Naissance de la Mini Transat en 1977 au Royaume-Uni
L'histoire commence en 1977 à Penzance, au Royaume-Uni, à l'initiative du journaliste anglais Bob Salmon. Le 8 avril de cette année-là, 24 voiliers de 6,50 m s'élancent sur la première Mini Transat en direction d'Antigua, via Ténérife aux Canaries. En 1985, la course fait son arrivée en France, reliant Brest à Pointe-à-Pitre en Guadeloupe. Elle est organisée par l'association Voile 6.50, qui gère également les règles de classe. Une nouvelle course est créée, la Mini Fasnet, entre la Bretagne et le célèbre phare irlandais.
Séparer la gestion de la classe et l'organisation des courses
L'édition de la Mini Transat de 1993 va bouleverser la suite des évènements, et engendrer la création de la classe Mini. Annabelle Moreau, secrétaire de la classe depuis 2001, nous raconte : "La Mini Transat de 1993 a été très dure par ses conditions météo, par une disparition ou encore la première étape annulée, avec de nombreuses balises déclenchées."
Les dirigeants de Voile 6.50 décident alors, en 1994, de créer deux entités différentes, Cap Transat pour l'organisation des courses et la classe Mini pour le règlement, la jauge et la gestion des adhérents.
À l'initiative, plusieurs hommes, des marins, dont font partie Dominique Bourgeois, skipper, Denis Hugues, actuel directeur de course de la Mini Transat, ou encore Philippe Naudin.
Annabelle détaille : "À l'époque, l'objectif était de séparer les deux entités, car Voile 6.50 était juge et partie en tant qu'organisateur de course et gérant de la classe. Scinder les deux entités assurait à la classe que les organisateurs de course respectent les règles en vigueur. La politique et la philosophie de la classe Mini doivent être respectées par les adhérents et les organisateurs."
Toujours cette même année 1994, la jauge Mini est créée dans l'idée de définir un cadre, de spécifier les tirants d'eau et d'air, les voiles... Annabelle se souvient d'une anecdote racontée par Denis Hugues : "Ils se sont enfermés sur le France, à La Rochelle, avec plusieurs architectes, dont Pierre Rolland. Ils ne devaient pas en sortir tant que le texte ne serait pas terminé. Ils y ont passé le week-end. Aujourd'hui, c'est toujours notre base, même s'il y a des évolutions. C'est le point de référence de la classe Mini. Avant la création de la jauge, la seule règle c'était la taille fixée à 6,50 m."
Des premiers Mini bricolés aux Mini 6.50 régis par une jauge
Depuis 1994, 953 bateaux, dont 294 prototypes, ont été enregistrés par la classe. Pas moins de 140 architectes ont donné naissance à 19 plans originaux en bateaux de série.
Avant 1993, les coureurs choisissaient le numéro de leur bateau, ainsi, le numéro 1 n'est pas réellement le premier Mini construit. Ceci dit, avant la création de la jauge, on trouvait sous l'appellation Mini des Muscadet, des Surprise coupés... Annabelle Moreau se rappelle : "Le premier proto construit pour gagner la course était American Express, en 1979."
En effet, ce sont bien les prototypes qui ont marqué l'évolution de la classe, grâce à une jauge très ouverte, permettant de grandes innovations technologiques, depuis la quille pendulaire jusqu'aux foils, ou encore ces dernières années les nez ronds inspirés des scows.
Mieux préparer les bateaux et les marins
En 1999, la classe se heurte une nouvelle fois à une Mini Transat compliquée. Sur les 72 partants, seuls 37 sont à l'arrivée. C'est ainsi que la classe décide de durcir le processus de qualification de la transat et d'étoffer son calendrier, comme l'explique Annabelle Moreau.
"Après la Mini 1999, le conseil d'administration de l'époque a étudié le déroulé de la course en menant un sondage auprès de ses adhérents. Finalement, le problème ne venait pas des bateaux, mais du manque d'expérience des marins. Jusque 1993, la navigation se faisait au sextant. Il fallait avoir une certaine connaissance de la navigation et du large. Avec l'évolution de l'électronique, qui a rendu la navigation plus facile, la Mini a attiré des marins moins aguerris et moins d'amateurs éclairés. Finalement, les balises avaient été déclenchées non pas pour de réels dangers, mais plus par manque d'expérience."
L'organisation décide donc d'inclure en 2000 un parcours de 1 000 milles, à réaliser en course. Aujourd'hui, le parcours a été augmenté à 1 500 milles. Sauf qu'à l'époque, pour réaliser ces milles de qualification, il n'y a que trois courses au calendrier. La classe décide donc de créer de nouvelles courses, au nombre d'une vingtaine aujourd'hui.
Anabelle ajoute : "En 2001 a été lancée la première Mini Transat avec qualification. On a quand même eu beaucoup moins d'abandons. Par rapport à 1995, les bateaux et les marins arrivent beaucoup mieux préparés. Il y a moins de perte sur les grandes courses."
Des adhésions à la classe cycliques
En 30 ans, la classe Mini a également été marquée par l'évolution du nombre d'adhérents. Depuis 1994, pas moins de 4 562 marins sont passés par la classe Mini. En 1999, la classe comptait 245 adhérents, puis 500 en 2007. Aujourd'hui, la classe en compte 330.
Annabelle nous explique : "C'est assez cyclique. À une époque, on attribuait ça à la difficulté de la Mini Transat. Il y avait moins d'engouement derrière. C'est moins le cas. À l'heure actuelle, c'est quand même un investissement économique et chronophage. Comme il y a beaucoup de monde dans la classe, il faut faire beaucoup de milles pour se qualifier et donc beaucoup de courses. Il y a des listes d'attente pour la Mini Transat, mais aussi pour les courses de saison. Ça peut refroidir les navigateurs. Depuis le pic de 2007, on a eu une baisse progressive jusque 2016."
Des profils moins bricoleurs et plus ingénieurs
Les profils des marins ont également évolué tout au long de ces 30 années. Bien que la classe Mini soit et reste une classe d'amateurs - tel est son ADN - les bricoleurs et marins plus ou moins professionnels de l'époque, qui voulaient continuer à faire de la course au large, ont été remplacés par un grand nombre d'ingénieurs et de cadres supérieurs. Il y a également plus de bateaux de série, comme nous l'explique Annabelle : "Les adhérents de la classe Mini sont moins dans le milieu nautique qu'avant. Il y également plus de bateaux de série, avant c'était plus anecdotique. C'est clairement lié au profil. Il y a plus d'aisance financière et moins de temps à passer sur son bateau. Le passage au prototype fait peur également, car même si les bateaux sont fiables, il y a toujours du bricolage à faire."
Favoriser l'accessibilité à la classe
La classe a toujours cherché à respecter ses valeurs fondatrices : naviguer sur des bateaux abordables, simples, résistants. Mais avec l'évolution de l'architecture des Mini 6.50, les non-scows n'ont que très peu, voire pas, de chance de résultat, surtout en série. Pour continuer d'attirer des navigateurs, la classe lance donc une nouvelle course réservée aux bateaux d'ancienne génération.
Annabelle Moreau nous explique ce choix : "L'accessibilité est très importante pour la classe. Un bateau qui a 20 ans coûte moins cher qu'un bateau neuf et rapport au développement durable, plus il a une longue durée de vie, moins il pollue. On tient à ce que les bateaux encore capables de naviguer le fassent. On a cherché pendant 5 ans comment continuer à attirer les adhérents. On avait déjà mis en place le label "Good Performance". Il est décerné dans chaque catégorie - Proto et Série - par les vainqueurs à un ancien bateau qui a réalisé une belle performance. Ça oblige aussi les vainqueurs à regarder ce qui se passe derrière."
La Mini Transmanche, une régate de Caen à Ouistreham courue en août 2024 sera réservée aux anciennes générations : les protos construits avant 2009 et les bateaux de série avant 2012.
Annabelle continue : "Toutes les courses sont ouvertes à tous les bateaux, à l'exception de la Mini Transmanche. Le but c'est de leur donner un bonus de milles qualificatifs - 500 milles en solitaire - et aussi d'apporter un focus sur un bateau ancien. Quand les règles de la classe Mini ont été créées, l'objectif était de ne jamais mettre un bateau à la poubelle. Si un bateau ayant déjà couru ne respecte pas les règles, on demande une dérogation si ce n'est pas un problème lié à la sécurité. Par exemple, sur la course, on retrouvera le Mini 756, un bateau de 2007. Bien que transformé en scow, il a le droit de participer puisque c'est l'ADN de la classe de faire évoluer les bateaux. La dernière série validée sera celle des Nacira 6,50, homologuée avant 2012."
Aujourd'hui, les valeurs et la philosophie de la classe Mini n'ont pas changé, comme nous l'explique Annabelle Moreau en conclusion : "L'ADN de la classe c'est de développer l'esprit marin, la convivialité et la volonté. Il y est toujours. L'Esprit Mini, tout le monde le voit où il veut. Il y a des choses qui ne changent pas. Pour les arrivées, tout le monde est là, même si ça se voit un peu moins sur les courses de saison. Et l'entraide est réelle, même sur l'eau !"