Une unité taillée pour le large
Après avoir pris part à un colloque organisé par l'Unesco dans les locaux d'Océanopolis, l'équipage de Patriac'h était en attente d'une fenêtre météo pour rejoindre Lorient. Nous en avons profité pour échanger avec Pauline de Decker, afin qu'elle nous présente l'avenir de Patriac'h.
Depuis plusieurs années, cette solide goélette en acier de 23,5 m était basée dans le sud de la France, où elle était le support d'une association de réinsertion de jeunes en difficultés.
Sa solidité lui permet d'assurer en toute sécurité le transport de son équipage. Elle a été construite en 1975 sur l'île Renault par deux amateurs en construction navale, même si ceux-ci étaient des soudeurs professionnels. Ils ont ensuite été rejoints par deux autres passionnés et toute une équipe de bénévoles. L'objectif initial de Patriac'h était de participer à la course des Clippers, une épreuve autour du monde en équipage.
La Patriac'h a également été utilisée comme bateau radio lors de la première Route du Rhum en 1978. À cette époque, les moyens de communication longue portée étaient limités, nécessitant des relais en mer pour transmettre les communications des concurrents. C'est au cours de cette course que Patriac'h a intercepté le dernier message d'Alain Colas, avant sa disparition avec son trimaran Manureva. L'antenne qui a capté cette communication finale est toujours présente à bord du navire.
Un nouveau destin
Mais en 2022, l'association de réinsertion, qui la fait naviguer depuis plusieurs années, perd ses financements et doit stopper ses activités. Patriac'h est hiverné pendant 18 mois à Marseille, en attendant un repreneur. C'est alors qu'une autre association, fondée par Arsène Rousseau, L'Océan des Possibles Expéditions, se porte acquéreur de la goélette.
Arsène est un officier de Marine Marchande et ingénieur polyvalent. Après un début de carrière dans la navigation au long cours, il devient lieutenant océanographique sur le Marion Dufresne, le navire utilisé pour des missions logistiques et océanographiques dans le sud de l'océan Indien. Il explique :
"L'Océan des Possibles Expéditions est une association d'intérêt général, qui a pour objectif de valoriser les constats scientifiques par des actes. La clé du projet repose sur une étude à bord un voilier Patriac'h
Nous sommes 7 membres du bureau, soutenus par une équipe de bénévoles qui interviennent dans des domaines bien spécifiques ".
Une prise en main hivernale
La première vente aux enchères n'ayant pas trouvé preneur, c'est lors de la 2e adjudication que l'association devient propriétaire de Patriac'h. Après une préparation de quelques semaines, l'équipage quitte Marseille début janvier et met le cap vers Kernevel à Lorient, pour une navigation hivernale que Pauline nous décrit :
"Nous avons eu un gros coup de vent à la sortie de Gibraltar, avec 50 nœuds établis, mais Patriac'h s'est très bien comporté. On a eu la chance d'observer des dauphins, des globicéphales, des fous de Bassan. Nous avons également eu la chance de traverser du plancton bio-luminescent avec un banc de dauphins, c'était magique !
Nous avons embarqué trois bateaux stoppeurs : Mathias, Grégoire et Kilian, qui se dirigeaient vers les Açores. Pour la petite histoire, nous nous sommes rendu compte que le père de l'un d'eux avait navigué sur Patriac'h en 1994. Le monde est petit !
Après une traversée de Gascogne sans encombre, nous sommes arrivés le 5 février à Kernevel".
Transformer la goélette en bateau laboratoire
Afin de mener à bien ses nouvelles missions, Patriac'h devra subir un profond chantier, que nous détaille Pauline :
"Nous sommes en train de monter le projet scientifique. Patriac'h va être mis au sec à Lorient pour un chantier de 6 mois. Il va subir un gros refit et va se doter de ses équipements d'analyse.
Il va être équipé de deux laboratoires, un sec et un humide, ainsi qu'un atelier low tech. Dans le labo humide, on va faire des prélèvements de l'eau pour étudier en permanence les caractéristiques physico-chimiques de l'eau, afin d'avoir un aperçu en temps réel de sa qualité.
Dans le laboratoire sec, nous aurons un séquenceur ADN, un pcr qui permet de l'analyser, une étuve et un incubateur qui servent à la conservation des échantillons.
L'énergie du bord et des laboratoires sera fournie par deux éoliennes, des panneaux solaires et un hydro générateur.
Côté vie de l'équipage, on garde l'emplacement actuel du carré et de la cuisine. La cambuse et l'atelier vont être modifiés afin d'installer 11 couchettes individuelles.
Patriac'h va être notre compagnon de route pour les prochaines années. Il nous protège, donc on se doit de lui apporter de l'attention ".