Lady Catherine D : le sauvetage d'un yacht anglais de 1932 à La Ciotat

Si les chantiers navals de la Ciotat accueillent des méga-yachts du monde entier, le Lady Catherine D un yacht de 24m de la belle époque mouille non loin d'eux dans le port vieux de la Ciotat. Impossible de le manquer lorsque l'on se promène sur le port. Après être tombé dans l'oubli en Angleterre, ce navire doit sa nouvelle vie à l'engagement et l'opiniatreté de Ludovic Faure, de sa femme Florence et de leurs deux fils, Louis et Nicolas. Ils nous en relatent leur formidable épopée.

Un yacht abandonné en Angleterre

C'est lors d'une visite dans le nord de l'Angleterre, à Glasson Dock Marina plus exactement, que la famille Faure tombe sur un mystérieux bateau abandonné, rouillé et abîmé par le temps. Après quelques recherches, elle découvre qu'il s'agit d'un yacht de 1932 dessiné par l'architecte Norman Hart et sorti du célèbre chantier naval De Vries-Lentsch à Amsterdam. Coque à déplacement de 24 mètres en acier de 10mm riveté, 4,50m de maître-bau, un tirant d'eau de 1,80m, un pont en acier de 6mm d'épaisseur, deux moteurs, une cheminée, une barre à l'extérieur pour un poids de 70 tonnes. Des caractéristiques imposantes.

C'est un véritable coup de cœur pour la famille ! Ludovic confie : "Comment un tel navire, à l'histoire si chargée est-il tombé dans l'oubli le plus total ? Tout de suite, nous avons aimé son allure atypique et pris conscience de son potentiel. Alors, ensemble et sans aucune aide financière extérieure, nous nous sommes lancés dans l'aventure de sa restauration. Il est l'un des événements familiaux le plus extraordinaire que nous ayons pu vivre."

L'incroyable histoire du Lady Catherine D

Entre la 2ème guerre mondiale, le couronnement de la reine Élisabeth II, les croisières au départ de Cannes, son affrétement pour une série anglaise de la BBC, son histoire est riche.

Baptisé originellement ECILA par le 1er acquéreur, Sir G. A Brittain, propriétaire des usines Austin Morris à Dublin, il a servi au départ de yacht de plaisance et croisait vers les îles anglo-normandes, les îles Scilly, la Manche au début du 20ème siècle. Lors de la deuxième Guerre Mondiale, il est réquisitionné par la Royal Navy et aurait participé à l'opération Dynamo pour rapatrier des soldats anglais de Dunkerque. En 1953, il fait partie de la flotte de yachts accompagnant la célébration du couronnement de la reine Elisabeth II à Londres.

Puis, en 1956, il est présent à Monaco pour l'arrivée de Grace Kelly pour son mariage avec le prince Rainier. Dans les années 60, il effectue des croisières au départ de Cannes. Enfin, en 1979, il est affrété pour une série anglaise de la BBC.

Le bateau ne fera plus parler de lui dès lors. Dans les années 80, il est finalement désarmé à la marina Glasson Dock et rayé du Lloyd's register of shipping et laissé à l'abandon. Il ne bougera alors plus jamais. Désormais, ses seuls visiteurs sont les quelques touristes qui passent à proximité.

Entre yacht et paquebots

Ludovic nous raconte la suite : "Nous avons décidé de racheter l'ECILA en 2010 dans le but de le sauver de la destruction dans une casse marine. Nous l'avons francisé en 2012 et rebaptisé Lady Catherine D, en hommage à ma grand-mère, Catherine Digne, née Reggio-Paquet, la petite fille de l'armateur français Nicolas Paquet, fondateur de la compagnie éponyme, à Marseille."

L'aventure maritime continue alors avec un refit pour le Lady Catherine D. "L'ECILA a été construit sous la norme +100A1 par le Lloyd's register et suivi par cet organisme jusque dans les années 80. Le Lloyd's est l'un des principaux fournisseurs de services de classification et de conformité pour les industries maritimes et offshore permettant, entre autres, de connaître tous les propriétaires successifs. Les plans d'origine ont été conservés au musée d'Amsterdam ainsi qu'au musée de Greenwich où est exposée sa demi-coque. Son architecture est très proche des paquebots des années 30 comme celui du paquebot Nicolas Paquet construit dans les chantiers navals de la Seyne sur mer et mis à l'eau en décembre 1928. L'arrière du bateau est de type cruiser stern, avec un gouvernail construit sous la ligne de flottaison. Par rapport à une poupe elliptique, ce type de poupe est efficace sur le plan hydrodynamique et présente un meilleur profil esthétique" nous explique Ludovic.

C'est toute une famille qui s'est investi avec amour...

C'est à l'aide de ces plans que Lady Catherine D a retrouvé son allure d'origine. Les premiers travaux de restauration ont débuté en Angleterre avec la réfection du pont et de la coque. Les moteurs défectueux ont été déposés. Dépourvu alors de propulsion, il est remorqué jusqu'aux chantiers navals d'Honfleur afin d'y installer deux nouveaux moteurs. Des modèles Perkins M215C de 225 cv. Des moteurs haut de gamme pour leur fiabilité et durabilité.

La partie mécanique terminée, le bateau a quitté le port normand avec, à son bord, un couple de mariniers et Ludovic pour traverser la France par les canaux et rejoindre Port-Saint-Louis. Une véritable expédition de 3 semaines avec plus de 187 écluses à passer. A Port-Saint-Louis, le couple cède sa place à un capitaine, qui va convoyer le navire jusqu'à la Ciotat pour s'y amarrer définitivement.

Ludovic, sa femme et leurs deux fils, entreprennent alors une minutieuse restauration et redonnent peu à peu au yacht son élégance des années 1930. Tout peint de blanc et paré de bois de teck vernis, d'acajou, de hublots et sabords en bronze, il est restauré dans le respect des traditions. Le salon, la salle à manger, la cuisine et l'espace équipage ont été réhabilités. Une grande cabine arrière et avec salle de bain, y ont été rajoutées.

Ludovic conclut :"Nous nous efforçons de rénover et de préserver notre bateau au plus proche de son aspect d'origine. Maintenant qu'on l'a sauvé, on veut qu'il vive d'autres heures de gloire au travers des évènements professionnels ou culturels, et pourquoi pas au cinéma... "

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