L'Ar Zénith fut le premier bateau civil français à quitter un port français pour l'Angleterre le 19 juin 1940, au lendemain de l'appel du Général de Gaulle. À son bord, des jeunes Sénans et Audiernais, animés par une volonté commune : la lutte contre l'occupant et le nazisme. À la Cale des Torpilleurs à Saint Malo, l'association AFL Ar Zénith s'attache à le restaurer.
La construction d'un dundee
En 1939 sur le chantier Kéraudren de Camaret, un dundee est en construction pour trois Sénans : Jean-Marie Menou, Ambroise Spinec, et Martin Fouquet. Caractérisé par un gréement de ketch à deux mâts, avec une voile principale aurique à l'avant et une voile d'artimon à l'arrière gréée en bermudien, l'Ar Zénith mesure 21 mètres de long et possède un moteur auxiliaire. Son rôle : assurer deux fois par semaine le transport de passagers, de marchandises et de courrier entre Audierne et l'Île de Sein.
L'appel du Général De Gaulle
Le matin du 19 juin 1940, au lendemain de l'appel du Général de Gaulle, l'Ar Zénith accoste à Audierne d'où il doit appareiller vers midi comme de coutume pour l'île de Sein. Un groupe de neuf jeunes originaires d'Audierne se présente à son bord. Ces derniers ont entendu la veille l'appel du Général de Gaulle et se préoccupent de rallier l'Angleterre, l'île de Sein constituant une première étape vers la Grande-Bretagne. Ce groupe est rejoint peu après par une douzaine d'autres. Le patron, Jean-Marie Menou, accepte ces jeunes à son bord.
Alors qu'il s'apprête à quitter le port en direction de Sein, le lieutenant Dupont, une quinzaine de chasseurs alpins et un camion chargé d'armes et de munitions s'embarquent sur l'Ar Zénith. À Sein, les civils sont contraints de descendre mais l'île de Sein aura constitué une première étape vers la Grande-Bretagne.
L'équipage et les militaires se dirigent vers Ouessant afin d'embarquer d'autres soldats. Le bateau arrive le 20 juin dans les eaux territoriales anglaises.
Les 21 jeunes volontaires initiaux de l'Ar Zénith réussiront finalement à appareiller à bord de la Monique Andrée, calés sur le toit de la cabine, pour regagner les rangs des Forces françaises libres. L'un d'eux relate : ''Nous sommes bien les deuxièmes, nous avançons et nous passons. Oh ! Surprise ! Tout près d'Ar Zénith, qui attend et que nous saluons bruyamment de notre perchoir. Le lieutenant Dupont, toujours aussi grand et flegmatique, nous fait un discret Bravo ! Il nous rappellera plus tard ce moment où ces jeunes Audiernais l'avaient un peu bluffé ! Puis, nous pénétrons dans la grande et belle rade de Plymouth, toute encombrée de navires.''
Rapidement, l'Ar Zénith est réquisitionné par la Royal Navy et sert notamment au transport de munitions le long de la côte sud de l'Angleterre.
Fonctions post-guerre
Après la guerre, en 1946, l'Ar Zénith regagne la France. Le bateau n'a pas été entretenu et doit subir des réparations chez son constructeur d'origine. Avec le même équipage qu'en 1940, l'Ar Zénith reprend, pour six mois, sa fonction de courrier de l'île de Sein. Il est ensuite affrété par une entreprise qui le transforme en sablier, période pendant laquelle il participe à la reconstruction de Brest, avant de passer de mains en mains pour une utilisation dans différents types de transport autour de la Bretagne.
En 1978, un ancien membre des Forces Françaises Libres, Pierre Pinel, reconnaît l'Ar Zénith et en fait l'acquisition avec l'argent d'un gain de la loterie nationale. Tout en vivant à bord, il se consacre patiemment à la remise en état du bateau qui avait été profondément modifié, et tente de lui rendre son aspect d'origine.
Le 19 juin 1990, il se rend à Sein pour marquer le cinquantième anniversaire du départ de l'Ar Zénith pour l'Angleterre. Malheureusement, sur le chemin du retour, il s'échoue en brisant sa quille sur un plateau rocheux.
Se détériorant pendant 5 années, il semble définitivement voué à l'abandon dans la vase, au fond de la rivière Penzé.
Le devoir de mémoire
En décembre 1995, quelques Malouins découvrent l'existence de l'Ar Zénith, en état de délabrement.
En 1996, l'association A.P.P.E.L. Ar Zénith est créée pour sauver ce symbole de la Résistance et de la Liberté. L'épave est alors remorquée de Penzé à Saint-Malo, et un batardeau est construit pour protéger le navire des tempêtes et des grandes marées.
Diverses opérations de restauration ont déjà été entreprises.
En 2016 s'opère la fusion avec l'AVAFL (Association des Vétérans et Amis de la France Libre) et le nom de l'association devient AFL Ar Zénith (Amicale France Libre Ar Zenith). Pour ses membres, l'Ar Zenith est bien plus qu'un simple bateau ''c'est le symbole du sursaut d'un homme, le général de Gaulle, qui refusa la capitulation, de l'engagement d'une région la Bretagne, qui fournit à la France Libre son plus gros contingent de volontaires et c'est aussi l'illustration d'une jeunesse qui plaçait à l'époque le patriotisme parmi les valeurs suprêmes. Sans eux et sans ces bateaux qui leur ont permis de rejoindre l'Angleterre, il est fort vraisemblable que le sort de la France eut sans doute été différent''.
Aujourd'hui, l'Ar Zénith est sous un hangar près de la Tour Solidor à Saint Malo, et plus de 300 adhérents sont réunis autour du Président Claude Alain LIOT, des membres, du comité de fondation et du conseil d'administration pour faire revivre ce bateau classé Monument Historique.
Les défis actuels et l'appel aux dons
L'Ar Zénith est entreposé à sec sous une toiture-abri à la Cale des Torpilleurs à Saint Malo.
Bien que cette toiture couvre le bateau, lors des dépressions, l'arrière du bateau est exposé aux intempéries en raison de l'orientation des vents dominants. Au fil des années, la poupe de l'Ar Zénith s'est ainsi détériorée, au point que des réparations importantes sont nécessaires et même indispensables à la survie du bateau.
L'association a décidé, d'une part de prolonger la toiture-abri sur l'arrière de l'Ar Zénith de manière à mieux le protéger et d'autre part de restaurer la poupe endommagée.
Chacun peut aider à continuer de rendre vie à l'Ar Zénith en adhérant au projet. Le navire Ar Zénith est ouvert à la visite tout l'été, ou sur rendez-vous de groupe toute l'année.
Par ailleurs, un livre intitulé "Ar Zénith. En route vers la liberté !" écrit par Pierre-Louis Auffret et édité par Bleu B est également disponible. La préface de ce livre a été rédigée par Jacques Le Gall, un résistant de la France libre qui a embarqué le 9 juin 1940 avec son frère, Alexis Le Gall, à bord de l'Ar Zénith.