Nouvelle-Hermine : reconstruire le voilier de Jacques Cartier pour rejoindre le Canada

En l'honneur du 500e anniversaire de la découverte du Canada par Jacques Cartier, qui aura lieu en 2034, une équipe de passionnés se lance dans la construction d'une réplique d'un bateau de l'explorateur malouin. Leur objectif ? Parachever sa construction en dix ans et effectuer une traversée de l'Atlantique.

2034 marquera le 500e anniversaire de la découverte du Canada par Jacques Cartier. Pour marquer cet événement majeur de l'histoire de la navigation, une équipe de passionnés se lance dans un projet d'ampleur : la construction d'une réplique d'un des navires ayant accompagné l'explorateur malouin lors de cette expédition vers l'inconnu. Leur but ? Raviver l'histoire de ce bateau en achevant sa construction dans un délai de dix ans, puis en entreprenant une traversée de l'Atlantique.

Réveiller l'histoire d'un bateau d'exploration

Brieg Guyon, descendant de la famille de Jacques Cartier, a grandi à Saint-Lunaire, baigné dans l'admiration pour cet explorateur et sa découverte outre Atlantique. Ingénieur diplômé de l'École Centrale, spécialisé dans le génie maritime, il fait ses premiers pas dans la construction navale aux Chantiers de l'Atlantique avant d'œuvrer en tant que chef de projet dans le domaine des énergies marines renouvelables. Passionné d'Histoire, d'aventures nautiques et de construction navale, Brieg conçoit l'idée, dès 2021, de construire la réplique d'un des navires cités dans cet extrait de la Relation du voyage de Jacques Cartier de 1534 : ''Partîmes du havre et port de Saint-Malo avec lesdits deux navires du port d'environ soixante tonneaux chacun, équipés les deux de soixante-un hommes, le 20 avril de l'an 1534''. Si l'Histoire ignore en grande partie les circonstances entourant le premier voyage de Jacques Cartier, parti trois fois de Saint-Malo pour explorer le Nouveau Monde, seul le nom des navires et des membres des expéditions suivantes sont parvenus jusqu'à nous, reléguant le premier au silence de l'oubli. De ce désir de ranimer cette page oubliée du passé naît l'Association Jacques Cartier 2034, avec un équipage bien décidé à lancer La Nouvelle Hermine en 2034 sur l'océan en direction du Saint-Laurent pour le 500e anniversaire de l'exploration, par Jacques Cartier, de ce territoire rebaptisé Canada.

Une ''nouvelle'' Hermine

En l'absence de documents sur le bateau dont la réplique est envisagée, il est décidé de nommer ce bateau "Nouvelle Hermine", en hommage à l'emblème de Saint-Malo et de la Bretagne, ces régions dont les pêcheurs avaient précédé les rois dans l'exploration de terres lointaines jusqu'alors inconnues de l'Europe. Deux des navires de la flotte du deuxième voyage de Jacques Cartier portaient déjà les noms de "Petite Hermine" et "Grande Hermine" ; et puisque le véritable bateau de 1534 est introuvable, celui de 2034 se doit inévitablement, d'après l'association, d'être une ''nouvelle'' Hermine.

L'association Jacques Cartier refuse de considérer ce bateau comme une simple reconstitution. Elle nourrit le rêve que l'année 2034 leur permettra de revivre une nouvelle fois le frisson du premier voyage de 1534, grâce à un bateau ''ressuscité''. Pour y parvenir, le projet s'appuiera sur les recherches les plus récentes et cherchera à en susciter de nouvelles, afin de garantir une authenticité historique incontestable. En outre, l'aventure de 2034 sera indubitablement "nouvelle", car elle impliquera de nouveaux acteurs, de nouveaux destins et de nouveaux défis techniques : une initiative culturelle qui entend aborder les enjeux sociétaux et économiques contemporains. Selon le credo de ses membres, ''la Nouvelle Hermine ne se veut pas une simple commémoration mais un passage, une véritable remémoration. Plus encore, elle sera une invitation à une re-découverte du Monde, des liens qui unissent la France et le Canada, une ré-interrogation de nos passés, de nos origines, de l'Histoire des Grandes découvertes et de celle des Premières Nations du Canada''.

Un défi historique de reconstitution

Dans la quête pour reconstruire l'un des bateaux de Cartier, l'association est confrontée à une lacune problématique : aucun plan n'existe, ou du moins, ils n'ont pas encore été découverts. Il sera donc nécessaire pour ses membres de s'immerger ''pas à pas'' dans les écrits et les documents du 16e siècle, afin de rechercher des descriptions détaillées de navires similaires, des compte-rendus de voyages transatlantiques, et tout autres éléments pouvant éclairer sur la conception et la construction de ces vaisseaux anciens. ''Avec ces faisceaux d'indices, nous ferons des choix techniques, détaillerons notre architecture générale et pourrons émettre des plans de fabrication'' avance l'équipe.

© Jacques Cartier 2034
© Jacques Cartier 2034
© Jacques Cartier 2034
© Jacques Cartier 2034

Reconstruire un navire d'époque

''Comment peut-on, au 21e siècle, construire un navire du 16e siècle alors que les artisans, les compagnons et les savoir-faire de cette époque ont disparu ? Comment pouvons-nous nous assurer de respecter les techniques d'assemblage et d'armement de cette période lointaine ?'' se demandent les membres fondateurs. Pour leur association, cela représente un véritable défi nécessitant un constant arbitrage entre le respect des techniques de construction d'époque et l'impératif de garantir la navigabilité moderne, notamment pour garantir une traversée sécurisée de l'Atlantique.

© Jacques Cartier 2034
© Jacques Cartier 2034

Conduire un chantier éco-responsable

L'association envisage ce projet avec un engagement fort envers la préservation de l'environnement. Si l'utilisation de la propulsion à voile réduit les émissions de carbone lors des navigations, ces entrepreneurs devront également prendre en compte l'impact global induit sur l'environnement comme la propulsion motrice, la consommation énergétique du chantier, les transports de matériel, et autres aspects.

À cet effet, ces passionnés du patrimoine nautique se sont associés à ceux qui valorisent les métiers de la construction navale à voile. Leur expertise les aidera à donner une nouvelle vie à un bateau vieux de plusieurs siècles.

Les étapes du projet

2022-2029 : études historiques, design, communication, recherche de financement.

2029-2031 : fabrication de la coque : quille, bordés, étambot, calfatage, château arrière...

2031-2033 : armement du navire : pont supérieur, aménagement peinture, voiles… Visites touristiques possibles selon chantier en construction.

2033 : mise à l'eau, essais en mer, finition armement, propulsion et navigabilité.

2034 : traversée de l'Atlantique.

Aides et partenariats

D'une part, la collaboration entre l'association Jacques Cartier 2034 et l'A.D.F.J.C.C (Association des Descendants des Familles de Jacques Cartier et de ses Compagnons) a été fructueuse. D'autre part, des étudiants du Master 1 Entrepreneuriat de l'ESG Rennes se sont penchés sur la stratégie économique tandis que les élèves de l'École Nationale Supérieure de Techniques Avancées ont présenté les conclusions de leur pré-étude de dimensionnement de la Nouvelle-Hermine, menée sur plus de 2 500 heures par 15 élèves ingénieurs. Le budget, estimé à 3,3 millions, représente un appel à toutes les entreprises, fondations et mécènes passionnés. La recherche de financement a débuté. Les études ont été transférées auprès d'un cabinet d'architectes navals qui finalisera les plans et validera la faisabilité de cette reconstitution, prenant ainsi le relais de l'étude menée par l'association et l'ENSTA.

© Jacques Cartier 2034
© Jacques Cartier 2034

Le tonnage, première préoccupation

L'association ne dispose que d'une seule information valide concernant les deux premiers navires de Jacques Cartier : leur capacité en tonneaux, qui était de ''deux navires de soixante tonneaux chacun''. Après de nombreuses recherches et consultations, l'association Jacques Cartier a sollicité l'expertise d'Eric Rieth, Directeur de recherche émérite au CNRS et responsable du département d'archéologie navale du musée national de la Marine de Paris. Monsieur Rieth a conclu que le tonneau bordelais de l'ordonnance de 1681 était l'hypothèse la plus plausible. Suite à cela, l'équipe technique Cartier, en collaboration avec le groupe Architecture Coque de l'ENSTA, a procédé à une simulation pour déterminer si soixante tonneaux de 1,44 m3 pouvaient être logés dans la première carène conçue sous le logiciel Rhino. Les résultats ont été concluants : il est possible d'entreposer 60 tonneaux dans l'espace sous le pont, ce qui conforte la première estimation des dimensions du navire.

© Jacques Cartier 2034
© Jacques Cartier 2034

"L'objet de notre association est de commémorer la découverte pacifique du Canada, de faire vivre et revivre, par amour de l'aventure, les instants renversants de la découverte d'un Nouveau Monde", précise l'association, pour conclure. "Au passage, nous voulons, accompagnés d'historiens et de spécialistes, reconstituer le portrait de Jacques Cartier, navigateur encore entouré de mystère, et la destinée de constructeurs géniaux et d'équipages héroïques".

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Christian Lemasson
Christian Lemasson
Jacques Cartier n'a pas découvert le Canada, il a été cependant le premier à implanter une colonie dans la Baie du Saint-Laurent. Les pêcheurs Basques et Normands fréquentaient déjà depuis longtemps Terre-Neuve, le Labrador et le Cap-Breton. Je cite un ouvrage de l'IFREMER : "Au XIV siecle, les Basques redecouvrent Terre-Neuve qu'ils appellent "Terra-Bacalaos" c'est-a- dire le Paysdes morues. Ils peuplent l'ile de Cap-Breton en Nouvelle-Ecosse et s'etablissent au sud-ouest de Terre-Neuve (Le Danois, 1924). Au XV siecle, les Bretons et les Normands rejoignent les Basques. .../... A partir de cette epoque, debutent les voyages pour la capture des morues et des bateaux quittent regulierement Dieppe, Saint-Malo, La Rochelle, Honfleur, etc.. (Julien, 1948)."
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