Parcourir la marina du Marin aux côtés d'Éric Jean-Joseph, capitaine du port, c'est plonger dans l'histoire vivante du nautisme martiniquais. Depuis les premiers balbutiements dans les années 1990 jusqu'à son développement actuel, Éric incarne l'évolution de ce port avec une expertise forgée au fil des ans. En sa compagnie, nous explorons les eaux tranquilles de la baie, découvrant les multiples facettes de ce site nautique, symbole d'un dynamisme portuaire unique dans les Antilles.
Quelles sont les origines de l'activité nautique au Marin ?
Je travaille ici depuis longtemps. La marina est un projet un peu familial. Mes parents avaient commencé ça au début des années 90. Malheureusement, ils nous ont quittés et nous reprenons l'exploitation depuis un petit moment. En 91, cela était un projet municipal. Le maire avait milité pour obtenir une compétence maritime. L'idée était de décentraliser l'offre nautique par rapport à Fort-de-France.
Quand on a commencé, on avait été à un salon nautique et la Société d'Économie Mixte, qui a aménagé l'Étang Z'abricots, commençait. Ils avaient des prospectus ; nous, on avait des petites feuilles A4. On les a vus pour leur demander si on pouvait s'associer. Ils ont joué le jeu. Dès 92, on avait le premier ponton. Eux, ils ont dû batailler pendant des années. C'était compliqué parce qu'ils avaient une réserve de l'armée ; un point de stockage de munitions. Ça a pris 15 ans à faire des études tandis que de notre côté, on a pu démarrer beaucoup plus rapidement. Une fois que ça a décollé pour eux, ils n'ont pas eu de temps mort. Mais à l'époque, les gens se disaient ''tout ce qui flotte va couler''. Les gens ne savaient pas ce qu'était un port, une marina. Ils imaginaient tous les risques possibles avec les cyclones... La particularité au Marin c'est la composition de l'occupation. En cas de mauvais temps, il faut savoir que la Martinique a quand même un risque cyclonique, mais la baie du Marin est un abri naturellement protégé. On n'a pas de digue, mais des hauts-fonds.
Comment s'est passé le développement ?
En 87, un ouragan qui s'appelait "David" est passé sur la Martinique. L'activité était aux Trois-Îlets, à la Pointe du Bout. Là, il y avait ce qu'on appelait le ponton du Bakoua. Tabarly Yachting était la première compagnie qui faisait du charter en Martinique sous la franchise de monsieur Tabarly. Ils avaient des Pen Duick 600 ; une dizaine de bateaux. La moitié des bateaux étaient en mer et l'autre moitié était là. Le chef de base a entendu qu'il avait un ouragan. Il a attaché les bateaux. L'ouragan est passé ; ils ont tout perdu. Certains n'ont même pas été retrouvés. Ils ont contacté monsieur Tabarly qui devait être consultant. Lui, n'était pas dans l'opérationnel. Il a regardé une carte marine et il a dit : ''les gars, il faut aller au Marin''. Et les quelques bateaux qui étaient en mer, qui sont revenus après le mauvais temps, ont été transférés au Marin. C'est là que l'activité de location a démarré. Les Pen Duick 600 c'est la 4L de l'époque... Imaginez aujourd'hui si vous louez des 2CV et des 4L, je ne sais pas si vous auriez beaucoup de clients, hormis le côté fun ! D'ailleurs, on a gardé un vestige. Deux ou trois ans après, ils ont arrêté l'activité et ils avaient laissé un ou deux bateaux au club nautique. On en a gardé un en souvenir que l'on est en train de reconditionner pour l'exposer à terme en décoration ; ça fait un joli spot à l'entrée du port...
Voilà le vrai début de l'activité au Marin. Il n'y avait que 2 bateaux de plaisanciers au Marin. Au mois de mai, on faisait des régates en partant de Fort-de-France et on allait plutôt en baie de Sainte-Anne. On venait très rarement au Marais à l'époque. Aujourd'hui, c'est tout à fait l'inverse. Vous voyez, 35 ans après. La capitainerie a été déplacée parce que le projet s'est fait en plusieurs phases. On a commencé modestement et puis après ça s'est agrandi. On a évolué.