Un voilier unique taillé pour les glaces
Dessinée par Luc Bouvet et Olivier Petit, en collaboration avec Michel Franco, cette goélette a été imaginée pour naviguer autour des pôles en dérivant au milieu des glaces. Sa coque, en forme de noyau d'olive, est conçue pour être poussée vers le haut quand la pression de la glace est trop forte.
De 1990 à 1996, elle est menée par Jean-Louis Etienne sous le nom d'Antarctica, avant de devenir Seamaster de 1999 à 2001, sous les ordres de Sir Peter Blake. Après l'assassinat du marin néo-zélandais, elle est rebaptisée Tara en 2001, et depuis, mène à bien des missions scientifiques et pédagogiques.
A l'origine de cette initiative, on retrouve la styliste Agnès Troublé, dite Agnès B, ainsi que son fils Etienne Bourgeois. Lorsqu'ils décident de reprendre le projet, leur objectif est de poursuivre l'œuvre de Sir Peter Blake pour promouvoir la protection de l'Océan. Tara, initialement conçue pour la navigation dans les régions polaires, a entamé son périple en 2004 avec une expédition au Groenland, puis a effectué une dérive arctique en 2006.
Au fil des expéditions, les aménagements et les équipements de Tara ont évolué, mais sa structure est restée la même. Afin de résister aux assauts des glaces, les deux dérives rentrent complètement dans la coque, tandis que la position des deux safrans varie en fonction de la situation, avec une position basse et une intermédiaire, pour les navigations dans les faibles profondeurs. Son tirant d'eau varie donc entre 3.5m et 1.5m.
Sur le pont, du solide et de l'utilitaire
La baille à mouillage de Tara abrite un solide guindeau protégé par un carénage, qui actionne les 300 mètres de chaîne, dont l'ancre de 350 kg vient se loger dans le flanc tribord. L'ensemble du mouillage pèse près de 2 tonnes.
La plage avant reçoit les voiles d'avant, le yankee et la trinquette. Un spi asymétrique de 320m2 est également disponible pour les allures portantes. Plus en arrière, on retrouve la misaine et la grand-voile, qui font chacune 150m2. Fabriquées en 3DI Polyester par North Sails, elles sont régulées par un gréement courant en dynema.
Les deux mâts de 27m sont d'origine et posés directement sur le pont pour plusieurs raisons:
- Espars plus petits et faciles à transporter, mâter/démâter...
- Moins de ponts thermiques à gérer que sur un gréement implanté
- Accessoirement moins de dégâts en cas de démâtage, mais ce n'est pas la
raison principale.
Les voiles sont hissées à partir de 15 noeuds de vent, et assurent une allure de 6-7 noeuds en moyenne. Des pointes à 10-12 noeuds peuvent être observées quand les conditions sont vraiment optimales.
La zone de travail est constituée de trois colonnes de moulin à café, qui actionnent les winchs du bord. Le winch central a été électrifié et permet d'effectuer certaines manœuvres en équipage réduit comme enrouler le yankee
La bulle en polycarbonate du carré est un atout indéniable dans les navigations froides, mais doit être recouverte quand il fait chaud pour limiter la hausse des températures à l'intérieur.
Le dôme arrière abrite le poste de pilotage, où on retrouve la barre, les commandes moteurs et les équipements de navigation. A noter qu'une deuxième commande moteur est installée en extérieur pour offrir au capitaine une meilleure visibilité dans les manœuvres portuaires.
Sur la plage arrière, on retrouve un laboratoire humide, qui a été installé après le lancement de Tara, ainsi que le portique arrière qui sert à la mise à l'eau de la Rosette CTD.
Une autonomie et des aménagements conçus pour des navigations hors normes
Pour assurer sa propulsion et sa production en électricité, Tara est équipée de deux moteurs et trois générateurs, dont deux principaux et un auxiliaire. Les réservoirs du bord ont été dimensionnés pour assurer une autonomie de deux années, et peuvent donc accueillir près de 40 000 litres de gasoil.
Entre les activités scientifiques et les besoins quotidiens de l'équipage, Tara demande un apport de 18 000 W 20 000W.
Tara affronte une amplitude de température très élevée, qui varie entre -42° et + 45°. En complément de la construction en aluminium, l'isolation du bord est assurée par une lame d'air, puis par des plaques de Styrodur®, polystyrène extrudé de 200 mm d'épaisseur, doublées vers l'intérieur par du contreplaqué.
A noter que les fonds font 25 mm d'épaisseur, les murailles 16mm et le pont 8mm.
A l'intérieur, des aménagements conçus pour un équipage de 16 personnes
Une fois passé le poste de pilotage, on accède, au choix, au coqueron arrière ou bien au carré de l'équipage. A l'arrière, on retrouve une première zone dans laquelle est installé le tambour du treuil permettant les prélèvements en eaux profondes, qui peuvent atteindre près de 1500m.
Plus en arrière, on retrouve un atelier, puis les secteurs de barres hydrauliques. Un 2e atelier précède la salle des machines, où l'on retrouve les deux moteurs Cummins de 350 chevaux. Ceux-ci sont reliés à des lignes d'arbres et des hélices fixes à 5 pales.
Au milieu du navire, on retrouve le carré, la bibliothèque et la cuisine du bord. Celle-ci est alimentée par une bouteille de gaz -"c'est meilleur pour les crêpes"- qui est située dans le cockpit arrière.
À bord de Tara, chacun contribue au bon déroulement de la vie à bord. Entre les tâches de rangement, de nettoyage et de vaisselle, les occupations ne manquent pas. Un tableau situé dans le carré est utilisé pour répartir les tâches de manière équitable entre les membres d'équipage.
On accède à la pointe avant par une coursive étroite. A bâbord, on retrouve un deuxième laboratoire humide qui sert à analyser les prélèvements. Un troisième laboratoire, sec celui-ci, se situe à tribord, à la fin de la coursive.
L'équipage est logé dans 7 cabines. L'ensemble de la surface habitable est de 130 m2.
Nous terminons par la cale avant, qui sert de zone de stockage pour les équipements de remplacement, ainsi que la nourriture du bord. Pour une dérive arctique supérieure à deux ans, près de 8 tonnes de nourriture peuvent y être stockées. L'avitaillement est également entreposé dans le carré et sous les banettes.