Un peu d'histoire...
Les Terre Neuvas étaient des pêcheurs principalement originaires de la côte ouest de la France, notamment de la Bretagne, mais également du Pays basque et de la Normandie. Ils se rendaient traditionnellement à Terre-Neuve, une île au large de la côte ouest du Canada, pour pêcher la morue. Connue sous les noms de "route de la morue" ou "route de Terre-Neuve", la route maritime empruntée par ces pêcheurs était périlleuse en raison des conditions météorologiques difficiles de l'atlantique nord, des icebergs et des tempêtes. Les Terre Neuvas partaient souvent pour des campagnes de pêche qui pouvaient durer plusieurs mois, voire une grande partie de l'année, avant de rentrer chez eux avec leur cargaison de morue salée.
Une nouvelle course monoclasse dédiée aux Ocean Fifty
C'est en hommage à ces pêcheurs de l'extrême, qui savaient quand ils partaient, mais jamais quand ils revenaient, qu'Ultim Sailing, la Classe Ocean Fifty et les collectivités territoriales de Saint-Brieuc et Saint-Pierre et Miquelon ont décidé de créer la course la Route des Terre Neuvas. Il s'agit d'une transatlantique d'ouest en est de 2 120 milles, reliant l'archipel de St Pierre et Miquelon à la baie de Saint-Brieuc. Elle se court en équipage de trois, accompagné d'un mediaman. Emmanuel Bachellerie, l'un des cofondateurs d'Ultime Sailing nous en dit plus sur la naissance de cette course.
Quelle est la genèse de la course la Route de Terre Neuvas ?
À la création d'Ultim Sailing, avec Matthieu Sarrot, nous avons directement réfléchi à un projet de course, qui était en ordre de marche au printemps 2021. On a mené une réflexion sur les modèles de la course au large, les modèles économiques, les éléments nécessaires et impératifs de rentabilité d'une course, quelle que soit sa classe. On a regardé quelles étaient les courses historiques et incontournables pour les différentes catégories de bateaux et partagé avec les différentes classes notre analyse.
Après des échanges avec plusieurs classes, dont les Ocean Fifty, il s'est avéré que ces derniers étaient en recherche croissante d'une course monoclasse. Sur des courses multiscratch, le premier qui coupe la ligne récupère toutes les lumières.
Sur une Route du Rhum ou une Transat Jacques Vabre, médiatiquement, une fois que le premier a coupé la ligne, c'est plus compliqué pour les suivants. C'est d'une certaine manière assez logique, quand on regarde une coupe du monde de foot, on retient le vainqueur.
Dans la course au large, il y a plusieurs gagnants, car plusieurs catégories de bateaux, mais ça peut être dur à comprendre pour le grand public.
On a pensé à une transat, car c'est un terrain de jeu assez naturel pour les bateaux. On a ensuite cherché quel était le bon format d'un transat, compte tenu de l'architecture des Ocean Fifty, des trimarans de 50 pieds, et l'allure. Ce sont plutôt des bateaux pour le portant, qui ont potentiellement tendance à se retrouver à l'envers au près. On voulait également un format plus court qu'une Transat Jacques Vabre ou une Route du Rhum, donc entre 2 000 et 2 500 milles. Enfin, on s'est intéressé aux territoires. Saint-Pierre-et-Miquelon a dit oui et Saint-Brieuc nourrissait l'envie d'avoir une classique récurrente.
On a partagé cette réflexion avec la classe Ocean Fifty et ensuite avec les deux villes et trouvé le bon calendrier. Au final, la distance "idéale", l'allure et les territoires et les réflexions croisées avec la classe correspondaient avec ce que l'on avait couché sur le papier.
Quels sont les défis rencontrés à organiser une transat depuis St-Pierre-et-Miquelon ?
Quand on travaille avec une île, c'est toujours plus compliqué au niveau des repérages, des déplacements. Saint-Pierre-et-Miquelon est un territoire assez méconnu en comparaison de la Martinique, de la Guadeloupe... C'est plus difficile à situer. Je la qualifie d'Ushuaïa du Nord. Tout le monde le connaît, mais c'est encore une zone de mystère.
Il a fallu convaincre les partenaires des bateaux de la classe que les marins d'aujourd'hui étaient les défricheurs d'hier. C'est intéressant d'aller ailleurs que la Guadeloupe, la Martinique ou le Brésil.
En termes de climat, c'est très nord, donc on ne peut pas partir à n'importe quel moment. C'est ce qui nous plaît avec Mathieu. On n'a pas créé Ultim Sailing, racheté un Ultim, créé des courses pour refaire l'existant. Il n'y a pas non plus de révolution, mais une dimension différente pour les Océan Fifty. Dans le même style, il y a la Quebec Saint-Malo, avec deux points d'histoire, mais c'est une course multiclasse.
Ce qu'a fait la SAEM Vendée avec la Vendée Arctique, j'aurai adoré le faire. C'est un format canon, qui fait monter très nord et aller dans des contrées très peu connues. Historiquement les marins étaient des découvreurs, des explorateurs. Si on fait toujours le même parcours, à l'échelle d'un tour du monde ou d'une transat, on perd un peu l'histoire.
La route des Terre Neuvas, c'est deux aventures en une. C'est d'abord un challenge sportif de très haut niveau, car ce n'est jamais anodin de faire 2 000 milles. Les Ocean Fifty sont des libellules, ils vont très vite et sont volages.
Il y a aussi un volet patrimonial et culturel très important. C'est une aventure humaine les Terre Neuvas. Nos contemporains n'auraient pas le courage de partir dans les conditions climatiques, les vêtements, et sur les bateaux de ces pêcheurs pour aller pêcher la morue. C'était époustouflant.
On va essayer de monter une grande exposition à Saint-Brieuc, pour montrer les hommes et les navires et ce qu'ils allaient chercher sur les bancs de Terre-Neuve. Ils partaient de longs mois loin des familles. Elle ne savait pas s'ils allaient revenir. Aujourd'hui, les femmes de marins pêcheurs savent qu'il y a un risque, mais il est considérablement plus mesuré que les hommes dont on parle. C'est un bout de l'histoire maritime. On aime mettre du sens dans les courses que l'on crée.
Comment valorise-t-on une transat d'une classe moins connue du grand public, par rapport à un Vendée Globe ou une Route du Rhum ?
La comparaison n'est jamais raison. Le Vendée Globe est né en 1989, il aura 40 ans dans 5 ans. On a beaucoup comparé l'Arkea Ultim Challenge au Vendée Globe. Je me suis érigé contre ça tout le temps. C'est incomparable. Sur les pontons en 1989, ce n'était pas du tout la même messe qu'en 2020. Ils avaient le tournevis et les clés à la main pour savoir s'ils allaient rentrer.
Il faut donc se donner du temps. On projette la course tous les 4 ans. Les one shot ne nous intéressent pas. Tout va très vite, tout s'oublie. Il faut se donner le temps d'installer la course. La projeter dans le temps.
L'organisation et le modèle économique de la course sont faits pour que chaque bateau ait un médiaman, financé par l'organisation. L'idée est d'avoir des matériaux pendant la course, et après. Filmer le convoyage jusque Saint-Pierre-et-Miquelon, le stand-by sur place, la course et l'arrivée pour réaliser un 52 minutes qui, j'espère, intéressera nos camarades de France Télévision.
La visibilité sera accrue, car tous les bateaux ont la même jauge. Il y a une certaine forme d'équité. Certes, des bateaux sont plus récents que d'autres, et souvent la prime revient souvent au plus récent. Mais il y a un alignement en termes de performance. On aura une homogénéité sportive, car la course est dédiée à la classe. Pour le grand public, la lisibilité sera plus facile, avec des écarts assez réduits à l'arrivée. C'est comme la course des petits chevaux, ils sont 10 au départ et la course se terminera quand les 10 seront arrivés.
Des évènements seront-ils organisés à Saint-Pierre-et-Miquelon avant la course ?
Il y aura des animations très axées sur les Saint-Pierrais, à St-Pierre, pour que les habitants de l'île soient concernés par la course. On va également tout faire pour que l'exposition autour des Terre-Neuvas, soit faite. À l'arrivée, ce sera un village classique. L'affiche de l'épreuve sera dévoilée le 10 avril, c'est la plus belle que l'on ait faite depuis 3 ans sur toutes nos courses. Elle est signée Jean-Baptiste Epron.