Interview / Baptiste Hulin : "La saison en équipage va me permettre de naviguer avec des marins expérimentés"

A l'occasion de l'Act 1 des Ocean Fifty Series 2024, à Saint-Malo, nous avons pu en apprendre plus sur le parcours et les ambitions du skipper Baptiste Hulin, dernier arrivé dans la course, avant d'effectuer quelques bords sur son Ocean Fifty Viabilis Océans.

Ce jeudi 23 mai 2024, le port de plaisance des Sablons à Saint-Malo s'est animé pour le début de l'Act 1 de l'Ocean Fifty Series 2024. Les 9 multicoques de 50 pieds se sont affrontés, d'abord sur des parcours construits, puis côtiers. Parmi les compétiteurs, le skipper Baptiste Hulin, dernier arrivé dans la course, basé à Saint-Malo démarre sa première saison à la barre de l'Ocean Fifty Viabilis Océans. Ancien équipier sur ce même trimaran lors de la saison 2023, il prend désormais sa barre en 2024, animé par une détermination à toute épreuve et une soif d'aventure humaine. Avant d'effectuer quelques bords sur son Ocean Fifty, nous avons pu en apprendre plus sur son parcours, son ambition de performer et son enthousiasme pour cette nouvelle saison.

Peux-tu présenter ton parcours, ce qui t'a motivé à faire partie du milieu de la voile et, surtout, comment tu en es venu à prendre la barre d'un Ocean Fifty ?

Je m'appelle Baptiste Hulin, j'ai 27 ans, et je suis aujourd'hui le skipper de l'Ocean Fifty Viabilis Océans qui fait partie de l'écurie BE Racing fondée par Louis Burton et Servane Escoffier. Mon parcours peut sembler être un peu en dehors des routes tracées. Originaire de Cholet, dans le Maine-et-Loire, ma passion pour la voile est née du Vendée Globe. Dès mon plus jeune âge, mes parents m'ont emmené sur les pontons de cette course et c'est là que j'ai été happé par cet univers, bien avant de pratiquer. Mes parents ne faisaient pas de voile. En 2021, c'est moi qui les ai initiés pour la première fois à la navigation, lorsque j'ai integré l'écurie BE Racing. Mon désir de travailler dans le monde de la course au large, au sein d'une écurie, avait sans cesse été présent dans mes pensées. Au début, peut-être plus pour être ingénieur dans la conception. Et puis après, au fil de mes études et de mon parcours professionnel et sportif en pleine évolution, mes aspirations ont changé. La voile est très rapidement devenue une ligne rouge dans ma vie, dans tout ce que je mettais en place. J'ai toujours été animé par cette passion, et je suis admiratif devant ces magnifiques bateaux sur lesquels j'ai maintenant la chance de naviguer.

À mes débuts, je pratiquais la voile sur des dériveurs à Cholet, sur un lac. Je faisais du laser. En arrivant à l'université de Nantes, j'ai rejoint la section sportive universitaire dirigée par Luc Pillot, ancien champion olympique de voile et président du club de voile APCC Voile Sportive à Pornichet, axé principalement sur le match racing. J'ai alors eu l'opportunité de m'investir pleinement dans cette discipline, en naviguant aux côtés de mon tacticien actuel, Simon Bertheau. On a navigué pendant 6 ans ensemble, et on a gagné pas mal de titres de champion de France. Ça m'a permis d'énormément évoluer. J'ai aussi fait pas mal de courses inshore sur des Diam 24 et de Tour Voile. C'est comme ça qu'en 2021, j'ai pu rejoindre l'écurie BE Racing en tant que skipper espoir, puisque tous les ans, ils organisent une sélection pour donner la chance à un jeune de découvrir la course au large.

À la suite de cela, j'ai fait deux transats Jacques Vabre et une Route du Rhum en Class40 ; et cette année, j'entame ma 4e saison et je me retrouve à la barre de Viabilis Océans sur un Ocean Fifty. C'est une progression qui a été, en fait, assez rapide. On ne s'attend pas à ça, c'est sûr, mais il faut aussi beaucoup d'ambition pour y arriver. Je pense que c'est ce qui a convaincu le partenaire Viabilis et l'écurie BE Racing de nous confier ce bateau. Ce qui est sûr, c'est qu'aujourd'hui, je suis le plus jeune skipper de la classe Ocean Fifty. C'est un super challenge à relever. Je suis entouré d'une belle équipe et j'ai aussi un bon partenaire qui m'accompagne avec une guest équipe à bord sur ces deux premiers jours de régate. Dans les moments importants comme celui-ci, c'est ce qui compte.

Équipage de l'Ocean Fifty Viabilis. 2024
Équipage de l'Ocean Fifty Viabilis. 2024

Comment se passe le choix des équipiers ?

Sur un week-end type comme celui-ci, lors de ce que l'on appelle les Acts ou Grands Prix, les équipiers inshore seront au nombre de cinq à bord pour faire marcher le bateau : Simon Bertheau, Léonard Legrand, Justin Baradat, et Eliott Ledem.

Baptiste Hulin, Justin Baradat et Léonard Legrand. Manœuvres en régate Ocean Fifty Series Act 1 Saint-Malo
Baptiste Hulin, Justin Baradat et Léonard Legrand. Manœuvres en régate Ocean Fifty Series Act 1 Saint-Malo
Simon Bertheau et Eliott Ledem. Manœuvres en régate Ocean Fifty Series Act 1 Saint-Malo
Simon Bertheau et Eliott Ledem. Manœuvres en régate Ocean Fifty Series Act 1 Saint-Malo
Simon Bertheau, Baptiste Huline et Léonard Legrand
Simon Bertheau, Baptiste Huline et Léonard Legrand

En plus de l'équipage, quatre invités extérieurs seront présents, deux représentant les partenaires du bateau et deux invités de l'organisation du circuit. Pendant les parcours au large, nous serons trois à bord : Corentin Horeau, Léonard Legrand et moi-même, sans invités. Le choix des équipiers se fait déjà en fonction des affinités, parce que l'on navigue avec des gens avec qui on doit se sentir à l'aise. Et puis, au niveau des postes et des rôles, c'est en fonction des compétences de chacun et de ce dont le skipper aussi a besoin en termes d'aptitudes et de comportement à bord. Je pense que là, sur les 9 bateaux qui participent, il y aura 45 équipiers avec des profils différents. Ça dépend vraiment de la philosophie des projets et puis du skipper.

Est-ce qu'il y a eu beaucoup de travaux engagés sur le bateau pour préparer cette saison ?

On a eu la chance d'avoir un bateau qui, depuis son acquisition fin 2022, est un bateau très sain, très performant. On n'a pas eu de grosses casses comme ont pu en avoir certains de nos concurrents. Du coup, le chantier de cet hiver a été l'occasion de refaire toute l'électricité à bord du bateau. On a travaillé en équipe et avec des prestataires extérieurs. Et là, on a une équipe technique qui est dédiée au bateau, une équipe interne propre à l'écurie BE Racing. On n'a pas eu trop de galères. On a été un des premiers à mettre à l'eau et à naviguer justement pour favoriser le temps passé sur l'eau cette saison.

Baptiste nous présente l'électronique à bord
Baptiste nous présente l'électronique à bord

Comment abordes-tu la saison et cette première date dans le calendrier ?

Ce qui est génial pour moi, c'est que je fais partie des petits nouveaux qui arrivent sur le circuit. Comme on est sur une saison en équipage, cela va me permettre de naviguer avec des personnes expérimentées qui peuvent m'aider à prendre en main le bateau. Je l'aborde donc de manière assez sereine, avec l'envie de bien faire. Surtout, on a pas mal navigué seuls pour s'entraîner. Maintenant, on a très hâte de passer plus de temps sur l'eau. Je suis vraiment impatient de naviguer en équipage et de lancer le top départ de la saison avec la première manche de cet Act sur Saint-Malo. Ensuite, il y aura les circuits de Pornichet-La Baule et celui de Sainte-Maxime, une transatlantique de Saint-Pierre-et-Miquelon à Saint-Quay-Portrieux, appelée la Route des Terre-Neuvas, et une course en Méditerranée en double, la Med-Max Occitanie, de Port-Camargue à Saïdia au Maroc.

Viabilis en compétition aux côtés de Inter Invest (milieu) et Mon Bonnet Rose (à gauche), Act 1 2024 Saint-Malo Ocean Fifty Series © Vincent Olivaud
Viabilis en compétition aux côtés de Inter Invest (milieu) et Mon Bonnet Rose (à gauche), Act 1 2024 Saint-Malo Ocean Fifty Series © Vincent Olivaud

Est-ce que tu as déjà connu de grosses difficultés dans tes précédentes navigations ?

J'ai forcément rencontré des petites galères pendant mes 4 ans de course au large. Quoi qu'il arrive, dès qu'on sort sur l'eau, que ce soit pour une heure ou dix jours, je pense qu'à chaque navigation, chaque course, chaque traversée, on apprend énormément de choses. On a la chance d'évoluer dans un environnement qui n'est jamais le même. Il faut s'adapter énormément. Pour ce qui est des grosses galères, j'en ai eu une dans ma petite carrière, quand je me suis qualifié pour la Route du Rhum 2022 en Class40. J'ai perdu la quille du bateau sur mon parcours de qualification. En tant que marin, à vivre, c'était une épreuve assez forte. J'ai été super bien entouré lors de cette épreuve-là, et ça m'a aidé, justement, à acquérir de bons réflexes aussi dans des situations un peu de crise ou d'urgence. À faire les choses correctement, notamment d'un point de vue sécurité pour le marin et le bateau.

Baptiste Hulin au sommet du mât de son Class40 © Be Racing
Baptiste Hulin au sommet du mât de son Class40 © Be Racing

Qu'est ce qu'on ressent quand on navigue pour la première fois sur un bateau comme un Ocean Fifty ?

C'est grisant. Ce sont des bateaux qui vont très vite, malgré leur taille qui peut être assez petite par rapport aux vitesses auxquelles ils arrivent à aller. On les sent maniables et à taille humaine, finalement. Quand on atteint les 30-35 nœuds au bout de la barre, et même plus, ce sont des bateaux qui sont juste exceptionnels. On a vraiment la sensation de courir sur des Formule 1 des mers.

Act 1 Ocean Fifty Series 2024 à Saint-Malo
Act 1 Ocean Fifty Series 2024 à Saint-Malo
Act 1 Ocean Fifty Series 2024 à Saint-Malo © Ocean Fifty Series
Act 1 Ocean Fifty Series 2024 à Saint-Malo © Ocean Fifty Series

Les vieux gréements, ça te ''botte'' quand même ou est-ce que tu restes fidèle à la classe des Ocean Fifty ?

Non, au contraire. J'ai notamment participé aux Voiles de Saint-Tropez sur des vieux gréements vintages. Ça reste un plaisir de se rappeler d'où viennent nos bateaux. La voile, mine de rien, reste un mode de transport chargé d'une histoire presque ancestrale, car c'est grâce aux bateaux à voile que le monde a été découvert. Ces voiliers ont donc leur importance et j'adore aussi les faire naviguer. Même si j'adore être skipper d'un Ocean Fifty, j'apprécie d'explorer de nouvelles choses et, toujours, de découvrir d'autres sensations.

Préparatifs en veille de l'Act 1 de l'Ocean Fifty Series 2024 à Saint-Malo. La flèche rouge indique l'emplacement du pilote automatique.
Préparatifs en veille de l'Act 1 de l'Ocean Fifty Series 2024 à Saint-Malo. La flèche rouge indique l'emplacement du pilote automatique.

En tant que skipper, quels sont les valeurs ou principes qui guident ton approche de la compétition en mer et ta relation avec l'environnement marin ?

Déjà, je pense qu'il faut être très humble par rapport à la nature. Il faut accepter le vent comme étant plus fort que nous. Il faut aussi avoir énormément de respect envers l'environnement marin et les cétacés avec qui on partage l'océan. En tant que skipper, nous sommes témoins des océans, notamment de l'impact de l'homme en termes de pollution. Quand on traverse l'Atlantique et que l'on découvre des bidons de plastique ou des traces de l'homme au milieu de ce désert bleu, c'est vraiment déchirant. Je pense que nous avons aussi le devoir de témoigner et de partager ce que nous, en tant que marins, pouvons voir au cœur de l'océan, tout en conservant ce profond sentiment d'humilité et de respect face à la nature.

Arrivée de la Jacques Vabre 2023. On se souvient de ce moment où Bapstite Hulin s'était jeté à l'eau après 19 jours en mer © Jean-Louis Carli, Aléa
Arrivée de la Jacques Vabre 2023. On se souvient de ce moment où Bapstite Hulin s'était jeté à l'eau après 19 jours en mer © Jean-Louis Carli, Aléa
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