Quand il s'agit de windsurf, Sarah Hauser aime relever des défis. Ses choix de vie, façonnés par une persévérance à tout épreuve, l'ont guidés vers les circuits professionnels. À 34 ans, cette jeune femme dévouée et engagée dédie sa vie à ce sport qui l'inspire.
Une rencontre avec le vent
Depuis près de vingt ans, une passion ardente anime Sarah Hauser. L'aventure en planche à voile a débuté sur les vagues de sa Nouvelle-Calédonie natale.
Pouvez-vous nous parler du déclic qui vous a conduite à choisir le windsurf comme sport de prédilection, et comment vos expériences ont-elles influencé votre parcours dans le windsurf ?
"Je pense avoir eu deux déclics importants. Le premier s'est produit la première fois que je suis partie au planning, ce moment où l'on prend suffisamment de vitesse et qu'on a l'impression de voler tout en étant au contact de l'eau. J'avais environ 12 ans. Puis, trois ans plus tard, je surfe ma première vague en planche à voile à la passe de Saint-Vincent, sur le spot de Ténia en Nouvelle Calédonie. Je découvre alors une sensation magique de communion avec la nature, de frisson et de dépassement de moi-même. À partir de ce moment-là, il était très clair qu'il fallait que je donne au windsurf une très grande place dans ma vie.
Je ne me suis pas tout de suite engagée vers une carrière d'athlète. J'ai fait des études d'ingénieur qui m'ont amenée loin de la mer et des vagues, mais une fois mon diplôme en poche, j'ai décidé de tout plaquer et de me lancer sur le tour américain de windsurf dans les vagues (l'American Windsurfing Tour, désormais International Windsurfing Tour) et petit à petit, j'ai réussi à percer et à gagner ma vie grâce aux sponsors. Le fait de m'être égarée, en quelque sorte, avant de trouver mon chemin, m'a permis de me rendre compte que j'étais capable de m'adapter et de trouver ma voie. Ce qui a fait que j'ai mené ma carrière à ma façon, comme je la concevais."
Ambassadrice du surf féminin
Pour Sarah, le surf est un moyen puissant d'inspirer et d'émanciper les jeunes filles. Engagée, elle donne de son temps à une association à but non-lucratif basée au Pérou qui cherche à initier ces dernières au surf afin de leur offrir d'autres perspectives que celles à laquelle la majorité d'entre elles sont destinées.
Vous montrez un engagement fort envers l'autonomisation des femmes à travers le surf. Comment envisagez-vous ce rôle et quel impact souhaitez-vous avoir sur la représentation des femmes dans le monde du sport ?
"J'ai eu la chance de pouvoir co-fonder le projet Women & Water au Pérou grâce à Beyond the Surface International, une ONG visant à soutenir les villages côtiers impactés par les pressions sociales et environnementales. Le surf est un outil fantastique pour créer du lien avec les jeunes filles et les femmes de ces communautés car c'est à la fois fun et c'est aussi un défi pour celles qui n'ont pas forcément l'opportunité d'essayer ce genre d'activité. C'est une façon de faire réfléchir aussi sur ses capacités ; souvent, on se surprend à pouvoir faire des choses qu'on n'imaginait pas. Et puis, c'est une métaphore aussi sur la façon de gérer les choses que l'on contrôle et de s'adapter à ce qu'on ne peut pas changer. C'est important pour moi de participer à ce genre de projet parce qu'en tant qu'athlète, j'ai envie de divertir mais aussi d'inspirer les gens, et de temps en temps, c'est bien de le faire de manière très directe comme celle-là. Après, bien sûr, il y a toute la communication que je fais avec les médias, sur les réseaux sociaux qui, j'espère, remplit aussi ces deux missions, divertir et inspirer. C'est un rôle important. Je sais que les femmes athlètes que je suis et qui m'inspirent m'apportent beaucoup de manières conscientes et subconscientes, et je pense contribuer à cela pour d'autres à ma petite échelle."
Le défi des titans
Certaines journées exceptionnelles se font attendre, survenant de manière épisodique, quelques rares fois par année. En 2019, à Peahi, spot connu sous le surnom de Jaws pour les initiés (''les mâchoires''), un swell imposant et un vent de 25 nœuds ont créé les conditions idéales pour qu'une vague colossale prenne forme. Ce jour a marqué l'entrée de Sarah Hauser dans le livre Guinness des records avec une vague de 10,97 mètres.
Vous avez surfé sur Cloudbreak aux Fidji et Jaws à Hawaï. Que se passe-t-il une fois lancé sur la vague ?
"Ce genre de vague requiert une énorme concentration puisqu'il y a de gros risques de blessures voire même de noyade. Mais le plus dur c'est de choisir la bonne vague, une fois que je pars dans une vague, il n'y a pas plus à hésiter, il n'y a qu'à rider, à ressentir et répondre aux sensations et laisser le travail en amont payer… ou pas ! Des fois, ça ne se passe pas comme prévu, mais pour ça aussi il y a une préparation pour ne pas avoir d'hésitation et faire les bons gestes."
Quelques conseils
Sarah poursuit constamment des techniques d'entraînement mental et physique pour se préparer pleinement à toute situation que les grosses vagues ou la vie pourraient lui réserver.
En tant qu'entraîneuse, vous investissez dans le développement mental et physique. Quelles sont les techniques d'entraînement que vous trouvez les plus efficaces pour vous préparer aux défis des grosses vagues et quels conseils donneriez-vous à ceux aspirant à exceller en windsurf ?
"Pour ce qui est de la préparation physique, je pratique le renforcement musculaire avec des objectifs ciblés à chaque saison en fonction de mes besoins. Si je ne navigue pas, je reste active avec des activités complémentaires comme le surf, le foil, la nage en eau libre, l'apnée dynamique mais aussi du yoga pour la relaxation. J'aime beaucoup l'hypnose comme outil de préparation mentale. Il y a beaucoup de techniques que l'on peut pratiquer seul et qui sont très efficaces. Ce que je recommande souvent, c'est la nage en eau libre dans des vagues car ça permet d'apprendre à être à l'aise en cas de pépin. Il y a des gens pour qui tout se passe bien jusqu'au moment où ils ne sont plus debout sur leur planche, et ça, c'est un frein à la progression. Pour s'améliorer, il faut tomber et donc il faut être à l'aise une fois dans l'eau."
À force de persévérance
Les victoires représentent une consécration pour cette athlète qui consacre depuis 10 ans sa vie à son développement dans le sport.
En 2017 et 2018, elle s'impose comme double vainqueur du concours Aloha Classic, considéré comme le "Super Bowl" de la planche à voile, organisé chaque automne sur la côte nord de Maui, à Hawaï. Lors de l'édition 2022, elle atteint la deuxième place. En juin 2023, elle ajoute un nouveau triomphe à son palmarès en devenant la gagnante du Fiji Surf Pro dans la catégorie féminine, puis, en octobre 2023, à Ho'okipa, à Hawaï, elle termine troisième à l'Aloha Classic, marquant la dernière étape de la Coupe du monde de vagues en windsurf.
Des résultats qui soulignent sa constante excellence dans le domaine du windsurf à l'échelle internationale.
En tant que double championne du Aloha Classic et victorieuse au Fiji Surf Pro, quelles impressions avez-vous de ces compétitions, et quels sont vos projets à venir dans le monde du windsurf ?
"J'ai l'impression que ces compétitions font rêver ceux qui y participent et ceux qui les regardent car elles ont lieu sur des spots "mythiques". J'espère qu'elles continueront d'avoir lieu pendant encore longtemps pour moi qui sent que je peux encore améliorer mes performances et pour les prochaines générations.
Pour ce qui est du futur, je compte continuer ce mélange de compétitions et d'exploration du possible dans les grosses vagues ainsi que le projet Women & Water. Je partage aussi mon savoir en tant que coach au travers des programmes d'entraînements de NC6training.com et je me lance dans la production d'un blog sur Youtube en 2024 qui s'appelle "Life of Adventure"."