaleurs.
Et une fois de retour à terre ?
Une fois revenu à terre, on a un gros protocole de récupération, avec une phase active sur des vélos ou des rameurs. On bascule ensuite sur des bains froids, et nous avons éventuellement recours à des outils comme des bottes de presso, qui favorise le drainage lymphatique. Nous utilisons également le Game Ready, un système qui crée à la fois de la pression et du froid sur une zone à soigner. Tout cela accélère le processus naturel du corps à se régénérer.
Est-ce que certains supports sont plus sollicitant que d'autres pour les organismes ?
Non, les contraintes ne sont pas les mêmes. Mais chaque série entraine son lot de complications. Par exemple, le laser, qui est très sollicitant au rappel en isométrique, va entrainer tendinites ou contractures musculaires. A l'inverse, le babouinage (le rappel actif) en dériveur double va demander un effort plus explosif.
On s'adapte aussi en fonction de l'évolution des supports. L'arrivée des supports à foil a propulsé les athlètes à de très hautes vitesses.
Les athlètes ont l'obligation de faire appel à tes services ?
Non, tout est à la demande, en bonne intelligence, rien n'est imposé. C'est aussi lié à la personnalité de l'athlète. Certains sont plus habitués que d'autres à recevoir des soins. L'objectif reste de ne pas changer les habitudes du sélectionné pendant une régate.