La visite de la Marina du Marin en compagnie de Éric Jean-Joseph le capitaine du port, nous permet d'aborder les question actuelles sur le positionnement de la capitainerie en matière d'environnement.
Qu'est-ce qui vous différencie des autres ports comme celui de Fort-de-France ?
De notre côté, on a une forte occupation des professionnels ; à Fort-de-France c'est l'inverse, c'est le centre-ville. Au Marin, on est sur une flotte locale qui répond à une demande commerciale. Aujourd'hui on a près de 250 à 270 bateaux qui sont en location charter et qui répondent au marché. En fonction des années, c'est entre 25 et 30 semaines de location avec une clientèle européenne. On approche de la fin de la saison, mais l'avant-saison 2023/24 a été très bonne. L'après-saison plus difficile, mais on a eu les 2 mois octobre et novembre 2023, exceptionnels pendant lesquels les loueurs ont bien travaillé. Quand je dis ''on'', je parle globalement, la capitainerie n'est qu'un élément du système. Tout le personnel travail énormément pour que tout fonctionne au mieux.
On va tout de même profiter de quelques jours fériés et des ponts du mois de mai. Mais bon, l'activité a diminué. Si je devais donner un chiffre, c'est à peu près 30 000 personnes qui viennent louer des bateaux à partir du Marin chaque année. Certains loueurs proposent une location à la cabine ; c'est une sorte de prestation hôtelière. Ils vont par exemple aux Grenadines en 1 semaine : ils arrivent le soir à bord et sont accueillis avec le planteur. À peine digéré, ils vont directement traverser le canal de Sainte-Lucie ! Aujourd'hui cette flotte locative est principalement construite avec des multicoques (environ 85 %). C'est pour cette raison que l'on a dû modifier le standard des places et faire des adaptations.
Notre autorité concédante est la ville du Marin. Nous avons une DSP (Délégation de Services Publics) qu'on gère, mais c'est le délégataire qui finance ces investissements. C'est quand même plus rapide et souple que si c'était le service public. On peut avoir des aides de l'État et surtout une aide fiscale. Quand vous achetez un ponton, vous pouvez économiser jusqu'à 25-30 % de la valeur du ponton ce qui nous a permis d'avoir des équipements assez larges de 3,50 mètres. Ce sont des choses assez stables, accueillantes. On essaie de se rendre service entre marinas : les anciens pontons de la marina ont par exemple été revendus à l'Étang Z'abricot pour le ponton d'accueil de la Cap Martinique.
À Fort-de-France, il y a une demande de résidents et de passage ; mais on peut travailler sur les deux. C'est aux politiques de voir quelle orientation donner. Il faut des résidents car c'est bien d'avoir de la plaisance locale et il faut du passage car économiquement cela fait tourner.
La notion de port ne doit pas être vue comme un parking à bateaux où l'on fait 2 sorties à l'année. Il faut des centres portuaires différents et des équipements complémentaires. On est par exemple sur un projet à Saint-Pierre d'une zone de mouillage organisée qui est d'ailleurs déjà active partiellement. C'est un projet que mène la communauté de commune CAP Nord. On a été retenu pour la partie exploitation. Généralement, les bateaux sont attachés par un bout central mais là-bas, ce qui est intéressant, c'est qu'un système d'affourchage a été mis en place, en forme de V, pour diminuer le rayon d'évitage car la rade de Saint-Pierre est très ouverte avec un vent tournant. Nous, au Marin, on a mis en place un système de bouée connectée. Ce sont des petits outils de gestion qui sont pratiques. Si le bateau est amené à se détacher dans la nuit ou autre, on a une alarme.
Quels sont les différents espaces que l'on peut trouver dans cette marina ?
On a une partie immobilière avec environ 6500 m² de bâtiments d'accueil et de services.
Les premiers bâtiments ont été construits entre 91 et 95 ; c'est la première tranche du port. On a une architecture un peu plus créole que ce qu'on a de notre côté, où c'est beaucoup plus moderne. On a un système de panneaux photovoltaïques sur le toit de la capitainerie qui alimentent les communs et surtout une grande partie du plan d'eau. Grâce à ça, on a fait une économie entre 30 et 40 %, ce qui est quand même significatif.
On a aussi des réservoirs d'eaux pluviales pour les bateaux qui, malheureusement, n'ont pas une capacité suffisante. On a seulement 30 mètres cubes, mais ça aide toujours. On gère aussi une zone de mouillage. Gustave, un marin de la capitainerie, se charge des bouées. Il a son ordinateur avec lui comme ça, quand un bateau arrive, il peut déjà faire une pré-inscription. On compte 250 bouées de mouillage.
La taille moyenne des bateaux aujourd'hui est de quatorze mètres. On a fait une expérience en 2018 : on a mis ce qu'on appelle des corps-mort complexifiés. On a fixé sur le béton des cages métalliques avec des coquillages dedans pour protéger les juvéniles et créer une vie. Les premiers retours ont l'air d'être positifs. On a donc une zone de mouillage organisée par la capitainerie et en plus un mouillage forain. En saison, on reçoit une quarantaine de grands navires ce qui nous a poussés à aménager un autre espace pour eux. Depuis trois ans, on a mis en place un petit terminal de croisière. On a un transport de passagers entre la Martinique et Sainte-Lucie. Ça marche très bien. Autour des loueurs, il y a aussi un écosystème avec les shipchandlers. Tout est disponible sur place. On est peut-être un peu plus cher que les îles voisines, mais on a du savoir-faire et du stock. On a un proverbe qui dit : ''c'est bon marché qu'a coûté cher''.
À la capitainerie, on a aussi des espaces de coworking pour ceux qui veulent travailler : on loue des postes à la demi-journée ou à l'heure.
Quel sont les équipement innovants mis à disposition des plaisanciers ?
On a le système de bornes pour la collecte des eaux usées. C'est-à-dire que l'on a une barge mobile qui peut aller au mouillage recueillir les eaux noires et grises, mais on a aussi à la station et sur deux pontons, où il y a les plus gros bateaux, le système de borne qui est sous vide.
Vous vous connectez au réservoir ; ça pompe, ça renvoie. Le système a un peu de mal à fonctionner pour le moment car la clientèle n'est pas habituée. Pourtant c'est gratuit, sauf pour les très gros bateaux. Ça évolue quand même, cela se voit sur le nombre de collectes que l'on fait chaque mois. Il faut que les gens changent leurs habitudes. À quai on a la possibilité d'aller aux sanitaires, mais au mouillage, c'est plus compliqué quand par exemple il est 2h du matin ; dans ce cas-là il faudrait utiliser les cuves. On a des bornes tous les 26 mètres avec un raccord rapide et un clips qui va directement au tout-à-l'égout.
On n'a que 2 pontons équipés de ça. À la station, un bateau peut aussi faire escale et vider ses cuves. Doté de 4 pompes high tech réparties sur 60 m linéaire de ponton,Marin Yacht Services est sans doute la station maritime la plus opérationnelle et la plus moderne des Petites Antilles. En plus de son grand ponton d'accueil complètement protégé pour vous libérer de tout soucis d'accostage, Marin Yacht Services est la seule station du bassin Caribéen à proposer deux pompes gros débit (12m³ par heure) sur le Gasoil et le Gasoil Détaxé.
On a aussi pris le parti de facturer les consommables, l'eau et l'électricité, pour un peu rationner car certaines personnes mettaient par exemple la clim sur les bateaux. L'avantage de ces bornes, c'est qu'elles ont un lien direct avec la capitainerie. Ce suivi rend les gens un peu plus responsables. Pour l'électricité il y a un petit forfait et au-delà, elle est facturée.
Ce qui est marrant, c'est que, quand un bateau traversait l'Atlantique il y a 35 ans, il arrivait et avait besoin d'eau et d'un peu d'électricité. Aujourd'hui, c'est tout à fait différent ; les gens pompent. Ils doivent faire plus attention. Aussi, il y a eu le besoin de wi-fi qui était la première demande des plaisanciers qui arrivaient il y a quelques années. En 2024, on trouve le Starlink sur la plupart des bateaux.
Et côté zone technique ?
Le port a deux entités : le plan d'eau de la marina, mais aussi une zone technique avec deux Travelift. Ils peuvent lever des unités jusqu'à 400 tonnes pour les mettre à sec. On a une aire de carénage avec système de filtration. Pour moi, la chose la plus importante à prendre en considération ce sont les peintures polluantes que l'on applique sur les coques des bateaux qui restent dans le sol. On mesure les boues et l'eau trois fois par an. Les résultats montrent que ça ne se dégrade pas. Sur la partie qualité de l'eau, l'avantage est que le bassin se renouvelle tous les 40 ou 50 jours. Après pour les boues, malheureusement, je pense qu'on pourrait faire mieux au niveau des peintures utilisées. La Marina dispose bien entendu de 2 points propres ouverts aux plaisanciers et professionnels. Il est possible de collecter, en plus des ordures ménagères classiques, les déchets polluants de type pots de peinture, solvants, bidons et chiffons souillés, huiles de friture et usagées ou encore filtres à huile et à gasoil.
Que dire de la Transquadra que vous recevez au Marin tous les 3 ans ?
Une transat comme la Transquadra, ça amène plus dans la vie du port. Je raisonne globalement et pas capitainerie. Quand vous avez une transat, c'est une organisation compliquée ; la capitainerie se plie en quatre. Il faut libérer des places aux pontons... mais cela amène des familles, du monde, du commerce et des échanges. Ce qu'on pourrait regretter, c'est qu'il n'y a pas assez d'équipages martiniquais, de locaux, qui participent, ce que la Guadeloupe a mieux géré que nous, par exemple, lors de la dernière transat arrivée à Marie-Galante avec 3-4 équipages guadeloupéens. Cela serait top pour l'image ; les jeunes des écoles de voile peuvent s'identifier, ça les stimule pour la pratique du nautisme. Ça crée aussi des adhésions. C'est plutôt bon !
On a l'école de voile qui est là, avec qui l'on a un bon partenariat. Ils sont dynamiques et font du bon travail. Le président du club de voile travaille à la capitainerie. Tout ça crée des liens. C'est plutôt bon pour le fonctionnement, le partenariat. On soutient deux-trois membres du club, des jeunes, qui sont assez performants et qui vont dans des championnats extérieurs.
Lors de la Transquadra, pour tout ce qui est restauration, hébergement, location, voiture, excursions..., le chiffre d'affaires est significatif ; ça amène un plus. C'est une clientèle qui a quand même un pouvoir d'achat. Certains voiliers repartent en cargo mais d'autres restent sur place et il faut les rééquiper pour la prochaine navigation. Cela a forcément un impact. Si on le pouvait, on accueillerait des courses au large tous les ans. On a aussi une manifestation qui s'appelle l'Ariane's Cup. C'est tous les comités d'entreprises qui travaillent autour du projet Ariane qui viennent tous les 4-5 ans et ils louent 70-80 catamarans en basse saison. Il faut meubler l'activité du port : il faut des transats, des rallyes, des spectacles. L'escale du Tour des yoles ramène aussi un peu de vie ; tout ce qui flotte part en mer ! Cela ramène de la vie.