Grâce au travail minutieux d'historiens et aux techniques scientifiques les plus récentes, le Vasa, galion renfloué en 1961, se révèle être une mine d'informations sur le passé, révélant tout un volet sociopolitique de l'Europe du 17e siècle. Mais comment un navire aussi imposant a-t-il pu sombrer aussi aisément ? C'est à cette interrogation que répond, entre autres, ce récit cinématographique signé Charlotte Notteghem, Yann Ollivier et Eric Morfaux. ''Vasa : Le galion fantôme'' sera diffusé le 2 décembre 2023 à 20h50 sur ARTE, et en avant-première le 25 novembre au Musée de la marine à Paris.
Mise en contexte historique du naufrage du galion
Le 10 août 1628, le Vasa, navire de guerre destiné à assurer la suprématie suédoise dans la guerre contre la Pologne, sombre 18 minutes après sa mise en service, en s'éloignant du port de Stockholm. La mer est plate, et une légère brise s'efforce timidement de faire gonfler les voiles. Soudain, un souffle plus affirmé se manifeste, et le Vasa s'incline brusquement. L'eau s'engouffre par les sabords, engloutissant rapidement le navire par près de 32 mètres de profondeur, et avec lui une trentaine de marins parmi les 150 membres d'équipage qu'il comptait.
Comment les chercheurs ont découvert l'histoire du Vasa
Catastrophe pour la Suède de l'époque, dont l'ambition était de compter sur ce navire amiral pour contrôler la mer Baltique, il ne sera renfloué que 333 ans plus tard, après qu'un jeune ingénieur passionné d'histoire maritime ait réussit à localiser l'épave oubliée. Les vidéos du sauvetage de l'épave en 1961 sont impressionnantes, d'autant que cette dernière est dans un état de préservation exceptionnel, grâce aux conditions favorables de la mer Baltique. Eau et vase sont progressivement évacuées pour alléger la structure, et le Vasa apparaît alors lentement à la surface. 17 années seront ensuite nécessaires pour imprégner le navire au glycol, afin de permettre sa conservation. Le navire est aujourd'hui conservé dans un immense musée qui lui est dédié à Stockholm, le plus visité de Suède.
Portraits des scientifiques derrière ce projet
Fred Hocker, directeur de recherche et de conservation au musée du Vasa, est un véritable passionné de ce navire emblématique. D'origine américaine, il partage sa motivation et ses interrogations face aux défis posés par cette énigme historique.
Anna Maria Forssberg, historienne au musée du Vasa, dévoile les secrets des archives du procès du capitaine.
Aoife Maeliosa Daly, dendro-archéologue irlandaise basée au Danemark, collabore avec les chercheurs du Vasa pour décoder les mystères de la coque, combinant l'étude physique du bois aux archives historiques.
Marie Allen, experte en médecine légale pour la police scientifique suédoise et professeure en génétique à l'Université d'Uppsala, utilise des analyses ADN de pointe pour révéler des informations sur les victimes de la catastrophe.
Oscar Nilsson, archéologue et sculpteur suédois renommé, donne vie aux visages des ancêtres à partir d'observations du crâne et, parfois, de résultats ADN, offrant des reconstitutions hyper réalistes.
Josefin Lindegren et Anna Silwerulv collaborent étroitement pour reconstituer les vêtements des marins du Vasa, un travail minutieux impliquant la récupération des fragments de tissus sur les ossements repêchés.
Olof Pipping, expert en gréement, se consacre à la restauration des voiles du Vasa, découvertes soigneusement pliées dans les soutes. Durant ses recherches, il est mené à rencontrer l'historien français Pierrick Pourchasse à Vitré, spécialiste du commerce international breton à l'époque.
Épisode 1 : "L'incroyable Naufrage"
Le premier épisode offre une analyse approfondie des circonstances entourant le drame, explorant son contexte politique et historique. Grâce à des techniques combinées d'animation en compositing et de dessin, le naufrage et le sauvetage partiel de l'équipage sont minutieusement reconstitués. Comment un navire imposant, conçu par un architecte chevronné, fabriqué sur un chantier naval renommé, avec des voiles confectionnées par les meilleurs artisans, a-t-il pu sombrer dès la première risée ? Les trésors ne se trouvent pas tous au fond de l'eau. Les archives du procès, partiellement reconstituées en animation, mettent en lumière la nature multifactorielle du désastre, impliquant des aspects tels que l'architecture navale, l'organisation du chantier, la stratégie militaire et des erreurs humaines.
Plus de 300 hommes travaillaient sur le chantier. C'était un véritable défi technique, car le navire, l'un des deux seuls connus construits avec un double pont armé de canons, devait répondre à la stratégie navale de l'époque.
À présent, le vaisseau enfin sauvé est présenté à Stockholm dans un musée qui lui est dédié. Fred Hocker et son équipe ont pu reconstituer la majeure partie de son histoire en 20 ans. Une autorisation exceptionnelle a permis à l'équipe du cinéaste de filmer l'intérieur du Vasa : ses pont, ses cales, et ses cabines se révèlent ainsi au public pour la première fois. Le programme de décoration était triple. Pour Gustave II Adolphe, roi de Suède, il s'agissait de montrer sa puissance, de s'affirmer héritier légitime de la couronne de Suède, mais aussi de justifier la guerre avec la Pologne.
Épisode 2 : "Les Trésors Retrouvés"
Le second épisode explore les découvertes archéologiques au sein de l'épave du Vasa. Ces trouvailles offrent des enseignements précieux sur la vie des hommes et des femmes à bord, tout en mettant en lumière l'internationalisation du commerce des biens stratégiques au début du XVIIe siècle. Dès 1663, soit peu de temps après le naufrage, l'intérêt pour les vestiges du Vasa se manifeste. La narratrice nous apprend qu'Hans Treileben, marchand d'armes, introduit en Suède la cloche à plongeurs. Cette technique consistait à immerger une cloche en acier avec un plongeur équipé d'une combinaison de cuir, utilisant des tonnelets d'air pour renouveler l'oxygène sous la cloche. L'équipe scientifique du Musée du Vasa a reproduit la cloche selon les plans d'époque et a testé la méthode avec Lars Gustafsson, relatant son expérience en se glissant dans la peau d'un plongeur du XVIIe siècle.
D'où venaient les savoirs-faire et matériaux qui ont servis à la construction du navire ? Une multitude d'artefacts a été retrouvée dans l'épave. Le documentaire nous fait ainsi certaines révélations, parmi lesquelles celles que les voiles de chanvre du Vasa venaient de Vitré, en Bretagne ; ou encore que son bois avait été acheté à des nations ennemies... En explorant le Vasa, la géopolitique et l'économie d'une époque entière s'éclairent. Si l'histoire des conflits et des élites est abondamment documentée, celle des individus modestes reste souvent dans l'ombre. Pourtant, le Vasa offre une mine d'indices qui permettent d'élucider les conditions de vie de l'équipage, révélant ainsi des aspects de la vie quotidienne du petit peuple dont la plupart des marins étaient issus. Les ossements de 17 des 30 victimes du naufrage racontent leur histoire : des analyses ADN, réalisées au laboratoire de la police scientifique de Stockholm, dévoilent des détails sur l'apparence des marins et leurs origines.
Oscar Nilsson, sculpteur médico-légal, s'est ainsi basé sur ces données pour s'adonner à des reconstruction faciales saisissantes.
Alors que le Vasa n'en finit pas de livrer ses secrets, il est désormais primordial de concentrer les efforts sur la préservation du navire afin qu'il continue de fournir d'autres thématiques d'étude.
Si le Vasa a fait l'objet d'un spectaculaire renflouage dans les années 1960, paradoxalement, son histoire ne s'est pas arrêtée là. Cette mini-série documentaire, mêlant prises de vues actuelles, reconstitutions animées et archives, nous confronte à un drame humain qui est universel. L'histoire du Vasa a continué de s'écrire. Les découvertes récentes, fruit d'investigations approfondies, confèrent à ce galion suédois une dimension européenne inédite, le transformant en une "capsule spatio-temporelle" au cœur de l'Europe du Nord du 17e siècle.