Un projet longuement préparé
Après avoir découvert le foil en 2022, cet ex-champion de France de windsurf a doucement muri ce projet ambitieux. L'objectif est de rallier Toulon à Calvi, sur un paddle équipé d'un foil, sans voile, sans moteur, juste à la force des bras en surfant sur la longue houle méditerranéenne.
"Dans ma tête, le projet a plus d'un an. J'ai mis du temps à comprendre que j'avais le potentiel pour le faire. Puis en 2023, j'ai monté concrètement le dossier, en abordant les différents volets : technique, financier, administratif, physique, nutritionnel et météorologique."
Un bateau accompagnateur équipé de foils
Pour assurer la sécurité d'Erwan, il fallait obligatoirement être suivi par un bateau accompagnateur. Pour cette traversée, l'équipe a choisi un semi-rigide équipé de foils, le Flying Tender 80 produit et conçu par SEAir.
"Testée dans des conditions dynamiques, cette carène nous a apporté une entière satisfaction. Perché sur mon foil, je progresse à une vitesse comprise entre 10 et 20 nœuds, et cette carène à foils passe très bien dans la houle. Là où une carène classique tape fort, le foil adoucit les mouvements du bateau et apporte un confort supplémentaire à l'équipage sur cette navigation qui devrait durer une douzaine d'heures. Sans compter une consommation réduite par rapport à une carène archimédienne conventionnelle."
L'équipage sera constitué d'un pilote, d'un routeur et d'un mediaman. En plus d'assurer la navigation, le routeur aura pour mission de maintenir un contact visuel avec Erwan.
Quel équipement pour cette longue navigation ?
Pour parcourir les 120 milles entre Toulon et Calvi, Erwan part avec un matériel conséquent. Il volera sur une planche F-One, un prototype qui sera amené à être produit en série. Foil et pagaie sont déjà disponibles pour le grand public. Côté sécurité, la liste est longue :
"Sur moi, j'ai un arsenal de balises. Je pars en combi néoprène Soruz, j'ai un camel bag avec de l'eau et des vivres, un tracker GPS-GSM, un jeu de fusées de détresse, une flash-light sur le gilet, des cyalumes, un couteau au cas où je prenne un filet sur la route, une balise PLB3 qui m'assure un repérage.
Nous avons effectué une séance d'entrainement entre Martigues et Hyères, soit une centaine de milles. Ça nous a permis de valider nos choix techniques et de se mettre en configuration pour traverser."
Un volet administratif constructif
En théorie, un stand up paddle de moins 11.6 pieds n'a pas le droit de s'éloigner à plus de 300m d'un abri, une règle assez restrictive quand on veut effectuer une traversée vers la Corse. Erwan et son équipe ont longuement échangé avec le Cross Med et la Préfecture afin de donner un cadre légal à ce projet sportif :
"Il ne faut pas que ce projet fasse tache d'huile. L'idée est de ne pas inciter le grand public à tenter des projets inconsidérés. Les échanges ont été très constructifs, et comme le projet a été bien préparé, ça aidera les institutions à communiquer sur les bonnes pratiques pendant la période estivale."
"Mais tout cela n'aurait pas été possible sans le soutien du Yacht-Club de Toulon. Ils ont été les premiers à me suivre et à donner de la crédibilité à ma tentative.
J'ai également beaucoup collaboré avec les étudiants de l'école d'ingénieur Sea Tech de Toulon. Lors de séances d'entrainement, ils m'ont équipé de capteurs musculaires afin de tester 8 configurations différentes de foil, et me donner des pistes pour trouver la rame la plus économe possible sur cette épreuve d'endurance."
Une fenêtre météo particulière
Pour réussir cette traversée, Erwan et son équipe scrutent des conditions de vent et de houle optimales :
"Nous cherchons une fenêtre avec une direction Ouest Nord-Ouest, qui se lève tôt le matin depuis le continent, sans qu'il ne tourne trop Sud-Ouest en arrivant en Corse, idéalement 20-30 nœuds. Mais pas d'avantage. Dans une grosse cartouche, j'irai plus vite, mais je me fatiguerai plus vite aussi.
Idéalement, la traversée aura lieu en juin, afin de bénéficier d'une journée longue et d'avoir le plus de lumière possible. Je suivrai une trace un peu à droite entre le phare de Porquerolles et le phare de Revellatta."
Un projet qui doit servir d'autres domaines
Au-delà de la performance sportive, Erwan souhaite donner une dimension plus large à son projet :
"Je souhaite promouvoir ce sport qui a beaucoup évolué. Il permet d'accomplir des choses auparavant considérées comme impossibles. Cela suscite des réflexions sur les transports maritimes sans recours aux énergies fossiles ni aux moteurs. Je vais utiliser ma propre énergie ainsi que celle des vagues. Il ne faut pas s'interdire de tenter les choses et d'avoir des idées."