La Cancalaise, bisquine emblématique, a été mise à l'eau le 18 avril 1987. En tant que réplique fidèle de La Perle, ces voiliers incarnent le caractère distinctif des bateaux traditionnels de pêche de Cancale, de Granville, et de la Baie du Mont Saint-Michel. Chaque hiver, La Cancalaise rejoint l'atelier de l'Association de la Bisquine Cancalaise (A.B.C), où elle est minutieusement entretenue par ses bénévoles.
Gardienne de l'héritage maritime de la pêche à la voile
Les bisquines sont des bateaux originaires de La Manche, gréés en lougre de pêche à trois-mâts avec voiles au tiers. Leur nom dériverait de ''Biscaya", la Biscaye, une province du Pays Basque réputée pour la construction de robustes voiliers de pêche. Rapides et manœuvrantes, les bisquines pratiquaient trois types de pêche : le chalut, les grandes lignes, et le dragage des huîtres.
Leur gréement fut adapté à la zone géographique du Mont Saint-Michel pour permettre des manœuvres plus aisées. Elles pouvaient arborer jusqu'à 450 m2 de voilure répartis sur trois étages, le troisième étant réservé aux vents faibles ou aux retours rapides pour pouvoir vendre la récolte au meilleur prix. Un bout-dehors démesuré, dépassant la moitié de la longueur de la coque, rendait possible le déploiement d'un grand foc à l'avant pour stabiliser la marche. Dotées d'une coque spécifiquement adaptée à la région, ces embarcations pouvaient s'échouer sur une plage de sable, exploitant ainsi le fort marnage de la baie. Leur puissance de traction, associée à une coque à fort plan de dérive, en faisait d'excellents voiliers de dragage.
Apparues vers 1810, ces embarcations ont connu leur apogée au début du XXe siècle, avec 200 à 300 bisquines naviguant dans la baie. Cependant, le déclin de la pêche dans les années 1940 a entraîné l'abandon progressif des voiliers par les patrons. Malgré cela, La Cancalaise demeure une fière représentante de cet héritage maritime.
Les origines du lancement
L'A.B.C, fondée par des passionnés en 1984, se fixe pour objectif ambitieux de faire naviguer la bisquine dans un cadre associatif et éducatif. Jean Le Bot, spécialiste des vieux gréements, relève les plans sur l'épave de la Perle en 1958 et les offre généreusement à l'association. Une longueur de coque de 18,10 mètres, est portée à 30 mètres hors tout. L'enthousiasme de l'équipe donne vie au projet. Malgré des défis financiers, la construction débute grâce à divers soutiens en juin 1985 sur le port de la Houle. Les charpentiers de marine de la région : Charles Fresneau, Alain Leclerc et d'autres s'engagent dans l'aventure. Raymond Labbé coordonne les travaux.
La construction se poursuit en public avec la participation de nombreux bénévoles, et sous l'oeil vigilant du "comité des casquettes", les anciens marins ayant navigué sur des bisquines. Leurs conseils sont précieux.
La Cancalaise est lancée le 18 avril 1987, sous le parrainage d'Eric Tabarly.
En cale pour l'hiver
37 ans plus tard, la Cancalaise est toujours là. Sur l'année 2023, elle totalise 133 jours de navigation. En saison, lorsqu'elle n'est pas en mer, le voilier repose au mouillage dans l'anse de Port-Mer, au nord de Cancale. Pendant l'hiver, il est soigneusement désarmé à la cale de l'épi. Cette longévité exceptionnelle est le fruit du dévouement d'une équipe passionnée, dirigée par Harry Raub, membre fondateur du projet. Les savoirs traditionnels sont transmis par les anciens membres de l'équipe qui consacrent leurs jeudis et un samedi sur deux au ponçage, à l'huilage, au séchage, à la rénovation des cordages et à la réparation de l'accastillage.
Chaque année, environ 3 000 heures de travail sont nécessaires pour assurer la préservation et l'entretien de La Cancalaise.
Retour sur l'eau
Prête à reprendre la mer en avril 2024, la Cancalaise offrira, comme chaque année, des sorties sociales pour les enfants des écoles, les résidents de l'Ehpad, et les enfants malades. Au programme également, des sorties et croisières pour les adhérents, ainsi que des balades nautiques commerciales.
Deux fêtes nautiques marqueront l'année 2024 pour La Cancalaise : Brest, du 12 au 17 juillet, et Douarnenez, du 18 au 21 juillet.