Hawaï est considérée comme l'île sur laquelle le surf a pris racine au 16e siècle, pour devenir le sport que nous connaissons aujourd'hui. Dans cet archipel du Pacifique, il fait partie intégrante de la vie quotidienne de la population. En 1778, le navigateur James Cook, parti explorer les mers du Sud, découvre deux archipels qu'il baptise les îles Sandwich. Parmi les nombreuses surprises révélées aux Occidentaux sur ces terres inexplorées, Cook et son équipage sont particulièrement marqués par l'engouement des habitants pour la pratique du surf. Adopté par les Américains au début du 20e siècle, ce sport, qui attise toutes les curiosités, fait une apparition fortuite sur les côtes françaises.
À celui qui tiendra le plus longtemps debout
Bichuet, Pondepeyre, Dogny, Bergeruc, Lartigue, Durcudoy, Plumcoq, Bergeruc, Laharrague, Moraïz, Reinhardt, Barland, de Rosnay, Rott, Hennebutte... Ces noms sont ceux d'un groupe de jeunes adeptes locaux de l'époque qui sillonnent assidûment le littoral de la côte basque, arborant fièrement leur équipement de prédilection, la "planky" : une planche en bois, courte et recourbée, conçue pour permettre à chacun de s'allonger pour glisser sur les vagues. L'un d'eux, Jacky Rott, natif de Dax, voit sa vie prendre un tournant décisif dans une salle de cinéma en 1951. Avant le film, un reportage commémoratif du 10e anniversaire de l'attaque de Pearl Harbor à Hawaii est projeté. La séquence dévoile des militaires américains s'adonnant à leurs sports favoris, du basket-ball au tennis en passant par le football américain. Soudain, l'image d'un individu dévalant une vague debout sur une planche le fascine. Quelques secondes qui resteront gravées dans sa mémoire et qui influenceront le cours de sa vie.
Peu de temps après, en 1957, Peter Viertel, scénariste et surfeur américain, se trouve à Biarritz avant le tournage de son film "Le Soleil se lève aussi", une adaptation du roman de l'écrivain américain Ernest Hemingway. Il est accompagné de sa planche de surf, qu'il a apportée depuis la Californie. En découvrant les vagues du sud-ouest de la France, il constate qu'elles se prêtent bien à la pratique de ce sport et décide alors de partager sa passion avec un jeune surfeur prometteur, Joël de Rosnay. Peter donne des leçons de surf à Joël et lui confie sa planche pendant pendant qu'il se rend en Espagne pour son tournage. C'est acté, la pratique du surf-riding a basculé en France. À cette époque, la wax n'est pas encore utilisée sur les planches, et l'objectif est de rester debout le plus longtemps possible !
Les premiers shapers de l'hexagone
Les débuts du surf sont assez difficiles à cause d'un matériel encore peu adéquat. Pendant l'hiver 1957-1958, Barland, ingénieur débrouillard, et ses collaborateurs, Rott et Hennebutte, entreprennent la fabrication de planches en utilisant du balsa, un matériau léger mais rare en France à l'époque. Inspirés par une photo de planche de surf datant de 1935, trouvée dans le National Geographic, ils confectionnent leur premier modèle en janvier 1958. Les premiers essais dans l'eau se révèlent décevants, les rails étant trop droits.
En juillet 1958, le retour de Peter Viertel à Biarritz avec trois planches en balsa venues d'Amérique marque un tournant. Barland emprunte l'une de ces planches et constate une nette amélioration de ses performances sur l'eau. Le travail ne fait que commencer. À la fin de l'été, il réussit à vendre sa troisième création en contreplaqué. Parallèlement, son collègue Rott, originaire des Landes, vend également ses premières planches. Jusqu'en 1958, ces dernières sont exclusivement en bois, mais l'avènement du plastique change la donne.
Confrontés aux mêmes défis, Barland et Rott décident de fusionner leurs compétences sous la marque Barland-Rott, créant ainsi la première entreprise française de fabrication de planches. La qualité de leurs produits et leur quasi-monopole les conduisent rapidement au succès. Après quelques années de collaboration, les deux entrepreneurs se séparent.
Dans les années 1970, Michel Barland met au point une machine-robot qui ''pré-shape'' les planches.
Le surf se démocratise
À cette époque, ces jeunes arborant une allure décontractée, torse nu, cheveux au vent, et apparemment sans emploi conventionnel, suscitent méfiance et désapprobation. Les maires des localités côtières décident de pourchasser les surfeurs, les considérant comme des menaces pour l'activité des baigneurs et des perturbations à la tranquillité et à l'ordre public. Face à cette opposition, les Tontons Surfeurs (Joël de Rosnay, Peter Viertel, Georges Hennebutte et Jacky Rott) entreprennent une démarche d'institutionnalisation progressive du surf. Ils comprennent qu'une cohabitation pacifique avec les autres est nécessaire pour pouvoir pratiquer leur passion en toute sérénité.
Les pionniers du surf en France créent alors les premiers clubs dans les années 1960. En septembre 1959, le Waïkiki Surf-Club est fondé à Biarritz par ces Tontons Surfeurs. Durant cette période, Hennebutte développe la "chevillère", précurseur du leash. Simultanément, Barland et Rott travaillent sur des planches innovantes, introduisant les premières planches en mousse polyuréthane. Les "Tontons Surfeurs" essaiment les premiers clubs de la Côte Basque, puis dans les Landes à Seignosse (1968) et Biscarrosse (1969), contribuant à la médiatisation rapide du surf à travers les médias spécialisés, le grand public, et la télévision.
La Côte des Basques, spot mythique
En parallèle, dans les années 1960, le surf s'impose comme un élément incontournable de la pop-culture. Sa présence est manifeste au cinéma, avec des films comme Gidget et dans le domaine musical avec les Beach Boys. Cette décennie marque l'apogée du surf, transcendant son statut de simple sport pour devenir un véritable mode de vie, un "lifestyle" influencé par la culture californienne, qui rayonne à l'échelle mondiale.
À la Côte des Basques, de nombreux néophytes s'initient à cette pratique, attirant aussi bien les amateurs de sensations fortes que les passionnés. Grâce à Joël de Rosnay, qui partage son expérience lors des championnats du monde de surf en Australie et au Pérou, les vagues de la côte basque deviennent une destination prisée des surfeurs du monde entier.
En août 1964, la Fédération Française de Surf Riding naît, marquant le début de la structuration des spots qui se dotent de leurs propres clubs. Le siège de la fédération s'établit d'abord à Biarritz avant de déménager à Hossegor en 1984. Les écoles de surf font également leur apparition, renforçant l'essor de cette discipline.
Les premiers Championnats de France ont lieu à Biarritz le 12 septembre 1960, et depuis 1965, ils sont organisés sous l'égide de la Fédération.
Un héritage commun
Hossegor devient rapidement un bastion incontournable du surf à l'échelle internationale. En août 1987, les Landes accueillent pour la première fois une étape des Championnats du monde à Hossegor, une tradition qui perdure sans interruption jusqu'à aujourd'hui.
À présent, la passion des uns et des autres pour le surf évolue à une cadence folle. Le jargon, les planches, les accessoires subissent des métamorphoses constantes. Jérémy Florès, Antoine Delpero, Justine Dupont... des noms qui entrent en résonance dans le panorama du surf français.
Le nombre de surfeurs en France est passé de quelques dizaines dans les années 1960 à près d'un million aujourd'hui, dont 80 000 d'entre eux licenciés à la Fédération Française de Surf. Et, ne l'oublions pas, le surf a intégré les Jeux Olympiques en 2020 ! Quatre athlètes représenteront d'ailleurs la France pour les épreuves des JO qui se dérouleront du 27 juillet au 4 août 2024 en Polynésie française à Teahupo'o : Kauli Vaast, Vahine Fierro, Johanne Defay, et Joan Duru.